Le départ de six dépisteurs du Canadien, lundi, a laissé place à beaucoup d'interprétation depuis deux jours.

Pour beaucoup d'observateurs, il s'agit d'un vote de non-confiance du directeur général Pierre Gauthier envers le responsable du recrutement Trevor Timmins. En est-il vraiment ainsi? J'en serais surpris.

D'abord, comme le soulignait hier le collègue Marc Antoine Godin, le lien qui unit Gauthier à Timmins est très fort. C'est le premier qui, à Ottawa, a appris les rouages du métier au second. Je serais très étonné que Gauthier ait renvoyé les six dépisteurs sans avoir consulté Timmins.

D'ailleurs, une analyse plus en profondeur de la situation nous permet d'y voir un peu plus clair.

Excluons du groupe de dépisteurs congédiés Gordie Roberts, qui oeuvrait au niveau professionnel, et non amateur. Il en reste donc cinq. Du nombre, Antonin Routa et Nikolai Vakourov, deux dépisteurs européens, étaient de la vieille garde, donc de l'ère pré-Timmins. Denis Morel, qui travaillait à temps partiel au Québec, avait été imposé par Bob Gainey. Pelle Eklund, établi en Suède, touchait à la fois au domaine professionnel et amateur et les derniers joueurs professionnels qu'il a recommandés n'ont pas eu beaucoup de succès au sein de l'organisation, qu'on pense à Marcus Johansson ou Janne Lahti. Dave Mayville, qui couvrait l'Ontario et les États-Unis, est donc le seul dépisteur clairement identifié à Timmins.

Parmi les huit qui sont encore en poste, cinq sont de la nouvelle garde du Canadien, donc embauchés par Timmins ces dernières années: Frank Jay, Vaugh Karpan, Pat Westrum, Mike McCann et Michel Boucher. Les trois autres étaient déjà en poste avant 2003, il s'agit de William Berglund, Elmer Benning et Hannu Laine.

Analysons maintenant l'angle géographique. Trois des cinq recruteurs congédiés étaient européens et étaient à la fois sous la supervision de Gauthier, responsable du secteur professionnel, et de Timmins. Gauthier, qui connaît bien l'Europe, était bien placé pour superviser le travail des trois hommes.

Mayville a probablement été viré parce qu'il y avait trop de recruteurs en Ontario (l'arrivée de Frank Jay l'an dernier portait le nombre à trois dans cette province).

Au Québec, le système à deux têtes (à temps partiel) avec Michel Boucher et Denis Morel n'était pas idéal. Je ne serais pas surpris qu'on ait supprimé le nombre de recruteurs en Ontario pour nommer un super recruteur à temps plein au Québec, ce qui n'était pas possible jusqu'à tout récemment parce que Boucher ne voulait pas d'un poste à temps plein en raison de ses obligations professionnelles (d'où l'embauche de Morel par Gainey pour appuyer Boucher).

Les décisions de lundi ressemblent donc davantage à une restructuration qu'à une purge. D'ailleurs, l'opinion des dirigeants du CH à propos du travail de ses dépisteurs est beaucoup plus favorable que celle de nombreux fans.

Ceux qui vantaient Jaroslav Halak et P.K. Subban il n'y a pas une semaine sont les mêmes qui reprochent au Canadien de multiplier les gaffes au repêchage.

Le Tricolore n'est évidemment pas parfait. Mais tous les recruteurs, même les meilleurs, se trompent. David Fischer à la place de Claude Giroux en 2006 était une erreur. Andrei Kostitsyn n'était pas le meilleur joueur disponible en 2003.

Mais, comme je l'ai souvent dit, on peut faire mal paraître n'importe quel recruteur en s'attardant seulement sur les joueurs qu'il a ratés.

Le Canadien possède le meilleur duo de jeunes gardiens de la LNH, Jaroslav Halak et Carey Price. P.K. Subban a le talent pour devenir une vedette. Guillaume Latendresse a marqué 27 buts et il vient d'être nommé le joueur de l'année chez le Wild du Minnesota. Mark Streit est le défenseur numéro un chez les Islanders de New York et l'un des meilleurs défenseurs offensifs de la Ligue. Andrei Kostitsyn, même s'il en fait rager plusieurs, demeure un joueur de premier ou deuxième trio qui peut marquer 25 buts par année.

Maxim Lapierre, Ryan O'Byrne, Mikhail Grabovski, Kyle Chipchura et Sergei Kostitsyn appartiennent à la LNH. On parle donc de 11 joueurs de calibre de la Ligue nationale repêchés entre 2003 et 2007, et il y a encore de l'espoir dans le cas de Max Pacioretty, Danny Kristo, Yannick Weber, Louis Leblanc, Alexander Avtsin et quelques autres. On est loin du désastre annoncé.

Le Canadien ne vient-il pas d'atteindre le carré d'as en séries éliminatoires avec sept joueurs repêchés et développés depuis 2003 (j'exclus Ben Maxwell, qui a disputé un seul match)?

Pas si mal pour un club qui a repêché une seule fois parmi les neuf premiers en sept ans.