Kim St-Pierre est devenue hier la première femme en 100 ans d'histoire à se dresser devant le filet, dans le cadre d'un entraînement régulier du Canadien de Montréal.

«Je viens de réaliser un rêve. Avoir la chance de jouer avec le Canadien de Montréal, ça n'a pas de prix», a lancé St-Pierre en parodiant le slogan publicitaire associé à une carte de crédit bien connue...

Animatrice à la télé de Radio-Canada à l'époque, Lise Payette a déjà endossé l'uniforme de l'ancien gardien Michel Plasse sur la glace du Forum, en février 1973. Mais il s'agissait d'un coup de marketing dans le cadre de la populaire émission de fin de soirée qu'animait Mme Payette.

Hier, on était loin d'un coup de marketing.

Les rondelles convergeaient à 100 milles à l'heure sur la cage qu'elle défendait à la place de Carey Price. Grippé, le jeune gardien du Canadien a été retenu à la maison une deuxième journée de suite.

Sous les yeux d'amateurs et de journalistes impressionnés, Kim St-Pierre a aussi entendu siffler à ses oreilles des tirs d'Alex Kovalev et de Francis Bouillon, qui a bien failli la décapiter. «La glace était mauvaise», a lancé un Bouillon un peu mal à l'aise à sa sortie de la patinoire.

«Je peux juste vous dire qu'elle fait la job», a ajouté le défenseur, comme s'il avait des choses à se faire pardonner.

«J'ai eu chaud!»

Entourée de journalistes à son retour au vestiaire, St-Pierre, ruisselante de sueur, avait déjà tout oublié.

«Je pense qu'au début, il y en a quelques-uns qui se retenaient quand ils ont vu qu'il y avait une fille devant le filet. Après, ça s'est mis à rentrer pas mal vite. Je peux dire que j'ai eu chaud», a lancé la jeune femme avec un sourire radieux.

«C'était juste un entraînement, je le sais bien. Mais je n'avais jamais affronté des tirs aussi rapides, aussi précis. J'ai vécu des expériences incroyables aux Jeux olympiques et dans le cadre de championnats du monde, mais ce que je viens de faire ce matin entre dans le top 5 des mes plus beaux moments en carrière.»

Née à Châteauguay, Kim St-Pierre a grandi en regardant Patrick Roy dominer la Ligue nationale. Il lui a servi de modèle. En plus d'avoir adopté sa technique papillon, elle endosse encore son numéro 33.

Au Temple de la renommée

Cette technique, et son grand talent, lui ont valu une place au Temple de la renommée du hockey à titre de première femme à avoir remporté une victoire contre des hommes, dans la Ligue universitaire canadienne. Elle endossait alors l'uniforme des Redmen de l'Université McGill.

Elle a ensuite connu une brillante carrière internationale, remportant des médailles d'or aux Jeux olympiques de Salt Lake City et de Turin, en plus d'accumuler cinq titres en championnats du monde.

C'est Roland Melanson, l'entraîneur des gardiens du Canadien avec qui elle travaille pendant l'été, qui lui a passé un coup de fil hier matin.

«On s'est passés de Carey mercredi, mais on ne pouvait avoir deux entraînements de suite avec un seul gardien. J'étais bien content de la voir sur la patinoire. Roland m'avait dit qu'elle était bonne et elle lui a donné raison», a commenté Guy Carbonneau.

Gardienne des Stars de Montréal, dans la Ligue canadienne de hockey féminin - un club à Montréal, un à Ottawa et quatre à Toronto - Kim St-Pierre avait un autre match à l'horaire hier matin.

«Quand Roland m'a téléphoné, j'ai changé de direction sans hésiter. Une occasion comme celle-là, ça ne se refuse pas.»

Celle qui aura 30 ans en décembre avait peine à réaliser ce qui venait de lui arriver. «Je ne voulais pas sortir de la patinoire. J'ai attendu que le dernier gars ramasse ses bâtons (Tom Kostopoulos) avant de me dire que c'était fini. Mais s'ils ont encore besoin de moi, je serai disponible.»