Nick Taylor a gagné deux de ses quatre titres sur le PGA Tour au cours des huit derniers mois. Les deux fois, ça s’est joué en prolongation. Les deux fois, il a fermé les livres avec un coup roulé. Le Canadien semble trouver un certain réconfort dans les moments de haute tension.

Dimanche dernier, pendant que des dizaines de millions de Canadiens achevaient leurs préparatifs en vue du Super Bowl, Taylor, non loin du match ultime, en Arizona, faisait ce qu’il sait faire de mieux : faire durer le suspense.

Grâce à un roulé d’une dizaine de pieds, au 18trou, le joueur de 35 ans a forcé la prolongation, à l’Omnium Waste Management, en rejoignant Charley Hoffman à -21. Sa balle, comme aspirée dans un trou noir, lui a permis d’étirer une journée déjà longue et éreintante. En raison des retards météorologiques du week-end, Taylor en était à son 30trou de la journée.

Hoffman et lui ont été sensationnels de précision sur le premier trou de prolongation. Une fois de plus, Taylor a calé un long roulé, cette fois sur 14 pieds, pour faire durer le plaisir. Puis, au second trou, avec un roulé de 11 pieds, il a enfin mis un terme aux hostilités. C’était son sixième oiselet consécutif.

Le moment était immense et la justesse de l’intention était nécessaire. Au golf, il n’y a rien de plus facile, et frustrant, que de rater un roulé. Les golfeurs amateurs et récréatifs le savent trop bien. Pourtant, Taylor avait confiance en ses moyens.

« J’avais bien fait sur les verts depuis le premier trou. Je lisais bien les lignes. Il n’y a jamais rien de sûr au golf, donc je choisissais des lignes dans lesquelles j’étais à l’aise », a raconté le vainqueur, mardi, aux membres des médias.

Avant d’arriver au deuxième trou de prolongation, Taylor avait déjà empilé 25 oiselets depuis le début du tournoi. Au moment de conclure, envoyer sa balle au fond de la coupe avec un coup de moins que la normale était presque devenu une habitude.

« C’est la routine. Il faut savoir garder la même, que ce soit un roulé de trois pieds pour la normale au premier trou ou pour créer l’égalité et provoquer une prolongation. Il n’y avait aucun doute dans mon esprit lorsque je me suis installé au-dessus de la balle. »

PHOTO ROSS D. FRANKLIN, ARCHIVES ASSOCIATED PRESS

Nick Taylor lors de son coup roulé vainqueur au deuxième trou de prolongation

Toutefois, les célébrations ont été de courte durée : « Disons que les célébrations ne sont plus les mêmes depuis que j’ai des enfants. J’ai mangé de la pizza, j’ai pris quelques bières et je suis allé me coucher. Ç’a été une longue journée, j’ai joué plus de 30 trous, je n’avais plus d’énergie. »

Ne jamais craquer

Ce roulé gagnant pour le titre en prolongation donnait des impressions de déjà-vu.

En juin dernier, à l’Omnium canadien de Toronto, Taylor avait calé un roulé de 72 pieds, en prolongation contre Tommy Fleetwood, pour devenir le premier Canadien en 69 ans à triompher à la maison.

D’ailleurs, l’histoire raconte qu’Adam Hadwin a encore à ce jour des courbatures à la suite de son contact non désiré avec un agent de sécurité ayant pris son rôle un peu trop à cœur cette journée-là.

C’est comme si Taylor ne savait pas comment craquer sous la pression. Comme s’il se nourrissait de ces instants où la tension est à son comble.

Si certains athlètes s’écrasent dans ce genre de moment, Taylor se sent au contraire plus vivant et étonnamment plus en contrôle.

J’aime être dans cette situation et, heureusement, je suis capable de faire de bons coups quand je dois y faire face. Je suis capable de gérer. Je n’ai jamais de pensées négatives ou de mauvais scénario en tête.

Nick Taylor

Mais qu’est-ce qui le différencie de certains de ses homologues, incapables d’assurer sous pression ? « C’est difficile à identifier clairement, a-t-il répondu, mais le simple fait d’être à l’aise doit y être pour beaucoup. Maintenant, le plus difficile, c’est de travailler pour faire en sorte de se retrouver dans cette position le plus souvent possible. »

Nette amélioration

Dans un mois, Taylor entrera officiellement dans la seconde moitié de la trentaine. Il vit pourtant la meilleure période de sa carrière. Ce gain à Scottsdale lui a permis de grimper au 6e rang de la Coupe Fedex et d’atteindre le 28rang mondial.

La principale différence dans son jeu est évidemment son rendement sur les verts. « C’est la réponse facile, mais c’est la vérité », a-t-il noté. Mais plus précisément encore, il insiste sur sa nouvelle manière de tenir son fer droit. Sa grip, pour rester dans le jargon, a changé, et en mieux, selon lui. Un changement banal, minime ou même anodin dans une certaine mesure, mais ô combien révélateur pour le natif de Winnipeg. Ce changement s’est amorcé à l’Omnium Sony à Hawaii, en janvier 2023.

Il affirme également avoir travaillé sur la force et la vitesse de ses coups roulés. « Depuis que j’ai amélioré cet aspect, je fais beaucoup moins de trous de trois roulés. »

La prochaine étape sera de peaufiner ses coups de départ. « Quand je joue bien avec mes bois, mes chances de gagner augmentent considérablement. Parce que si je joue bien sur les verts et que je m’y rends plus rapidement, je devrais être en mesure de faire de meilleures rondes. »

Les récentes performances de Taylor ont fait de lui le joueur canadien le mieux classé au monde. Avec la Coupe des Présidents présentée à Montréal en septembre, cette ascension tombe à point. Seuls le Coréen Tom Kim, 17e, et l’Australien Jason Day, 19e, le devancent au classement mondial chez les joueurs susceptibles de recevoir un appel du capitaine Mike Weir pour rejoindre les rangs de l’équipe Monde (qui exclut l’Europe, puisqu’elle participe à la Coupe Ryder).

Même s’il refuse de trop y penser, Taylor aimerait bien entendu faire partie de la délégation internationale dans son duel contre l’équipe américaine : « Ça fait partie de mes buts, mais j’essaie surtout de me concentrer sur mon golf. Si je joue bien, je présume que tout tombera à sa place. C’est un bon départ, mais nous sommes encore loin. Ça demeure évidemment un immense objectif de jouer pour Weir à Montréal. »