Un collègue, au Réseau des Sports, à la suite de la dégelée de 7-1 du Canadien encaissée jeudi soir à Vancouver: «Rome, vous savez, n'a pas été construite en un jour.

Les hommes de Jacques Martin auront donc besoin d'un peu de temps encore avant de bien maîtriser les différents systèmes de jeu mis en place par le nouvel entraîneur du Canadien.»

Rome, hein ?

À forces égales, en obligeant les joueurs à «descendre creux» dans leur zone comme ils disent, ces derniers, pour la plupart, ont effectivement un petit ajustement à apporter à leur jeu.

Mais à quatre contre cinq, il n'y a rien de nouveau sous le soleil, puisque les équipes adoptent à peu près toutes la même stratégie. En zone défensive, les quatre joueurs envoyés dans la mêlée forment une boîte et s'efforcent d'obstruer les corridors de passes tout en gardant un oeil ouvert sur le joueur de pointe doté de la meilleure garnotte. Pourtant pas compliqué. On ne parle pas ici de physique nucléaire, mais d'un système de jeu simplet employé par les équipes de tous niveaux, autant chez les pee-wee que chez les pros.

Alors, comment expliquer le fait que les adversaires du Canadien aient marqué six buts en quinze occasions de surnombre depuis le début de la saison pour un taux d'efficacité ronflant de 40 p.cent ?

Mercredi, les Canucks ont marqué trois buts en cinq avantages numériques. Des buts de toute beauté réussis aux dépens d'une défensive poreuse et complètement désorganisée après qu'un joueur du Canadien, dans sa zone par surcroît, eût bêtement remis la rondelle à l'adversaire.

Ce n'est donc pas le système de jeu du Canadien employé à désavantage numérique qui sied mal aux joueurs mais plutôt la façon de l'exécuter qui est tout croche. Une pure question de talent. Et de cette facilité qu'ont les bons joueurs de prendre les bonnes décisions aux bons moments. Or, comme ces choses-là ne s'enseignent pas...

Mercredi, à RDS, tous les clichés ont été utilisés pour excuser la désolante performance du Canadien.

On a parlé de la lourde tâche de devoir disputer deux matches en deux soirs. Ce qui est une pure aberration. À l'âge qu'ils ont et en forme comme ils le sont, le fait de devoir travailler durant environ quinze minutes deux soirs d'affilée ne devrait en aucun temps altérer la qualité de leur jeu.

Prenons le cas de Hal Gill, dont la fiche en quatre matches est de -3. Pensez-vous vraiment que dans deux mois, lorsque le nouveau système de jeu du Canadien sera parfaitement assimilé, qu'il deviendra un défenseur plus lumineux? Que ses passes seront plus savantes? Qu'il saura enfin quoi faire avec la rondelle quand autour de lui tout va vite et tout bourdonne?

Pat Burns a raison: Gill, c'est parfait pour nettoyer le devant du filet de Price, point à la ligne.

Mais encore faut-il, comme on a pu le constater mercredi soir, que la rondelle ne se retrouve pas trop souvent sur son bâton parce que là, ça devient hasardeux et compliqué pas à peu près.

L'embauche de Gill: une très mauvaise acquisition de Gainey quant à moi.

Et puis, ah oui! Carey Price. À Vancouver, sur les sept buts alloués en 32 lancers dirigés contre lui, jamais on a entendu dire qu'il avait été faible sur l'un d'entre eux «tellement il a été laissé à lui-même.»

C'est drôle, la veille, dans la défaite de 4-3 du Canadien face aux Flames, on ne s'était pas gêné pour blâmer Jaroslav Halak même si trois des quatre buts alloués ont été le résultat de rondelles déviées à l'entrée de son filet.

Certains ont même blâmé Jacques Martin d'avoir envoyé Halak dans la mêlée malgré le début de saison électrisant de Price.

Ça, c'est encore une fois n'importe quoi.

L'an passé, on avait reproché à Carbo de ne pas avoir utilisé Price à Vancouver alors que de nombreux parents et amis s'étaient rendus au GM Place dans le but de le voir disputer un premier match dans sa ville natale.

Une erreur, semble-t-il, que n'allait certainement pas répéter Jacques Martin cette année...

Chassé du match en milieu de troisième période, Price, mercredi soir, faisait pitié. Et de voir dans les gradins ses parents atterrés rendaient la scène encore plus pénible à regarder.

Curieusement, avant le match contre les Canucks, à cause du début de saison boiteux de Martin Brodeur et de Roberto Luongo, à CKAC on avait déjà commencé à parler de la possibilité de voir Price devant les filets d'Équipe Canada durant les Jeux olympiques d'hiver de Vancouver en février prochain.

Présomptueux, mettons...

Plus inquiétant encore, mercredi, après le troisième but des Canucks, celui réussi par Steve Bernier en fin de première période, le langage corporel de Price ne laissait déjà rien présager de bon. Même si la substitution est arrivée sur le tard, que Price ait été remplacé en milieu de troisième par Halak était de toute évidence la seule chose à faire.

Mais soyons gentils avec le p'tit et surtout soyons honnêtes: n'eut été du brio de Price depuis le début de la saison - sous un déluge de rondelles, victoire de 4-3 contre les Leafs à Toronto et victoire de 2-1 contre les Sabres à Buffalo-, le Canadien, mes amis, présenterait ce matin une fiche de 0 victoire et quatre défaites.

Allô!

Vous allez peut-être me trouver dur, mais ce n'est pas le temps qui fait présentement défaut au Canadien. Ni la difficulté qu'ont les joueurs à se familiariser avec un nouveau système de jeu et de nouveaux coéquipiers. Ce qui fait défaut, c'est le talent.

Kyle Chipchura, 23 ans, pour ne nommer que celui-là, choix de première ronde du Canadien au repêchage de 2004, 18e choix au total, une autre aberration, malgré ses six pieds et deux pouces et ses 200 livres, n'a pas d'affaire sur la glace. Pas encore en tout cas. Contre les Flames, il a terminé la soirée à -3. Face aux Canucks, il a terminé le match à -1. De plus, il n'avance pas.

Il faudra aussi examiner de plus près le cas Hal Gill parce que là mes amis ça fait dur en masse...S'il le faut, ramenons le beau Patrice, ça ne pourrait pas être pire.

Et puis, quand on voit le défenseur Paul Mara, en compagnie de Plekanec, dominer la liste des compteurs du Canadien avec quatre points et que Travis Moen, le meilleur buteur du Canadien avec Gionta, suit avec deux buts et une passe, je ressens comme un malaise.

Mais ne soyons pas cyniques et sachons demeurer positifs.

Après tout, malgré l'absence de Markov et de O'Byrne, le Canadien, qui n'a pas encore disputé un seul match à la maison ne l'oublions pas, présente tout de même une fiche de .500...

Quand même pas si mal, non ?

Ensemble, allez: Go Habs go...