(Washington) Le fonds souverain de l’Arabie saoudite pourrait investir plus de 1 milliard de dollars dans l’alliance proposée entre son circuit, LIV Golf, et la PGA. C’est ce qu’a déclaré un dirigeant de la PGA devant un comité sénatorial américain à Washington. Mais ce projet de fusion suscite méfiance et indignation devant l’influence croissante des Saoudiens dans le sport mondial.

Répondant à des questions tantôt hostiles, tantôt accommodantes, le président-directeur général de la PGA, Ron Price, a déclaré aux sénateurs que l’investissement des Saoudiens dans le nouveau circuit n’a pas encore été chiffré définitivement. Les « discussions » en cours pourraient toutefois mener à un investissement « supérieur à 1 milliard », a-t-il dit.

Cette déclaration – durant une audience où transparaissait parfois le malaise du Congrès face à ce tsunami d’argent étranger dans le golf – révèle l’ampleur des ambitions saoudiennes dans le sport international, déjà bien visibles dans le soccer et la Formule 1. Toutefois, l’audience a aussi montré le flou de l’accord-cadre qui bouleverse le golf professionnel depuis son annonce le 6 juin.

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Ron Price, PDG du circuit de la PGA Tour, et Jimmy Dunne, qui siège au conseil d’administration, ont comparu devant un comité sénatorial au Capitole, qui examine le projet de fusion avec le circuit LIV Golf.

L’entente de principe n’est guère qu’une ébauche visant la création d’une nouvelle entreprise unissant les activités des circuits LIV Golf, PGA et DP World (ex-Circuit européen). Mais à part l’engagement de mettre fin aux litiges, l’entente contient peu d’engagements fermes. Les parties espèrent parvenir à un véritable contrat d’ici à la fin de l’année.

S’adressant mardi à la sous-commission permanente d’enquête du Sénat, M. Price a déclaré : « Généralement, on ne négocie pas un contrat en public, mais nous sommes déterminés à essayer de passer d’un accord-cadre à un accord définitif. »

Pas le choix, dit la PGA

Selon M. Price, le succès de l’accord est essentiel à la survie du circuit de la PGA, qui pèse une fraction de la valeur du fonds d’investissement. Selon les estimations de la PGA, les frais de justice et le décuplement des bourses pour fidéliser les meilleurs allaient rapidement devenir insoutenables.

James J. Dunne III, qui siège au conseil du circuit et qui a participé à la négociation de l’accord initial, a déclaré que la direction du fonds d’investissement « veut détruire le circuit » et a « un horizon illimité et des fonds illimités » pour le faire.

« Nous savions qu’une lutte à long terme serait néfaste », a dit M. Dunne durant l’audience, qui s’est déroulée dans une salle bondée du Capitole qui a déjà accueilli des audiences de confirmation de la Cour suprême et de la Commission du 11-Septembre.

Les dirigeants du circuit de la PGA ont soutenu que l’accord, bien que provisoire, les met en position de gérer les opérations quotidiennes du golf professionnel. Le commissaire du circuit, Jay Monahan, a été désigné comme PDG de la nouvelle société, qui devrait s’appeler PGA Tour Enterprises, et le circuit devrait occuper la majorité des sièges du conseil d’administration de la société.

MM. Price et Dunne se sont montrés beaucoup moins empressés d’expliquer comment agira le futur président du conseil de PGA Tour Enterprises, Yasir al-Rumayyan, qui dirige le fonds saoudien. Ils étaient moins enclins, également, à expliquer les implications d’une entente accordant des droits d’investissement étendus pour ce fonds situé à Riyad dont le pouvoir et la valeur ont augmenté ces dernières années.

Incertitudes

Il n’est pas certain qu’un accord final soit conclu. Samedi dernier, un membre du conseil d’administration du circuit de la PGA, l’ancien PDG d’AT & T Randall Stephenson, a démissionné. Dans une lettre annonçant son départ, M. Stephenson écrit qu’il ne peut « évaluer objectivement ni soutenir en toute conscience » le concept d’entente « actuellement négocié par la direction ».

Si le conseil d’administration finit par appuyer un accord plus contraignant, l’opération risque de se heurter de plein fouet aux autorités antitrust du ministère de la Justice, qui pourraient s’opposer à la transaction. M. Price a dit mardi dernier que le ministère avait clairement indiqué son intention d’examiner l’accord.

L’accord-cadre a déjà suscité deux enquêtes du Sénat, un projet de loi à la Chambre des représentants visant à révoquer l’exonération fiscale du circuit de la PGA et l’audience de mardi. L’audition a toutefois montré que l’opposition du Congrès ne peut pas faire grand-chose, à part servir de tribune aux doléances : les sénateurs ne s’entendaient même pas sur l’utilité ou non de la procédure.

« Vous avez capitulé à cause de l’argent »

Le sénateur démocrate du Connecticut, Richard Blumenthal, a critiqué la PGA pour sa volte-face récente, elle qui condamnait l’argent saoudien dans le golf il y a à peine quelques semaines.

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Le sénateur démocrate du Connecticut, Richard Blumenthal. Derrière lui, une affiche citant le golfeur Jon Rahm, qui a évoqué une « trahison ».

« Vous avez capitulé à cause de l’argent », a lancé M. Blumenthal, président de la sous-commission, à MM. Price et Dunne. Il a aussi dénoncé « l’hypocrisie » et la force de l’argent, qui peut « inciter des individus et des institutions à trahir leurs valeurs et leurs partisans », ou qui, peut-être, révèle l’absence même de ces valeurs. D’autres sports et institutions « pourraient devenir des proies, si leurs dirigeants ne pensent qu’à l’argent », a-t-il ajouté.

D’autres élus se sont montrés plus conciliants. Le sénateur républicain du Wisconsin, Ron Johnson, a déclaré qu’il n’y avait « rien de mal à ce que le PGA Tour négocie sa survie ».

Cet article a été publié dans le New York Times.

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