En tant qu'entraîneur-chef des Bulldogs de Hamilton, Guy Boucher est maintenant au coeur de la formation des espoirs du Canadien.

Et lorsqu'il voit les amateurs s'emballer enfin pour l'un d'eux - en l'occurrence P.K. Subban - il invite à la prudence.

«Les jeunes ne peuvent pas dépasser le stade de développement où ils sont rendus», rappelle Boucher à ceux qui aimeraient voir Subban terminer la saison avec le Tricolore.

«Il y a différents joueurs comme il y a différents types de fleurs, suggère-t-il. On doit continuer d'arroser la semence jusqu'à ce que la fleur apparaisse. Selon le type de fleur, ça ne prendra pas le même temps.

«Mais chose certaine, ce n'est pas en tirant sur la fleur qu'elle va éclore. C'est la même chose avec les espoirs. On s'emballe trop vite. On ne sait pas dans combien de temps ils seront prêts.»

Cette image de la fleur vaut pour P.K. Subban, mais aussi pour Ben Maxwell.

«Ben a raté la majeure partie de deux saisons en raison de blessures. Et ça, ça ne se rattrape pas», plaide Boucher, qui l'avait coaché au Mondial des moins de 18 ans, il y a quelques années.

«Il a maintenant réussi à faire la transition entre le junior et la Ligue américaine, mais il ne domine pas encore.»

Lors des matchs qu'il a disputés à Montréal, la vitesse d'exécution de la LNH semblait dépasser Maxwell. Mais cela ne veut pas dire qu'il ne s'ajustera jamais.

«Mon enseignement technique est basé sur l'extrême vitesse, de façon à ce que les jeunes ne soient pas trop pris de court lorsqu'ils atteignent la LNH», fait d'ailleurs remarquer Boucher.

La ligue la plus dure?

La Ligue américaine n'est pas le meilleur circuit au monde, mais c'est probablement le plus dur.

On y joue 82 matchs comme dans la LNH, sauf qu'il y a parfois trois matchs en trois soirs.

De plus, les longs voyages en autobus mettent le corps à rude épreuve.

«Personne ne domine le classement dans la LAH, souligne Guy Boucher. Il n'y a pas d'espace, on a toujours quelqu'un dans la face.

«Les vétérans sont capables d'une certaine constance, mais chez les plus jeunes, on ne peut jamais dire en analysant leur rendement qu'ils deviendront des super-vedettes.»

Certes, un oeil aguerri peut reconnaître les jeunes «étiquetés» Ligue nationale. Par exemple, dès qu'il a vu Dmitri Kulikov à Drummondville, l'an dernier, Boucher a su qu'il en tenait un.

Mais ce n'était pas nécessairement à cause de son talent.

«Il y a plusieurs autres joueurs qui ont le même bagage d'habiletés que Kulikov, mais sur lesquels on ne parierait pas, explique-t-il. Car ils n'ont pas le caractère, l'attitude ou l'éthique de travail.

«Dans la Ligue américaine, c'est la même chose: les joueurs ont bien souvent le même niveau d'habiletés. Mais lesquels vont passer?»

La passion du hockey

Ce sont souvent les fameux «intangibles» qui fournissent la réponse: la passion du hockey, le désir de vaincre, la volonté de s'améliorer...

«Il faut aimer le hockey, affirme Boucher. Or, il y en a qui jouent parce qu'ils sont bons, ou parce qu'il y a des attentes placées en eux, et non parce qu'ils aiment vraiment cela.

«Or, moi, en tant qu'entraîneur, je ne motive pas. La motivation ne peut venir que du joueur. Je ne fais qu'activer certaines choses.

Aimer le hockey c'est une chose. Avoir toute sa tête au hockey en est une autre.

À la suite d'incidents hors glace, l'an dernier, la discipline et l'encadrement sont devenus des points d'interrogation de plus à l'égard de la formation des joueurs chez le Canadien.

«Ce qui se passe à l'extérieur de la patinoire est toujours abordé dans la préparation, assure Guy Boucher. On essaie d'enseigner aux joueurs les conséquences qui viennent avec le fait de ne pas prendre soin de soi.

«Ce qu'il faut comprendre, c'est que les joueurs ne sont pas isolés de la société. Ils en font partie. Ils vivent les mêmes problèmes que le reste du monde, mais c'est comme s'ils n'avaient pas le droit de les avoir.»

Tous les joueurs de l'équipe vivent un cheminement qui leur est propre. Et même si ce n'est jamais très sexy de demander la patience des amateurs, c'est cette même patience qui transformera quelques-uns des joueurs des Bulldogs en joueurs de la Ligue nationale.