Les 104 meilleurs espoirs en vue du repêchage de la LNH avaient rendez-vous cette semaine dans un hôtel près de l'aéroport Pearson de Toronto. C'est le NHL Combine, la dernière étape avant le repêchage qui permet aux équipes de préparer leurs listes finales. Louis Leblanc, l'attaquant québécois le mieux coté cette année, nous emmène dans les coulisses de l'événement.

Louis Leblanc, joueur de centre de 18 ans, est étiqueté choix de première ronde.

Il a joué la saison dernière à Omaha, dans la USHL, aux côtés de Danny Kristo, le choix de deuxième ronde du Canadien en 2008. Étant donné qu'il jouera l'an prochain à l'Université Harvard, Leblanc est considéré comme un joueur des collèges américains. Et, en vertu des règlements qui touchent les espoirs de la NCAA, Leblanc ne peut rester au Combine plus de 48 heures.

«Il y a des gars du junior majeur qui sont ici depuis lundi, souligne Leblanc. Moi, je dois rencontrer neuf équipes mercredi et 19 autres jeudi!»

Comme si l'horaire n'était pas assez chargé, Leblanc doit trouver une façon d'y insérer un test de personnalité d'une heure que fait passer le Wild du Minnesota.

Réglé au quart de tour

Leblanc s'embarque dans un processus qui a des airs de «speed dating». Vingt-huit équipes veulent lui parler et il devra toutes les rencontrer en un plus de 24 heures. Mais le fait d'inviter un joueur en entrevue n'est pas toujours une mesure de l'intérêt d'une équipe. La preuve, c'est que seulement 13 équipes interviewent John Tavares, la coqueluche de cette année.

Les deux premiers entretiens permettent à Leblanc d'évacuer sa nervosité. «Les mêmes questions reviennent souvent, réalise-t-il. Les équipes me demandent de parler de ma famille, de mes principales qualités sur la patinoire et des choses que j'ai à améliorer...»

Tous les joueurs ont reçu une feuille où leurs rendez-vous ont été inscrits à la minute près. Pendant toute la journée, vêtus de complets-veston, ils viennent et vont dans l'hôtel. «Les équipes ont droit à 20 minutes avec chaque joueur, explique Leblanc. Tu dois cogner à la porte à la minute précise où tu as rendez-vous. L'hôtel est plein à craquer et il n'y a que trois ascenseurs. On a toujours peur d'être en retard!

«Selon les équipes, entre quatre et 15 personnes te reçoivent. Les questions peuvent venir de n'importe qui. À peu près la moitié des directeurs généraux assistent aux entrevues, mais souvent, ils ne disent rien.»

»Pourquoi vas-tu à Harvard?»

La décision de Leblanc d'aller à Harvard suscite la curiosité.

«Les équipes veulent savoir pourquoi j'ai choisi Harvard au lieu d'une école où le programme de hockey est plus réputé, soutient Leblanc. Mais si je vais dans un endroit où les études ne sont pas autant privilégiées, je vais jouer au hockey et le reste du temps, quoi, je vais faire la fête? Alors je réponds en demandant aux équipes ce qui est le mieux: étudier ou faire la fête?»

Mais les Islanders de New York se montrent rébarbatifs. «Ils ne comprennent pas, ils me disent que je vais jouer dans une division où les joueurs sont moins forts.»

Le CH pour finir

De temps en temps, des questions étonnantes se mêlent aux plus convenues.

«Les gens de l'Avalanche du Colorado m'ont demandé quelle était la chanson la plus embarrassante que j'avais dans mon iPod. Et une autre formation m'a demandé avec quelle personnalité j'aimerais le plus aller souper. J'ai répondu Barack Obama. J'aimerais qu'il m'explique comment il arrive à être un leader pour 300 millions de personnes.»

Ironie du sort, c'est avec le Tricolore - l'équipe pour laquelle il rêve de jouer - que Leblanc termine sa ronde d'entrevues.

«Je savais que le Canadien était en dernier et ça m'a donné un boost.»

Mais, en fin d'après-midi jeudi, Leblanc a les jambes molles. Il n'a pas arrêté de la journée. «Je dois manger, avoue-t-il. J'avais juste des barres tendres dans les poches et j'ai mangé quelques muffins que m'ont offerts certaines équipes. Et puis, je dois me lever de bonne heure, demain. Je m'attends à vivre les heures les plus difficiles de ma vie.»

Comme dans un aquarium

Le hasard a voulu que Leblanc soit le tout premier à prendre part aux évaluations physiques, le point culminant du Combine.

Dès 7h30, vendredi matin, des médecins l'examinent. Une heure plus tard, il se présente dans la salle de bal de l'hôtel, qui a été transformée en grand gymnase. D'autres joueurs promis à la NCAA l'accompagnent. Arborant un chandail identique, ils ne sont différenciés que par un numéro. Douze exercices sont supervisés par des appariteurs de l'Université York: mesure du taux de graisse, poids et haltères, redressements assis, etc. Leblanc passe d'une station à l'autre sous les yeux des recruteurs, des thérapeutes et de certains DG.

«Danny Kristo m'avait prévenu que, sous le regard de tous les recruteurs et des médias, je serais comme dans un aquarium. Il m'a dit de faire ce que j'avais à faire et de ne pas me laisser influencer par les résultats des autres.»

Saut vertical, saut en hauteur, test d'agilité: la première portion se déroule comme un charme. Mais Leblanc sait qu'il lui faudra enfourcher le légendaire Wingate, sur lequel Fredrik Sjostrom s'était évanoui en 2001.

Le vélo, c'est la mort

Leblanc grimpe sur le vélo Wingate, qui sert à mesurer la forme anaérobique. Pendant 30 secondes d'effort extrême, Leblanc doit pédaler malgré une résistance de près de 20 livres.

«Trente secondes qui m'ont paru une heure», avouera Leblanc.

Après avoir enrubanné ses pieds aux pédales, trois appariteurs l'encouragent bruyamment. Leurs cris jettent un silence étonné dans la salle où la journée n'a pas encore pris son rythme.

«Tu te sens mal après ça, comme tout déséquilibré. J'ai eu des hauts le coeur. C'était la mort!»

Leblanc bénéficie d'une vingtaine de minutes pour retrouver ses sens avant l'ultime test VO2 Max, où il devra à nouveau enfourcher un vélo.

«Cette fois-ci, ils te bloquent le nez et te mettent un tube dans la bouche pour que tout ton oxygène aille dans un baril. Heureusement qu'il y a une période d'échauffement avant que tu ne commences tes 15 minutes. Mais c'est épouvantable comme tu as la gorge sèche en finissant...»

Le mini Combine du Canadien

À peine sortie de cette chambre des tortures, Leblanc prend le temps de partager son expérience. Il répond aux questions des autres Québécois qui attendent impatiemment leur tour.

Leblanc prend également le temps de savourer une bonne nouvelle: il vient de recevoir une invitation pour le camp de développement d'Équipe Canada junior, qui aura lieu au mois d'août.

Mais ses 48 heures au Combine s'achèvent. Le jeune homme va retourner à Kirkland et se préparer pour demain, où il a à nouveau rendez-vous avec le Canadien.

En effet, Trevor Timmins et ses hommes veulent jeter un second regard sur certains espoirs et voir à l'oeuvre des Québécois qui n'ont pas été invités à Toronto.

Le rythme y sera peut-être moins frénétique, mais l'enjeu pour Leblanc sera tout aussi important.