Mercredi, 11 h 30, coin Crescent et De Maisonneuve. Le cortège des Alouettes de Montréal est prêt à se mettre en marche. Les « olé, olé » ont déjà commencé. Les bottes sont déjà souillées de neige mouillée. Et peut-être aussi d’un peu de bière renversée.
« C’est ce dont notre ville a besoin », nous dit Sandra, qu’on aborde à quelques mètres des autocars s’apprêtant à démarrer. Elle est vêtue du chandail et de la tuque bleu, blanc et rouge de ses favoris.
« Personne ne s’attendait à ça », dit-elle, avant de reprendre ses cris et ses chants à la gloire de ses Alouettes, sacrés champions de la Coupe Grey trois jours plus tôt.
Non loin de là, le quart-arrière Cody Fajardo signe des autographes. Il est confortablement assis sur le côté d’une voiture décapotable. Le joueur par excellence de la Coupe Grey offre sa signature sur un bout de papier à un partisan, que l’on interroge après coup.
« C’est l’un des plus beaux matchs que j’ai vus dans ma vie », nous souligne Luc Pelletier, qui doit hausser la voix alors que le cortège se met en marche sous les acclamations de la foule.
Non, Montréal n’a pas oublié comment célébrer ses champions, malgré 13 ans de disette sportive. Les partisans des Moineaux ont convergé par milliers au centre-ville de la métropole pour fêter avec leurs champions de la Coupe Grey, mercredi.
Les autocars transportant les joueurs ont roulé pendant environ une heure sur De Maisonneuve, de Crescent à la place des Festivals.
Sur le congestionné plancher des vaches, une odeur de crottin – la police à cheval du SPVM suivait le cortège – et d’alcool émanait de la procession. Au-dessus des têtes des Montréalais, les Alouettes célébraient avec l’attirail traditionnel des champions : les lunettes de ski sur la tête, les canettes de bière à la main, le torse nu ou couvert de leurs chandails respectifs, avec un gigantesque collier bling-bling au cou de certains d’entre eux.
« Une équipe Cendrillon »
On aperçoit un groupe de partisans particulièrement colorés, à une dizaine de mètres. On s’en approche précautionneusement à travers la foule. Il est écrit « COUPE GREY CUP » sur le chandail de notre interlocuteur. Marc-Antoine Dequoy serait content.
« C’est une équipe Cendrillon, se réjouit Gerry Nadon devant La Presse. Ça n’a aucun bon sens. »
Gerry est un partisan depuis les années 1970. Son chandail, c’est celui de la Coupe Grey de 2008, que les Alouettes ont perdue aux mains des Stampeders de Calgary, au Stade olympique de Montréal.
Même à travers les années de vaches maigres de la dernière décennie, « on les a toujours soutenus », dit-il. « On les soutenait, mais on n’avait pas beaucoup d’attentes. Mais cette année, tout a fonctionné à merveille. C’est comme un film de Disney. »
Un groupe de jeunes hommes transportent leur baril de bière. Il n’est pas encore midi.
« C’est la fête, on en profite ! nous dit Alexis, entouré de ses comparses Antoine, Antoine, Mika et Nelson.
— Vous êtes fans des Alouettes depuis longtemps ?
— Oui, depuis qu’on joue au football !
— Ah oui ? Vous jouez au football ? Pour quelle équipe ?
— On joue à Saint-Hyacinthe, on a gagné le Bol d’Or ! »
Nous avons donc devant nous de fiers représentants des Lauréats du cégep de Saint-Hyacinthe. Ils ont gagné le titre de la deuxième division du football collégial, samedi dernier, à Trois-Rivières.
« C’est la célébration qui continue ! », lance Alexis avant de poursuivre sa route non loin des véhicules tout aussi en fête des Moineaux.
Un ouvrier de la construction, dans sa grue, salue les joueurs à leur hauteur. Les employés des restaurants sortent sur leur terrasse et photographient la scène. Quelqu’un, quelque part, fait jouer Sur mon épaule, des Cowboys Fringants.
Les Alouettes et leurs partisans ont trimé depuis « dix ans et des poussières ». Ils ont « fait face au vent d’hiver ».
Mais « ensemble », en ce mercredi de novembre, ils n’ont plus « peur de rien ».