Le malaise a duré une minute. Peut-on applaudir Tiger? Doit-on? Et faut-il dire quelque chose?

Une voix polie et hésitante a tranché. «Welcome back, Tiger!», a lancé un homme pendant que le numéro 1 mondial montait la pente du premier trou avec son seul partenaire de jeu, Fred Couples. Si le soulagement émettait un bruit, il aurait hurlé à cet instant précis. Il était 8h02, Woods se montrait en public pour la première fois depuis ses déboires, il venait de fendre l'allée avec son premier coup de départ et les fans semblaient apprécier son retour.

Tiger joue habituellement ses rondes de pratique aux aurores. Cette fois, il s'est présenté sur le premier tertre à 8h, précisément l'heure de l'ouverture des barrières au public.

Il n'avait rien à craindre, finalement. Pas de ce côté-ci des clôtures du boulevard Washington.

En les franchissant, on croyait pénétrer dans un vortex. Le Augusta National était un éden pour golfeurs ce matin. À des années-lumière de la cohue médiatique.

Les gouttes de rosée perlaient sur les allées vertes, lentement séchées par les premiers rayons de soleil qui perçaient l'azur du ciel. C'était le silence. Pas un silence lourd et chargé. Un silence d'allégresse printanière. On entendait seulement les gazouillis et les clapotements timorés de la foule. Peut être est-ce plus gênant de faire du bruit quand on entend son écho.

À 40 verges de distance, on entendait même le «clac» de ses crampons sur le pavé. Comme Couples, Woods marchait d'un pas délibéré et paresseux, en ouvrant les hanches. Les deux blaguaient et semblaient surtout parler de stratégie.

Deux bénévoles noires, une de 20 ans et une autre de 50 ans, le fixaient admirativement, un sourire gêné. Woods acquiesçait d'un léger plissement des lèvres, sans regard triomphant. Il lui restait encore 300 verges à marcher pour frapper son deuxième coup.

Woods était seulement escorté par quatre gardiens de sécurité habillés en golf. Pourtant, la foule était imposante. À chaque trou, elle grandissait. Et les encouragements étaient plus directs et bruyants. Toujours quatre ou cinq «Go get em‚ Tiger!» sur le tertre, suivi d'applaudissements. La grande majorité des 40 000 spectateurs présents suivaient Woods.

Sur le trou en avant, Soren Hansen aurait pu s'enterrer six pieds sous l'allée pour servir de fertilisant humain, et personne n'aurait remarqué.

Tous les yeux sur Tiger, donc, comme d'habitude. Au 6e trou, un fan a crié «Do your thing, boy!». Cela se voulait un encouragement, il semble. Son «boy» sera la seule note discordante entendue durant sa ronde.

Mais il restait une interview. Celle que l'organisation nomme laconiquement la «2pm interview». On vous en donne des nouvelles bientôt.