Matthieu Proulx aurait pu faire mille et une choses après sa carrière avec les Alouettes de Montréal. Puis, entre deux plaidoiries, la télévision s’est imposée. Treize ans plus tard, quelque part entre la bienveillance de Serge Bouchard et l’émotion de Marc-Antoine Dequoy, il parvient à trouver l’équilibre nécessaire pour exceller.

Quand Proulx débarque de l’ascenseur le menant à l’accueil de l’édifice de Bell Média, il porte une chemise blanche sans pli, son veston sur l’épaule et sa boîte à lunch en bandoulière. Dans quelques heures, il animera le football du jeudi soir. Au menu : un exaltant duel Raiders-Chargers et une salade de lentilles.

Chaque journée de football est intense, occupée et un peu étourdissante. Dans ce domaine, chaque jour est une grosse semaine, pour paraphraser le rappeur Loud.

Juste avant d’entrer en ondes pour son intervention à l’émission Le 5 à 7, Proulx s’assoit dans la salle de conférence Paul-Buisson, au deuxième étage des bureaux de RDS.

Dans les dernières années, il a réussi ce que peu d’anciens athlètes professionnels ont fait avant lui, c’est-à-dire devenir animateur. Il est aussi descripteur à ses heures.

Plusieurs joueurs sont devenus analystes ou panélistes, mais chaque semaine, Proulx montre pourquoi il est l’exception à la règle. L’ancien maraudeur mène son plateau de main de maître en étant à la fois décontracté et pertinent.

La première personne à qui il pense en revenant sur ses débuts au petit écran est Gildor Roy, car il a fait ses débuts en ondes à son émission Le show du matin, diffusée à V Télé, quelques mois après avoir accroché ses crampons en 2010.

« C’est un gars à qui je voue un immense respect, parce qu’il est le fun, il connaît son foot et son sport. Il connaît tout. Il est brillant et généreux avec ses collaborateurs, dit-il à propos de l’interprète du commandant Chiasson. Ça a été un bon apprentissage. »

Puis, RDS lui a fait une offre à temps plein pour couvrir les activités des Alouettes. « Je ne voulais pas les couvrir, parce que je me trouvais trop proche de l’équipe. »

Mais Proulx a plié. La saison suivante, il était devenu analyste. Avec le recul, il reconnaît ne pas avoir eu besoin de se faire tordre un bras pour accepter.

À l’antenne, l’avocat de formation pouvait travailler sans pression et dans le plaisir.

Si je prévois qu’un gars va connaître un bon match et qu’il connaît un mauvais match, personne ne va m’en tenir rigueur, contrairement au droit. Pour moi, c’est encore un jeu.

Matthieu Proulx

Et parce que des changements à l’interne se sont opérés rapidement, Proulx s’est fait offrir de piloter le plateau.

« Le producteur Dom Vannelli me voyait comme animateur et c’était un peu inédit de voir la chaise d’animateur être confiée à un joueur. Je lui faisais confiance. Et je pense que ça a été un bon coup, parce que je sens que je suis à ma place », soutient l’ancien du Rouge et Or de l’Université Laval.

PHOTO IVANOH DEMERS, ARCHIVES LA PRESSE

Matthieu Proulx avec la coupe Grey en 2009

Une nouvelle vie

Communicateur-né, Proulx a rapidement pris ses aises. Il conduit son plateau avec aisance depuis huit ans.

« J’aime le contrôle, même si un thérapeute dirait que le contrôle est une illusion, précise-t-il, mais j’aime leader, j’aime diriger, j’aime être le capitaine et dans l’équipe, j’ai pris ce rôle, où je mène des discussions, brise des barrières »

La moitié du travail s’opère cependant en amont, chez lui, dans son bureau. Question d’être prêt lorsque le clignotant de la caméra vire au rouge. Son quart de travail ne s’entame pas seulement lorsqu’il traverse l’étape de la sécurité au premier étage.

Cette partie du boulot est toutefois, encore à ce jour, la plus difficile à assimiler. « C’est un travail très individualiste. Tu es toujours tout seul à regarder ton ordi, à regarder des stats, des matchs, des clips. »

Ayant évolué toute sa vie dans un vestiaire de football, Proulx s’ennuie parfois de cet esprit de corps qu’il retrouve instantanément dès lors qu’il met les pieds en studio pour rejoindre Bruno Heppell, Didier Orméjuste et compagnie.

Reste qu’analyser plus de 140 parties de football par année, que ce soit dans la NFL ou la LCF, est épuisant, avoue-t-il. Chaque fin de semaine, et deux soirs par semaine, il quitte femme et enfants pour aller regarder des mastodontes se battre pour un ballon ovale.

C’est pourquoi il est peu actif sur les réseaux sociaux et qu’il s’évade dans ses bouquins à temps perdu. Le football l’a nourri toute sa vie. C’est encore ce qui le définit et le passionne. Il souhaite cependant s’affranchir par différents canaux.

Quand je finis le dimanche, que je sors d’ici à minuit et que j’entre dans le métro, je ne regarde pas mon cellulaire pour voir s’il y a une nouvelle. Je prends un livre et je lis Serge Bouchard, parce que je n’ai plus le goût de parler de foot et j’ai plein d’autres intérêts.

Matthieu Proulx

Parmi eux, il y a les voyages. Son année 2023 aura d’ailleurs été marquée par un périple de trois mois en Asie avec sa petite famille. Les Proulx ont sillonné la Thaïlande, le Viêtnam et l’Indonésie.

L’animateur de 42 ans en est revenu transformé, car plus que jamais, il a pris conscience de ses privilèges, mais surtout de sa place dans l’écosystème.

« Tu touches à quelque chose qui est vrai, essentiel et fondamental à la vie. La famille, la vie, la richesse, les iniquités. Et là, tu reviens et tu décris un match Saskatchewan-Hamilton », dit-il avec un brin d’humour.

Pas pour dénigrer ce qu’il fait, au contraire. Mais plutôt lui donner de la valeur.

« Ça va mal dans le monde, c’est difficile, donc les gens ont besoin d’endroits où ils vont aller se divertir, se stimuler, chercher quelque chose de positif. Et le sport est l’un de ces derniers bastions où malgré quelques controverses, dans l’ensemble, c’est positif. C’est la performance humaine, le dépassement de soi, s’associer à quelqu’un, faire partie d’un groupe. »