A priori, le collège Harrington est une école secondaire privée comme les autres. On y enseigne les maths, le français, la chimie et l'histoire.

Mais les élèves qui la fréquentent, eux, ne sont pas comme les autres. Ils viennent du Japon, de l'Australie, de l'Angleterre, de la Nouvelle-Zélande, de la Russie ou de l'Équateur. Et ils n'ont qu'un objectif en tête: jouer un jour dans la Ligue nationale de hockey.

Dans leur pays, le hockey n'a pas vraiment la cote. Normal. Ce sport ne fait partie ni de leur culture, ni de leur ADN. Les patinoires sont rares et les occasions de se développer, peu nombreuses.

C'est pour cette raison qu'ils ont choisi de venir apprendre au Québec. Avec son programme sport-études, Harrington offre une formation scolaire complète, assortie d'un entraînement de hockey concentré (cinq heures de «pratiques» et deux matchs par semaine!) qui leur permet de jouer de façon régulière et intensive dans un contexte nord-américain culturellement favorable.

Partir de loin

À quelques exceptions près, la plupart de ces jeunes avaient déjà joué au hockey. Ils ont été choisis en raison de leur potentiel, après avoir été remarqués dans des tournois internationaux. Mais comme le fait remarquer le responsable du recrutement, Dan D'Astoli, certains déchantent assez vite en mettant le pied - ou plutôt le patin - au Québec. «Ils étaient bons chez eux. Mais en voyant le calibre en Amérique, ils réalisent qu'ils n'étaient pas si bons que ça. Il y en a qui tombent de haut.»

Pour plusieurs, c'est le fossé culturel qui est trop grand, ajoute Martin Daoust, responsable du département hockey. Ces jeunes ont beau être bourrés de talent, et bien maîtriser la technique, il leur manque encore l'instinct du mangeur de bandes. «Mettons qu'ils n'ont pas grandi en écoutant le Canadien à CKAC», souligne M. D'Aoust.

Autant dire que ces jeunes partent de loin. Au propre comme au figuré! Ce n'est d'ailleurs pas un secret: bien peu finiront un jour dans la LNH et ce, même si un des entraîneurs, Patrick Boileau, a déjà joué dans la grande ligue. On les a prévenus. Ils le savent. C'est pourquoi Harrington, comme n'importe quelle prep school américaine, insiste aussi sur le parcours scolaire.

«Il faut être réaliste, insiste Dan D'Astoli. J'ai entraîné des milliers de joueurs dans ma vie et je peux compter sur les doigts d'une main ceux qui se sont rendus jusqu'à la Ligue nationale. Nous, ce qu'on dit aux familles, c'est qu'on a les outils pour que leurs jeunes deviennent de meilleurs joueurs, mais aussi de meilleurs étudiants.»

(Soit dit en passant: Harrington suit le programme du ministère de l'Éducation - on y enseigne notamment l'histoire du Canada! - et les cours se donnent en anglais. Les jeunes qui ne parlent pas la langue de Don Cherry vont en classe avec un décodeur.)

Des exceptions

Pourquoi envoyer son «kid» à l'autre bout du monde, si on ne peut lui garantir une carrière chez les pros? À 32 000$ l'année scolaire, la question peut se poser.

Mais pour 95% d'échecs, il y aura toujours 5% d'exceptions.

L'an dernier, le Japonais Takuma Kawai s'est retrouvé en finale de la Coupe Memorial, avec les Olympiques de Gatineau. Il était un des premiers finissants du collège. Le gardien de but Mickaël Gasnier a joué trois ans pour Harrington, avant de se joindre à l'équipe de France junior. Quelques Japonais évoluent par ailleurs dans des ligues professionnelles au pays du Soleil levant, après être passés par Harrrington.

Pour Dan D'Astoli, il est clair que les entraînements intensifs, loin de toute distraction, vont finir par donner des résultats. Selon lui, c'est une question de temps avant qu'un de ses gars se rende dans la LNH.

«Nous avons parmi nous des joueurs qui ont tout ce qu'il faut pour réussir, dit-il, en évoquant les prometteurs Danny Williams (Angleterre) et Wehebe Darge (Australie). Je crois que ce jour approche. Juste d'y penser, je frissonne...»