La confiance d'une équipe est une bibitte assez fragile, reconnaissent trois psychologues du sport que nous avons sondé sur les déboires du Canadien.

«La confiance se propage à la vitesse d'un virus», explique Bruno Ouellette, qui a entre autres travaillé auprès de plusieurs olympiens.

«Or, vu que la performance est toujours en fonction du leadership, un joueur accompli va devoir sortir un gros match et prendre la pression afin de changer le cours des choses.»

Gordon Bloom, expert en psychologie sportive à l'Université McGill, croit que le manque de confiance du Canadien provient des rôles qui sont mal définis au sein de l'équipe.

S'il appartient à l'entraîneur de les préciser, il revient cependant aux joueurs d'assurer un effort maximal.

«C'est le seul élément qu'un joueur puisse contrôler, note M. Bloom. C'est important qu'en période creuse, il se couche avec le sentiment de s'être dépassé durant la journée. D'avoir tout fait ce qu'il pouvait pour devenir un meilleur athlète.

«C'est ça qui te permet de ne plus t'attarder sur les aspects négatifs.»«La question est de savoir comment tu utilises tes 24 heures pour optimiser ta préparation, ajoute Bruno Ouellette. Un athlète a besoin de repos et s'il utilise ses périodes de repos pour faire la fête, ça influence son jeu...»

Au hockey, rappelle M. Ouellette, la performance vient beaucoup de la capacité à se centrer sur le jeu. C'est plus difficile à Montréal, où certains jeunes ont peut-être été rattrapés par leur célébrité soudaine.

«Le niveau d'attention sur eux n'a jamais été aussi élevé, dit-il. C'est à l'organisation de s'assurer qu'ils gardent la tête au hockey.»

Carbo et ses joueurs

Rebâtir la confiance de l'équipe passe aussi par l'entraînement, croient les spécialistes. Il ne s'agit pas nécessairement de travailler plus dur. On doit bâtir sur la qualité, pas juste sur l'intensité.

«Il faut préparer des jeux de façon à recréer les automatismes du temps où les choses allaient bien», explique Robert Vallerand, professeur à l'UQAM.

«Il faut retrouver les bons gestes que l'on posait sans réfléchir et qui créaient une réaction rapide.»

Ça n'empêche pas nos trois psychologues sportifs d'approuver sa décision de Guy Carbonneau d'avoir amené ses troupes se détendre au bowling.

«Mais le fait que ses joueurs n'aient pas répondu par la suite est quelque peu inquiétant», précise Gordon Bloom.

Le franc-parler de Carbo lui nuirait-il? À la longue, ses joueurs lui tiendront-ils rigueur de ses remarques qui lui brûlent les lèvres?

«Lorsqu'un entraîneur émet des commentaires sur la place publique, il doit être certain de ce qu'il veut accomplir en faisant cela, affirme M. Bloom. J'ai souvent vu des coachs regretter ce qu'ils ont dit sous le coup de l'émotion.

«Il faut que tes critiques soient ciblées.»

Robert Vallerand, lui, dit croire davantage aux rencontres individuelles qu'aux messages transmis dans les médias.

«De cette façon, il ne pourra pas penser que ce que le coach a dit sur la place publique n'était pas pour lui. Ou à l'inverse, se sentir visé alors qu'il ne l'était pas.»



La rumeur Lecavalier


La confiance des pros est fragile et, tout comme Carbonneau, Bob Gainey serait bien avisé d'y faire attention.

Car les nombreux joueurs en dernière année de contrat amènent leur dose d'insécurité.

«Je ne serais pas surpris que ça joue dans la balance, dit Bruno Ouellette.

«Dans les grandes équipes, le but collectif est prépondérant sur les intérêts individuels. Mais quand ça va mal, les joueurs cherchent à protéger leurs acquis.

«Donc ça se peut qu'ils soient préoccupés par leur situation personnelle... même s'ils ne le diront jamais!»

Bruno Ouellette suggère aussi que les rumeurs d'échange entourant Vincent Lecavalier n'ont pas aidé.

TSN a lancé la rumeur le 12 janvier et le Tricolore ne l'a jamais démenti. Depuis ce jour, la fiche de l'équipe est de quatre victoires et dix défaites.

«Disons que ce n'était pas un message de confiance à l'égard de l'équipe, soutient M. Ouellette. Ça a peut-être été un événement déclencheur...»

Il y a malgré tout des éléments positifs à la situation actuelle.

D'abord, elle aidera Gainey à identifier les joueurs qu'il veut garder et ceux dont il peut se départir à la date-limite des transactions, sinon l'été prochain.

Mais surtout, relever le présent défi pourrait payer d'énormes dividendes au Canadien...

«Ce qui se passe en ce moment n'est pas la fin du monde, estime Bruno Ouellette. Il n'y a pas de meilleure situation que de trouver une solution dans l'adversité.

«Si les joueurs la trouvent par eux-mêmes, ça pourrait rassembler l'équipe et créer une confiance inébranlable. C'est une maudite belle opportunité qui s'offre à eux!»

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