Guy Boucher n'allait pas pourfendre l'homme qui a suggéré son embauche à titre d'entraîneur-adjoint au sein de l'équipe canadienne junior, Pat Quinn.

Mais Boucher n'est pas non plus du type à se mettre à plat ventre pour plaire aux dirigeants de Hockey Canada. L'entraîneur en chef des Voltigeurs de Drummondville a plus de dignité et de crédibilité que ça.

Boucher a défendu Quinn, hier après-midi lors d'une longue conversation téléphonique, et ses arguments ont été exposés avec une telle conviction qu'il ne peut s'agir d'une entreprise destinée à embellir l'image de l'ancien entraîneur des Maple Leafs aux yeux des Québécois.

Guy Boucher, une vedette montante dans le coaching québécois, pense comme Quinn et ses propos contribueront à relancer le débat au sujet du développement de nos hockeyeurs.

«Pat Quinn a simplement mentionné qu'il cherchait des joueurs qui payeront le prix et il a répété ce que les recruteurs de la LNH lui avaient souligné à l'effet que les joueurs de la LHJMQ manquaient de robustesse et de combativité, confie Guy Boucher. Mais ça, tout le monde sait ça. Dans notre milieu, les recruteurs de la Ligue nationale - des francophones - vont être les premiers à le dire. Ce n'est pas très difficile à voir, il n'y a qu'à venir dans nos arénas.»

Boucher, qui détient un doctorat en psychologie sportive de l'Université McGill, mesure bien ses mots afin d'être bien compris. «La robustesse, les gens vont associer ça à la bagarre ou à des mises en échec simplement pour bûcher sur l'autre. Mais moi, je parle de combativité. Accepter de se faire frapper pour récupérer la rondelle. Ce que Pat Quinn a déclaré, Richard Martel (l'entraîneur des Saguenéens de Chicoutimi) l'a dit il y a deux semaines. Et moi, je l'ai mentionné à mon tour une semaine plus tard. Les critères de Hockey Canada sont clairs: vitesse, talent et combativité. On n'a pas de problème avec les deux premiers. Nos gars de premier plan, ils se taillent des places. Kristopher Letang était le capitaine de l'équipe. Claude Giroux était, l'an passé, l'un des joueurs les plus importants. Mais comme Richard Martel le disait, on ne place pas de gars de troisième et quatrième trios au sein des équipes canadiennes parce que ce n'est pas le genre de gars qu'on développe beaucoup.»

Problèmes de développement

L'entraîneur des Voltigeurs, qui a aussi dirigé les Lions du Lac Saint-Louis dans le Midget AAA, dit savoir pourquoi nos hockeyeurs semblent moins combatifs que ceux du reste du Canada.

«On a fait un choix de société il y a cinq ou six ans pour privilégier la masse, explique-t-il. On a augmenté le nombre d'équipes du Midget AAA et créé une tonne d'équipes Midget Espoirs. C'était certain qu'il allait y avoir des répercussions. Je ne dis pas que c'est une mauvaise idée d'avoir fait ça. Mais en décidant de privilégier la masse, c'est sûr que la compétition baisse. Si tu as 16 équipes au lieu de 10 ou 12, tes meilleurs joueurs rivalisent contre des joueurs qui ne seraient pas nécessairement là s'il y avait 12 équipes.

«On le voit très bien depuis quelques années dans la Ligue de hockey junior majeure du Québec, a poursuivi Boucher. Les jeunes joueurs qui nous arrivent nous disent eux-mêmes que c'était facile pour eux l'an passé et qu'ils n'en reviennent pas à quel point l'adaptation est difficile. Parce que maintenant, c'est moins une adaptation qu'un choc. Ce n'est pas que le gars est moins bon ou qu'il a moins de coeur. Mais tu ne peux pas aller au-delà du calibre de ta ligue. La combativité, elle s'acquiert au fil des années. Pas du jour au lendemain. Imaginez quand ils arrivent au sein de l'élite canadienne...»

Guy Boucher ne veut surtout pas que les gens croient qu'il lance une pierre aux entraîneurs de hockey mineur. «Au contraire, ils sont meilleurs que jamais. L'encadrement, sur glace et hors-glace, est meilleur que jamais. Mais on donne la chance à plus de joueurs de participer à du calibre de jeu élevé. Quand je jouais, plus jeune, North Shore, c'était six ou sept villes ensemble. Aujourd'hui, pour le même territoire, tu as quatre équipes AA. On a fait pareil avec les Midget AAA même si la province compte moins joueurs de hockey. Il faut donc s'assumer. Tu ne peux pas privilégier la masse et l'élite à la fois. Il faut arrêter de chercher des excuses et crier à la discrimination quand on ne place pas assez de joueurs au sein des équipes canadiennes.»

L'entraîneur québécois estime qu'au contraire, Hockey Canada cherche des solutions pour intégrer davantage de Québécois. «Ils nous demandent ce que l'on peut faire pour qu'on en place plus. Pat Quinn, c'est lui qui me voulait. À ce que je sache, je suis francophone. J'ai travaillé avec lui au Championnat mondial des moins de 18 ans et les francophones, il les a traités comme ses propres enfants. Angelo (Esposito) a réussi à obtenir un poste parce qu'il a amélioré sa combativité et son jeu défensif. S'il y avait 15 gars francophones québécois de calibre, talentueux, rapides et combatifs, ils resteraient avec l'équipe. Je mettrais ma réputation là-dessus.»