Stephen Bronfman a bel et bien déposé une offre pour acheter le Canadien de Montréal, mais son partenaire, s'il en a un, n'est pas Joey Saputo.

La Presse a appris de deux sources sûres et indépendantes que le président de l'Impact de Montréal a bel et bien envisagé de présenter une offre conjointe avec Bronfman. Mais, contrairement à ce qu'affirmait hier le Journal de Montréal, il a finalement décidé de se retirer, pour des raisons qui demeurent inconnues.

Le nom de Saputo a émergé pour la première fois au début avril, peu après que La Presse eut révélé que le propriétaire du CH, George Gillett, envisageait sérieusement la possibilité de vendre le club, le Centre Bell et le Groupe Spectacles Gillett. Saputo était au nombre de la dizaine de personnes et de groupes ayant signé un accord de confidentialité pour étudier les livres des propriétés montréalaises de l'homme d'affaires américain.

Même s'il a depuis fait plusieurs apparitions publiques dans le cadre des activités de l'Impact, M. Saputo a toujours gardé un profil bas quant à ses intentions exactes au sujet du Canadien, refusant systématiquement d'indiquer s'il avait bel et bien l'intention de présenter une offre définitive à M. Gillett.

Son intérêt était toutefois bien réel. À la mi-mai, en marge d'un point de presse portant sur les efforts de l'Impact pour obtenir une franchise dans la Major League Soccer, La Presse lui avait demandé s'il voyait des synergies potentielles pour un propriétaire qui posséderait à la fois une équipe de la MLS et le Canadien de Montréal. «Il y aurait des synergies pour les listes d'abonnés de saison, pour le marketing, etc. Mais si je vais de l'avant, ce ne sera pas à cause des synergies», avait-il répondu. De là à conclure qu'il était alors toujours dans la course, il n'y avait qu'un pas qu'il était facile de franchir.

Depuis, silence total. Encore mercredi, il s'est refusé à tout commentaire sur la question lors d'un point de presse portant sur le Trophée des Champions, qui opposera en juillet le FC Girondins à l'En Avant de Guingamp. Invité à dire s'il était le partenaire de Bronfman, il a refusé de répondre. «Je suis sûr que les partenaires de Stephen Bronfman sont de bons partenaires», s'est-il borné à déclarer.

Quoi qu'il en soit, nos sources sont formelles: Saputo a retiré ses billes récemment. Si Bronfman achète le Canadien, ce sera sans lui.

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Stephen Bronfman mène ses affaires discrètement. Contrairement à la famille Molson et à Quebecor, il n'a pas annoncé ses couleurs publiquement au sujet du Canadien.

Seul héritier masculin du clan Bronfman toujours établi à Montréal, le fils de l'ancien propriétaire des Expos Charles Bronfman a détenu 3% des actions des Expos au début des années 2000, à l'époque où Jeffrey Loria était l'actionnaire de contrôle de l'équipe.

Dans la mi-quarantaine, ce diplômé de Williams College, au Massachusetts, est marié à une ancienne employée de Molson, Claudine Blondin, et a trois jeunes enfants. Sa société d'investissement, Claridge Inc., a possédé au fil des ans des intérêts dans des domaines très diversifiés allant de la télévision - il a été actionnaire de RDS et TSN avant de revendre les chaînes à CTV en 1999 - à l'alimentation bio en passant par l'immobilier. (Détail intéressant: le banquier Jacques Ménard, qui supervise le processus de vente du Canadien, est membre du conseil d'administration de Claridge.)

Avec le célèbre promoteur torontois Michael Cohl, Bronfman a aussi produit les tournées de plusieurs des plus grands noms de la musique, dont les Rolling Stones, Madonna et Crosby, Stills, Nash and Young. La compagnie dont il a été le cofondateur, TGÀ Entertainment, n'est toutefois plus active, selon des sources du milieu artistique.

Bronfman est reconnu pour sa participation dans les organisations caritatives et pour son engagement envers la cause environnementale. Il siège depuis plusieurs années au conseil d'administration de la fondation du réputé écologiste canadien David Suzuki. Et il n'a jamais eu peur d'afficher son attachement pour Montréal. «J'ai vécu toute ma vie ici, sauf mes années d'université aux États-Unis. C'est ici que je me sens à l'aise», disait-il en mars au Globe and Mail. «Je ne veux pas avoir l'air baveux, mais je pense que Montréal a besoin de moi. Et j'ai besoin de Montréal! Ma famille, ma vie, mes amis sont ici et je suis un gars de tradition! J'aime le sentiment de communauté, de famille, de racines. Et nous avons de bonnes racines ici.»

On dirait bien que les Molson et Quebecor ne sont pas les seuls acheteurs potentiels du Canadien à jouer à fond la carte québécoise. Comme les choses ont changé depuis 2001...