Dominic Moore vit parmi les moments les plus exaltants de sa carrière, car il n'avait jamais franchi la première ronde des séries jusque-là dans sa carrière.

Voilà enfin un motif de réjouissance pour les Moore, une famille qui adore le hockey, mais que le hockey adore moins.

Car les deux frères de Dominic ont eu des carrières écourtées en raison de blessures.

Celle de Steve, l'ancien de l'Avalanche du Colorado, a été largement médiatisée. C'est lui la victime de l'assaut sauvage de Todd Bertuzzi, en 2004.

Quant à l'aîné Mark, il a été un choix de septième ronde des Penguins de Pittsburgh. Sa carrière a pris fin en 2002 lorsqu'une collision avec un coéquipier pendant un entraînement a provoqué une sévère commotion cérébrale.

Le hockey avait toujours été - et est encore - au coeur des discussions autour de la table familiale. Mais quelque chose s'est rompu. Le sport qui leur avait tant donné en a beaucoup repris, et de façon impitoyable.

«Nous étions toujours ensemble à jouer dans la rue ou sur l'étang dès que l'on avait une minute, se rappelle Moore. On regardait les matchs, on collectionnait les cartes...

«Très tôt, toute notre vie a gravité autour du hockey.»

Les trois frères, qui ont tous été repêchés par une équipe de la LNH, ont emprunté le chemin de la même université. Durant la saison 1999-2000, ils ont même été coéquipiers avec le Crimson de l'Université Harvard.

Mais tout cela semble bien loin aujourd'hui...

«Mes frères ont passé à travers de dures expériences et ça a été à la fois intense et difficile pour eux. Et moi, ça me rappelle la chance que j'ai de jouer encore.

«Je profite plus de chaque journée depuis qu'ils sont passés à travers ça.»

Aujourd'hui, Dominic est le seul qui puisse entretenir la famille de ses expériences de hockey.

«Tout le monde est impliqué et c'est agréable de pouvoir partager ce que je vis», soutient-il.

Ses parents et son frère Steve à Pittsburgh ont d'ailleurs assisté au septième match de la série face aux Penguins.

«Steve doit encore gérer les contrecoups de tout ce qui s'est passé, confie Moore. C'est à la fois plaisant et difficile pour lui de regarder les matchs. Il voudrait tellement être là.

«Il a grandi en ayant le rêve de jouer en séries éliminatoires et ça lui manque de ne pas pouvoir vivre cette expérience.»

Maman avait tout vu venir

Le premier geste de Pierre Gauthier en tant que DG du Canadien a été de faire l'acquisition de Moore, tout juste avant les Jeux olympiques.

Lorsqu'il s'est présenté aux journalistes, un soir où le Tricolore était à Philadelphie, Moore a tenté quelques phrases en français, promettant qu'il ferait mieux dans les semaines suivantes.

Aujourd'hui, quand sa mère le voit parler français avec un chandail bleu-blanc-rouge sur le dos, elle doit être ravie.

«Toute la famille du côté de ma mère était composée de partisans du Canadien», raconte l'attaquant de 29 ans, qui a grandi en banlieue de Toronto.

«Mes frères et moi, on a été endoctriné à prendre pour le Canadien. Mais moi, je me suis mis à prendre pour les Maple Leafs le jour où Doug Gilmour est arrivé à Toronto...»

Lorsqu'il avait 10 ans, madame Moore a insisté pour l'envoyer dans une école d'immersion française. Une expérience qui a duré quatre ans et que le petit Dominic trouvait pénible à l'époque.

« Non je n'étais pas très heureux, mais ma mère me disait qu'un jour je porterais l'uniforme du Canadien et que j'aurais besoin de parler français.

«C'était habile: elle savait qu'en mettant le hockey dans l'équation, ce serait la seule façon possible de me vendre l'idée!»

Des buts importants

La prophétie de la mère s'est réalisée, même si elle ne pourrait avoir duré que quelques mois. Moore sera en effet joueur autonome le 1er juillet.

En attendant, il a suffisamment fait sa niche au centre du troisième trio pour qu'on oublie que Gauthier a cédé un choix de deuxième ronde aux Panthers de la Floride en retour de ses services.

«Il a solidifié notre formation en devenant ce joueur de centre qui nous manquait, explique Michael Cammalleri. Il peut jouer dans les deux sens de la patinoire et il a marqué de gros buts pour nous.»

Moore a en effet inscrit le but de la victoire dans le gain de 2-1 qui a éliminé les Capitals de Washington, avant de marquer le deuxième but dans le match ultime face aux Penguins.

Et il y a celui, à mi-chemin dans la rencontre de jeudi, qui a semblé mettre le match hors de portée des Flyers.

«La troisième unité est tellement importante parce qu'on s'attend à ce qu'elle contribue à tous les niveaux, autant en attaque qu'en défensive. Maxim Lapierre et moi, entre autres, on en retire beaucoup de fierté.»

L'intellectuel du groupe

Ce n'est guère surprenant, après avoir étudié à Harvard, que Moore soit perçu comme un intellectuel dans le vestiaire du CH.

«Dom n'est pas le genre d'intellectuel achalant qui se croit supérieur aux autres, précise cependant Cammalleri.

«J'aime beaucoup m'asseoir à côté de lui dans l'avion parce que j'apprends beaucoup avec lui. On regarde des documentaires. Récemment, on a regardé des trucs sur la Rome antique et sur l'évolution des phénomènes économiques...»

«Les gens ne sont pas tous intelligents de la même manière, et tu n'as pas besoin d'être allé longtemps à l'école pour être brillant», réplique Moore.

En dépit de son diplôme en sociologie, c'est vraiment en hockey qu'il a fait sa spécialisation.

Moore en est à sa septième équipe dans la Ligue nationale. Il a été échangé plusieurs fois, soumis au ballottage, presque ignoré sur le marché des joueurs autonomes...

Bref, il ne l'a pas eu facile. Ni dans son parcours professionnel, ni dans le destin qui a frappé sa famille. C'est en quelque sorte un survivor.

«Mais surmonter des obstacles, ça fait de nous de meilleurs joueurs», affirme Moore, un brin philosophe.

Et un brin sociologue.