L'année 2012 marque le centenaire de la naissance de trois des plus grands champions de l'histoire du golf. Ben Hogan, Byron Nelson et Sam Snead sont en effet nés à trois mois d'intervalle en 1912, dans le sud des États-Unis, comme si une bonne fée avait décidé d'amener sur terre au même moment un trio appelé à révolutionner le sport professionnel.

Issus de milieux pauvres, élevés pendant la grande dépression, les trois athlètes se sont en effet hissés au sommet de leur sport, en partageant une amitié, mais aussi une rivalité qui a permis au golf de connaître une croissance spectaculaire.

Le journaliste James Dodson, déjà l'auteur d'une excellente biographie de Hogan, a lancé récemment un ouvrage intitulé American Triumvirate, qui raconte comment les trois hommes ont littéralement créé le golf de compétition comme on le connaît aujourd'hui.

Jusque-là, le golf avait été l'apanage d'une certaine élite, à l'exemple de Bobby Jones, champion amateur, qui avait pris sa retraite au sommet de sa gloire pour aller fonder le club Augusta National et le Tournoi des Maîtres. Hogan, Nelson et Snead, qui ont découvert le golf en tant que cadets, avaient d'autres ambitions.

Les deux premiers sont nés au Texas, à quelques kilomètres l'un de l'autre. Ils ont débuté dans le même club, Glen Garden, un neuf trous un peu miteux avec des verts de terre battue, et ont longtemps été les meilleurs amis du monde, avant que leur rivalité les éloigne un peu.

Hogan, le plus perfectionniste des trois, a connu plusieurs drames, dont le suicide de son père, devant lui, lorsqu'il n'avait que 9 ans. Un grave accident d'auto a bien failli mettre un terme à sa carrière en 1949, mais il est revenu à force de détermination pour remporter l'Omnium des États-Unis l'été suivant, un exploit considéré comme l'un des plus exceptionnels de l'histoire du golf.

Des trois joueurs, c'est lui qui a remporté le plus de titres majeurs (neuf), dont un triplé remarquable en 1953 avec des victoires au Tournoi des Maîtres, à l'Omnium des États-Unis et à l'Omnium britannique. Mais Hogan était très réservé. Il parlait peu sur les terrains, même à ses partenaires de jeu, et avait la réputation d'être froid avec le public. Même si certains assurent qu'il a changé après son accident, le grand champion a terminé sa vie un peu reclus, et s'entraînait en solitaire sur son ranch pour garder la forme.

Imparfait et sympathique

Détenteur du record de 18 victoires en une saison, dont 11 d'affilée - deux marques qui ne seront jamais égalées -, Byron Nelson était le moins «compliqué» des trois, le plus sympathique aussi. Son élan n'était pas parfait, mais il est resté le même au cours de sa courte carrière. Le champion s'est en effet retiré à 34 ans, car il estimait n'avoir plus rien à prouver après avoir enlevé 31 de ses 45 derniers tournois. Jaloux de son intimité, comme Hogan, Nelson s'est lui aussi offert un ranch en récompense de ses efforts.

Il a créé un tournoi, la classique Byron-Nelson, s'est fait un point d'honneur de frapper le coup de départ honoraire du Tournoi des Maîtres jusqu'au vénérable âge de 89 ans et s'est éteint en 2006 apparemment comblé par ce que la vie lui avait offert.

Le dernier membre du triumvirat, Sam Snead, est celui qui a connu la plus longue carrière. De loin le plus pittoresque des trois, il a connu une vie privée mouvementée - il a eu plusieurs maîtresses et des fréquentations pas toujours recommandables - et ne se gênait jamais pour raconter ses histoires un brin salaces.

Certains dirigeants du golf, Jones et son associé Clifford Roberts notamment, appréciaient peu le style de Snead, mais son talent était si grand, ses succès si nombreux (il détient toujours la marque de 82 victoires en carrière) qu'ils ne pouvaient se passer de lui. Le golfeur était lui-même très méfiant envers l'«establishment» et il s'est battu toute sa carrière afin que les golfeurs touchent une plus grande part des revenus de tournois, aussi bien sur le circuit régulier que sur le circuit senior, qu'il a contribué à créer et dont il a été la première étoile.

Amis et rivaux, les trois golfeurs étaient aussi très complémentaires. Encore aujourd'hui, le champion idéal aurait l'élan de Snead, le désir de vaincre de Hogan et la personnalité de Nelson. Mais il ne faudrait rien de moins qu'une bonne fée pour créer un tel athlète.

Photo: Éditions Knopf Doubleday

Une photo du livre American Triumvirate, du journaliste James Dodson, sur les golfeurs Ben Hogan, Byron Nelson et Sam Snead.