«Ça craint, je le sais. Je suis déjà passé par là. J'ai été moi aussi le gars qui frappait toujours à la porte des majeurs, sans jamais gagner. Mais continue, la porte va s'ouvrir.»

Après sa victoire, Phil Mickelson essayait de consoler Lee Westwood.

L'Anglais menait par un coup après trois rondes. Il s'est contenté d'un 71 hier. Une bonne ronde sans plus. Malgré son immense déception, pas d'orgie de sentimentalité de sa part. Comme le présentateur officiel était en retard à la conférence de presse, il s'est amusé à faire le travail à sa place. «Bonjour, nous sommes avec Lee Westwood. Lee a gagné 31 tournois en carrière, il est classé quatrième au monde...»

Westwood restait droit, déversant comme d'habitude le même humour anglais, sardonique et plein d'esprit. «Vous voulez une citation de petit écolier piteux? On peut dire que je suis inconsolable.»

Pas envie de vomir

Le rire ne diminuait pas sa douleur. Hier matin, Westwood sentait que c'était sa journée. Vers 13h, il arrivait au terrain d'exercice avec son polo rouge Tigre. Ses balles sifflaient dans les airs comme de précis petits missiles.

Ses mains cimentées, il les tournait et détournait avec simplicité, comme un gracieux lancer de marteau. Cet élan semblait résister à la pression, hier. La dernière fois que Westwood avait eu une chance de gagner à Augusta, il avait envie de vomir. «Cette fois, non, expliquait-il. Je profitais de ma chance, je me sentais bien.»

Il s'amusait, sans toutefois se nourrir aux cris de la foule. L'approche de Westwood est classique. C'est celle de la bulle. Essayer de créer du vide entre ses oreilles, et le remplir ensuite en inventant un nouveau monde, un monde terne et routinier, où chaque coup vaut la même chose et est exécuté de la même façon.

Pourtant, ce n'était pas une journée normale. C'est quelque chose qu'on n'entendait pas à la télévision: chaque fois que le duo final arrivait au vert ou montait sur un tertre, les cris fusaient. Surtout pour Mickelson, et juste assez pour Westwood.

Il les méritait. Après chaque boguey, il revenait à la charge avec un oiselet. Il gardait son allure de pitbull faussement endormi, la casquette baissée sur ses yeux à moitié ouverts. Concentration totale. «Je n'aurais rien voulu faire de différent aujourd'hui», assurait-il en cherchant des bribes de sérénité.

Dans les 18 derniers mois, Westwood a gagné sept livres (de 209 à 216) tout en perdant six tours de taille (de 40 à 34). Et son jeu court s'est aussi raffiné. Il croit néanmoins pouvoir faire mieux.

«Je peux m'améliorer dans tous les aspects de mon jeu. Je vais retourner au travail avant l'Omnium des États-Unis à Pebble Beach. Plus je passe proche de gagner, plus mon désir augmente.»

Tiger derrière ses lunettes

L'irritant pollen forçait Tiger Woods à porter pour une rare fois des lunettes soleil. Il semblait aussi s'en servir pour se cacher.

Après trois bogueys en cinq trous, il accusait déjà sept coups de retard. Le miracle est arrivé un peu tard. Au septième trou, une normale 4, son long coup de fer tombait dans la coupe. Aigle. Il levait les bras en V, satisfait et incrédule. Après des oiselets aux huitième et neuvième, il se sortait ensuite du tournoi avec de bêtes erreurs. «Ah, you're so far stuck behind», se criait-il, en parlant de son mauvais synchronisme.

Après son oiselet au dernier trou, bon pour un 69, il souriait sans cacher son dégoût. Au moins, sa quatrième place aura permis qu'on ramène l'attention sur son golf. À quand son prochain tournoi? «Je ne sais pas, a-t-il répondu. Il faut que je regarde tout cela.»