Vincent Damphousse ne partage pas le pessimisme de certains observateurs malgré les déboires financiers de plusieurs équipes du sud des États-Unis.

«Des équipes en difficulté financière, ce n'est pas la fin du monde, a-t-il confié au bout du fil. Que ce soit Phoenix ou une autre, ce n'est pas un désastre parce qu'il y a toujours un acheteur potentiel. Les organisations conservent donc leur valeur. Regardez Jim Balsillie. Il est prêt à offrir 215 millions pour acheter les Coyotes. Il y a eu des équipes en difficulté à toutes les époques. Souvenons-nous des Barons de Cleveland ou des Golden Seals de la Californie dans le temps.»

 

L'ancien capitaine du Canadien est un interlocuteur fort intéressant dans ce dossier. Même à l'époque où il jouait, il s'intéressait aux coulisses du hockey et vers la fin de sa carrière, il a occupé le poste névralgique de membre du comité exécutif de l'Association des joueurs (NHLPA). Il a aussi été directeur des relations d'affaires de la NHLPA.

Damphousse rappelle qu'une vente et un déménagement d'équipe ne doivent pas être perçus comme un échec. «Ça peut se transformer en succès. Je pense au déménagement des Nordiques. On parle d'une bonne transaction pour les propriétaires de Québec et d'une bonne transaction pour le marché du Colorado. Denver est devenu une organisation-clé pour la LNH.»

Damphousse note aussi qu'un marché inadéquat à une certaine époque peut devenir viable quelques années plus tard. «Le Minnesota a retrouvé son équipe après avoir perdu les North Stars et c'est un succès là-bas aussi. Mais ils ont des conditions gagnantes, à commencer par un amphithéâtre adéquat. L'aréna à l'époque à Bloomingdale n'était pas terrible.»

Damphousse ne ferait pas une croix sur Winnipeg ou Québec. «Les marchés sont en santé au Canada. Il n'y a plus de petits marchés comme tels ici. Je me souviens, quand on négociait la convention collective, les propriétaires à Edmonton se disaient heureux de pouvoir enfin bénéficier du partage des revenus. Aujourd'hui, ce sont eux qui aident des équipes moins favorisées. Avec un bon amphithéâtre et l'appui des entreprises pour acheter des loges, c'est possible pour Winnipeg et Québec. Le contexte est plus favorable. Au pire, s'ils n'ont pas assez de revenus, ils peuvent se faire aider par les autres organisations. Ils pourraient connaître le même succès qu'à Denver et au Minnesota, deux villes qui ont pu retrouver un club de hockey de la LNH.»

Une réduction du nombre d'équipes n'arrivera jamais, estime l'ancien hockeyeur de la LNH. «Ça ne se produira pas pour deux raisons. D'abord, l'Association des joueurs ne l'acceptera jamais, mais le plus important, c'est qu'il n'y a pas un propriétaire qui fermera quand un homme d'affaires est prêt à lui offrir 212 millions pour son club. Ça n'a aucun sens. Et Bettman ne l'exigera jamais non plus pour les mêmes raisons.»

La LNH n'a toujours pas de contrat national de télévision aux États-Unis, mais Damphousse affirme que ça ne veut pas dire que l'expansion dans le sud du pays a été un échec. «N'oublions pas qu'il y a énormément de revenus avec les contrats de télévision locaux. MSG (New York) a son propre réseau de télévision. Ça génère des revenus à coups de 25 et de 30 millions. Comme pour le Canadien avec RDS. L'entente est très bonne. Même chose à Toronto, à Philadelphie, à Boston et au Colorado. Ils ont tous leurs propres ententes, donc il y a déjà beaucoup de revenus qui entrent.»

L'ancien coéquipier de Damphousse chez le Canadien, Éric Desjardins, suit lui aussi les dossiers chauds de la LNH avec intérêt. Il a des doutes sur la viabilité d'un club à Québec ou à Winnipeg. «Même si le hockey est très populaire ici, il faut être conscient que ce sont les loges corporatives qui amènent le plus d'argent. C'est plaisant de penser à Winnipeg, à Québec ou à une ville du sud de l'Ontario, mais est-ce qu'il y a assez de grandes entreprises pour faire vivre un club? À Québec, tout le monde s'emballe, mais les Nordiques ont quitté à cause de ça. Aujourd'hui, il y a un plafond salarial, c'est plus contrôlé, mais le plancher salarial est plus élevé que ce que Québec pouvait payer dans le temps. Ce serait excellent pour la province, pour le Canadien parce que ça ramènerait une rivalité, mais il faudrait un propriétaire très riche. Les propriétaires dans le sud des États-Unis perdent beaucoup d'argent, mais s'ils restent, c'est qu'ils sont capables de l'assumer.»

Desjardins estime d'ailleurs que les propriétaires doivent avoir les reins solides parce que les succès financiers de certaines équipes aux États-Unis demeurent fragiles.

«Les clubs qui ont du succès sont ceux qui gagnent, qui ont gagné ou qui ont une histoire. Le meilleur exemple, c'est le Colorado. Ils ont remporté des championnats, mais l'équipe a connu des difficultés récemment et l'affluence dans les estrades a baissé presque immédiatement. Il faut arrêter de se comparer à la NFL ou au baseball majeur parce que le hockey n'est pas ancré dans la culture américaine. Si on prend seulement Philadelphie, il y a un bon noyau de partisans, mais pendant le creux de vague, les spectateurs se faisaient plus rares.

«Ça explique pourquoi les équipes américaines vont tenter d'obtenir une ou deux vedettes plutôt que de se construire des clubs gagnants. Ils parlent à Atlanta d'échanger Kovalchuk. Ils sont aussi bien de vendre l'équipe immédiatement. C'est lui que les gens vont voir. À Philadelphie, on a eu Lindros, puis Forsberg et quand Forsberg est parti, l'équipe s'est effondrée. L'année suivante, le directeur général a fait un bon travail, il a remis de bons joueurs sur la glace et dans l'amphithéâtre. Les amateurs ne viennent pas suivre une équipe de hockey professionnelle, ils veulent suivre un club gagnant.»