Alexandre Burrows vient d'ouvrir une boîte de Pandore. Les conversations animées entre les joueurs et les arbitres - et elles sont plus nombreuses qu'on pense - ne sont généralement pas révélées au public.

Mais l'attaquant des Canucks a fait fi de la loi non écrite et a accusé Stéphane Auger, après le match de lundi soir, d'avoir mis ses menaces à exécution en le punissant de façon qu'il qualifie d'imméritée.

«C'était personnel. Durant l'échauffement, tout juste avant l'hymne national, Auger est venu me voir pour me dire que je l'avais fait mal paraître en décembre à Nashville et qu'il allait se reprendre ce soir. Il a tenu parole. Il m'a donné une punition pour plongeon que je ne méritais pas. Puis, il a signalé une punition pour obstruction et franchement, je ne sais pas du tout ce que j'ai pu faire de mal. Ça a complètement changé le cours du match. C'est désolant pour mes coéquipiers qui ont travaillé pendant 60 minutes et qui repartent d'ici avec une défaite. Tout ça pour satisfaire l'ego d'un arbitre.»

La LNH prend la chose au sérieux et le directeur des opérations hockey de la Ligue nationale, Colin Campbell, a confirmé au réseau Sportsnet qu'une enquête était en cours. Mais selon certaines sources, la ligue ne devrait pas sévir envers Auger.

Si Burrows dit vrai, la vengeance personnelle de Stéphane Auger aura eu une incidence sur le résultat du match, puisque les Predators de Nashville ont marqué le but gagnant en troisième période alors que Burrows purgeait sa deuxième punition mineure du match.

Tard hier soir, les médias de Vancouver rapportaient que Burrows serait mis à l'amende pour 2500$ et qu'il ne serait pas suspendu.

L'ancien arbitre de la LNH, Richard Trottier, admet que les discussions entre les arbitres et les joueurs pendant l'échauffement sont fréquentes.

«Moi-même, alors que Chris Pronger jouait pour les Blues de St. Louis à une époque où il se donnait beaucoup plus de coups de bâton, j'avais patiné à ses côtés avant la rencontre pour le mettre en garde. Je lui ai dit que j'avais été très tolérant lors du match trois ou quatre jours plus tôt, mais qu'il allait devoir garder son bâton sur la glace ce soir-là. Il m'a remercié en me disant qu'il allait faire attention, mais ça ne l'a pas empêché d'en donner parce qu'il est un joueur comme ça... et je l'ai puni. Mais il ne s'est pas servi de ça pour dire que je lui avais parlé avant le match et que je l'aurais à l'oeil.»

Dans le cas qui nous intéresse, par contre, Burrows accuse plutôt Auger d'avoir agi par vengeance personnelle. «Ça dépend dans quel contexte les choses ont été dites, répond Trottier. C'est difficile de lire sur les lèvres de Stéphane Auger sur le clip. Et combien de temps la conversation a-t-elle duré? Honnêtement, je ne crois pas qu'un seul arbitre de la LNH irait voir un joueur pour lui dire qu'il payerait au cours de la soirée. C'est impensable qu'un arbitre agisse ainsi. De toute façon, ça jouerait contre lui. Maintenant, est-ce que certains arbitres peuvent faire savoir à des joueurs qu'ils y a une limite à leur tolérance? Il y a des choses que l'on peut faire sans avoir une incidence sur le match. Par exemple, si un capitaine ou un assistant nous insulte ou essaie de nous ridiculiser pendant un match, on peut lui tourner le dos si 45 secondes plus tard il vient nous voir pour demander une explication sur un règlement.»

Selon Trottier, plusieurs situations peuvent provoquer des conflits entre joueurs et arbitres. «Nous sommes humains, ne l'oublions pas. Personne ne veut se faire ridiculiser. Quand je donne des conférences aux entraîneurs, je leur rappelle que les arbitres ont chacun leur personnalité, comme les entraîneurs d'ailleurs. Certains aiment moins se faire marcher sur les pieds. Les joueurs et les entraîneurs doivent le comprendre. Les arbitres ne sont pas des robots.»

Et quelle est la personnalité de Stéphane Auger? «Je le connais depuis longtemps, répond Trottier. Je le supervisais même à ses débuts dans les rangs Midget AAA, et nous avons fait quelques matchs ensemble dans la LNH.

«C'est un arbitre direct et autoritaire qui ne se laissera pas marcher sur les pieds. Il le faut pour accomplir ce travail parce qu'on nous attaque à gauche et à droite. Si on tolère tout, il peut y avoir de l'exagération.»

Pour revenir à l'histoire de Burrows, il faut rappeler que le 24 février, au Centre Bell, Auger lui avait infligé une punition majeure et une inconduite de match pour un double-échec au visage de Patrice Brisebois.

L'ancien défenseur du Canadien, Stéphane Quintal, n'a que du bien à dire de Stéphane Auger. «J'ai toujours eu une bonne relation avec lui. Il n'a pas une mauvaise réputation. Je n'ai jamais rien entendu de négatif sur lui.»

L'Association des arbitres de la LNH n'a pas répondu à notre demande d'entrevue. Un des collègues de Stéphane Auger, sous le couvert de l'anonymat, a cependant confié à Sportsnet qu'il s'attend à ce qu'Auger soit blâmé ou puni. «Pas besoin d'être un arbitre pour le deviner. Ne laissez jamais une arme sur les lieux du crime avec vos empreintes dessus...» dit-il en faisant référence à la caméra qui a capté la conversation entre les deux hommes.