Les nouvelles acquisitions des Alouettes de Montréal sont passées un peu sous le radar depuis l’ouverture du marché des joueurs autonomes. Dans le but de défendre avec vigueur leur titre de la Coupe Grey, pourquoi les plus récents champions ne se sont-ils pas entendus avec des joueurs autonomes d’envergure comme Mathieu Betts, A.J. Ouellette et Brady Oliveira ?

« Ce n’est pas un concours de popularité que je veux gagner. Je veux gagner la Coupe Grey », a répondu, du tac au tac, le directeur général de l’équipe, Danny Maciocia, en entrevue avec La Presse.

L’homme de 56 ans s’est montré extrêmement lucide dans l’explication de sa démarche. L’embauche de joueurs comme Isaac Adeyemi-Berglund, Tevin Jones ou Dylan Wynn résonne sans doute un peu moins dans l’esprit et dans le cœur des partisans de l’équipe, mais Maciocia demande simplement qu’on lui fasse confiance. « On pourrait amener des joueurs populaires, mais si en novembre on a une fiche de 6-12, je ne pense pas qu’il y aura beaucoup de gens heureux de nos décisions. »

Il refuse catégoriquement d’amener en ville de grands noms commandant un salaire imposant au détriment de plusieurs joueurs de profondeur et de talent équivalant au salaire d’un seul joueur vedette. Dans l’esprit du directeur général, c’est une mauvaise stratégie. Peut-être même contre nature.

Les joueurs autonomes les plus convoités imposaient des demandes salariales dont l’estimation est en moyenne autour de 250 000 $ par saison. Dans une certaine mesure, compte tenu de l’état du marché actuel et de l’impact potentiel de ces joueurs sur le terrain, ces demandes ne sont pas nécessairement alambiquées.

La réflexion de Danny Maciocia à l’égard de ces demandes s’est faite autour d’une seule question fondamentale : « Est-ce que tu peux gagner un championnat si tu mets tout sur deux ou trois joueurs ? »

Pour lui, le calcul est simple : l’effectif d’une formation comprend 45 joueurs. Certains d’entre eux se blesseront, inévitablement, au cours de la saison. Le directeur général tient donc à se garder une certaine marge de manœuvre sous le plafond salarial en cas d’urgence. Ensuite, un quart-arrière gagne en moyenne un salaire situé entre 400 000 $ et 500 000 $ annuellement dans la LCF. Alors, si on ajoute à l’équation un joueur vedette réclamant 300 000 $, entre 700 000 $ et 800 000 $ d’une masse salariale de 5,5 millions seraient attribués à deux joueurs seulement. « Donc si ça mange, par exemple, 20 % de ton plafond, ça veut dire que tu vas en avoir un paquet qui va gagner le salaire minimum à 70 000 $ ! »

Il est impossible de lire l’avenir, mais Maciocia ne ferme pas la porte, au besoin, à l’éventualité d’acquérir les services d’un joueur au salaire plus élevé que la moyenne. Cependant, à court terme, cette possibilité n’est pas viable : « Avec tout le travail qu’on a fait, avec les joueurs qu’on a embauchés en décembre et janvier, je ne peux pas me permettre d’avoir un joueur à 250 000 $. C’est impossible dans le contexte actuel. »

Plus de normalité

À pareille date l’année dernière, Danny Maciocia avait convoqué les membres des médias dans le vestiaire des Alouettes, au Stade olympique, pour signifier le désintérêt total des anciens propriétaires en ce qui concerne l’acquisition de nouveaux joueurs. Les ressources étaient à sec et le directeur général n’avait aucun fonds pour manœuvrer et améliorer son équipe. Il avait la mine basse et le cœur lourd.

Un an plus tard, les Alouettes peuvent enfin rivaliser avec les huit autres formations de la Ligue. Dorénavant, l’équipe peut négocier avec des joueurs de talent, car elle dispose des liquidités nécessaires. Maciocia ne pourrait être plus heureux et cela se traduit dans son ton de voix.

« La seule différence, c’est que là, on l’a, et avant l’arrivée de M. Péladeau, on ne l’avait pas. »

Ainsi, pour traduire les propos du directeur général, les Alouettes peuvent enfin souffler, non pas parce que le nouveau propriétaire a délié les cordons de la bourse pour que Maciocia puisse dépenser sans compter dans le but d’avoir un ascendant sur les autres organisations. Le point étant simplement qu’il dispose des 5 millions et quelques nécessaires pour manœuvrer sous le plafond salarial, question de se battre à armes égales avec les autres équipes.

« La différence, c’est qu’on est en train de vivre une situation normale. C’est-à-dire qu’on a les mêmes moyens que les huit autres équipes. Ce n’est pas qu’on en a plus, c’est que dans les dernières années, on en avait beaucoup moins. On ne pouvait pas rivaliser avec les autres équipes concernant le plafond salarial, ou le plafond des entraîneurs, ou les employés des opérations football. On est en train de vivre ce que les huit autres équipes vivaient déjà. »

Le luxe de dire non

En raison de la marge de manœuvre financière, Danny Maciocia respire beaucoup mieux. Il a aussi de meilleurs arguments pour convaincre les joueurs et leurs agents de s’entendre avec les Alouettes. Son meilleur argument, toutefois, n’a rien à voir avec l’argent.

La plus récente victoire de l’équipe à la Coupe Grey aide grandement le directeur général dans sa démarche, avoue-t-il. « L’année passée, il n’y avait pas grand monde qui me faisait confiance quand je leur disais qu’on pouvait bâtir une équipe compétitive. »

PHOTO FRANÇOIS ROY, ARCHIVES LA PRESSE

Marc-Antoine Dequoy célèbre le championnat des Alouettes avec les partisans dans les rues de Montréal lors du défilé de la Coupe Grey, le 22 novembre 2023.

Or, depuis décembre, « le nombre de fois où j’ai dû dire non parce qu’on n’a pas de place, c’était vraiment surprenant. […] C’est tout à fait normal que les agents nous appellent pour nous dire que leurs clients sont intéressés de venir à Montréal. On n’avait pas vécu ça dans les dernières années. On est rendus à une autre place. »

Sur le plan personnel, jamais Maciocia n’aurait pu prédire être dans un tel état d’esprit il y a un an. Un titre de la Coupe Grey et un peu plus de liquidités ne changent pas le monde, sauf que…

« Je suis très, très, très heureux. Quand je me lève le matin, je suis plus que motivé à venir au travail, parce que j’ai hâte d’attaquer mes journées. »