Des fois, entre deux reprises de Fais-moi un dessin, je me demande ce qui arriverait si Jaroslav Halak n'était pas un garçon si poli. Ce qui arriverait, par exemple, si le gardien slovaque avait le tempérament d'une diva genre Terrell Owens. Est-ce que le vestiaire serait divisé? Est-ce qu'il accuserait Carey Price de lui jouer dans le dos? Est-ce qu'il exigerait la tête de Bob Gainey? Tout ça et même plus, fort probablement.

Mais ça n'arrivera pas. Non. Parce que Jaroslav Halak est, en effet, un gentil garçon. Voyez un peu: après avoir appris que le Sauveur allait être devant les buts ce soir face aux Islanders, j'ai immédiatement appelé l'agent de Halak, Allan Walsh. J'étais, bien sûr, à la recherche d'un début de semblant de controverse.

Peine perdue. «En fait, Jaroslav est très heureux à Montréal et il est très heureux avec le Canadien, m'a dit Walsh. Il est sous contrat pour la prochaine saison. Que peut-on rajouter?»

Rien. Absolument rien. Walsh m'a juré que la phrase «arrange-toi pour qu'on m'échange tout de suite n'importe où, même à Long Island ou à Novokuznetsk», n'avait jamais été prononcée par son client cette saison.

Pourtant, Halak aurait bien raison de chialer un peu. Pendant que le Sauveur n'avait pas toute sa tête, c'est lui, le timide repêché en neuvième ronde, qui s'est arrangé pour que le centenaire ne vire pas trop au cauchemar (j'insiste sur le «pas trop»). C'est grâce à lui si le Canadien peut encore espérer jouer au hockey ce printemps.

«C'est pas compliqué, Halak a sauvé la saison du Canadien, m'a dit hier Jacques Demers. Mais dans la tête des dirigeants du club, c'est Carey Price qui est le joueur de concession. C'est Price qui est le joueur le plus important de l'équipe. Ils vont vivre ou mourir avec. C'est sûr que c'est injuste, mais peu importe ce que Jaroslav Halak va faire devant le filet, à Montréal, tout repose sur Carey Price. C'est déjà décidé.»

Ça, je m'en doutais un peu. Je n'oublierai jamais les murmures dans cette salle d'Ottawa quand le Canadien a choisi son Sauveur avec le cinquième choix du repêchage de 2005. Plusieurs dirigeants de la LNH étaient tout surpris, parce qu'ils ne croyaient pas que Carey Price était un choix de première ronde. Mais c'était le choix du Canadien. C'est lui que le Canadien voyait gros comme ça.

Le Sauveur a été désigné il y a quatre ans, et on va s'arranger pour qu'il joue le plus souvent possible. C'est normal, c'est comme ça que ça marche dans ce milieu. En plus, drôle de hasard, l'homme qui l'a repêché se retrouve derrière le banc...

Pas besoin d'être un scientiste, comme dirait Martin St-Louis, pour comprendre que Jaroslav Halak n'a aucune chance à Montréal. «Mais il devient une monnaie d'échange, m'a expliqué Jacques Demers. Dans la LNH, on va se souvenir de lui comme du gars qui a sauvé le Canadien en 2008-2009, alors il va y avoir de l'intérêt pour lui, et il pourrait se retrouver ailleurs la saison prochaine. C'est sûr qu'il vaut pas mal plus que ce que valait Cristobal Huet il y a un an, quand il a été échangé par le Canadien.»

Ce qui est sûr aussi, c'est que Halak va finir par toucher pas mal plus que le salaire de 750 000$ que lui verse le Canadien cette saison. Ça console un gars, ça. Si la tendance se maintient, le prochain contrat de Jaroslav Halak va être le genre de contrat qui va lui permettre de prendre soin de sa famille, comme disent les athlètes les plus chevronnés.

En attendant, le jeune homme doit continuer à faire ce qu'on lui demande de faire: se tenir bien tranquille, et sauver les fesses de ses coéquipiers chaque fois qu'on daigne lui donner le filet. Comme d'habitude.