Un site internet haineux lui est consacré. Un «jeu de boisson» inventé à partir de ses expressions circule aussi sur le web. Et tous les amateurs du Québec ont suivi la rumeur selon laquelle il allait être remplacé à l'analyse des matchs du Canadien.

Benoît Brunet ne laisse personne indifférent. Certes, ceux qui le dénigrent sont beaucoup plus bruyants que ceux qui l'apprécient. Mais les reproches qui lui ont été adressés ne l'atteignent pas.

«Je savais, en prenant cette job-là, que j'allais être critiqué, nous a confié Brunet. Ça ne m'a pas empêché de faire mon travail.»

L'homme de 42 ans a endossé l'uniforme du CH pendant une décennie. C'est ce qui lui permet aujourd'hui de faire la sourde oreille et de laisser dire.

«Lorsque je jouais un mauvais match, je n'avais pas besoin de me le faire dire par un journaliste, je le savais. Mais il faut être capable de vivre avec les critiques. Je ne me rendrai pas malheureux à cause de ça.»

Non seulement Brunet n'a pas senti le besoin de répliquer à ses détracteurs, mais bien souvent, il n'est même pas au courant des flèches qui lui sont lancées.

«J'en entends parler par mes amis, mais je ne passe pas mes journées à chercher ce qu'on dit sur moi. Et je ne sens pas que j'ai à me justifier auprès des gens qui parlent de moi dans des blogues ou sur Facebook.

«De toute façon, ils ont fait la même chose à Yvon Pedneault avant moi. Et le jour où je ne serai plus là, la personne qui va me remplacer aura peut-être une période de grâce, mais à un moment, elle va finir par se faire ramasser. C'est sûr.»

Le standard de Gilles Tremblay

Si Yvon Pedneault et Benoît Brunet ont tous deux goûté à la «critique de masse», c'est entre autres parce que l'hégémonie de RDS crée une surexposition. «Dans le temps où il y avait trois réseaux qui présentaient du hockey, les gens voyaient les commentateurs moins souvent, souligne Brunet. Moi, l'an dernier, lors d'une saison où le calendrier était resserré, j'ai fait 129 matchs de hockey, Jeux olympiques compris.

«En plus, on participe aux bulletins d'information, aux avant-matchs, on est là en finale... on est tout le temps là !

«C'est dangereux parce qu'on ne peut pas nous comparer à personne.»

Enfin, si.

Les téléspectateurs plus âgés ne manquent pas de comparer Brunet à un autre ancien joueur et analyste, le très respecté Gilles Tremblay.

«C'est injuste que les gens le comparent à moi, car j'ai été dans le hockey pendant 41 ans, dont 28 ans à la radio ou à la télé, réplique M. Tremblay.

«Benoît commence à s'améliorer et il travaille très bien. Vous ne pouvez pas lui demander l'impossible. Il faut être réaliste, lui demander de dire de son mieux ce qu'il connaît du hockey, et de nous dire autre chose que ce qu'on a vu à la télé.

«Il faut pouvoir ajouter quelque chose qui n'a pas été vu au départ. Chercher d'où vient l'erreur ou la perfection sur un jeu. Parfois, elle origine de très loin...»

Le français, principale critique

Gilles Tremblay a été le premier joueur au Québec à s'installer dans un studio de télé pour commenter des matchs. Il admet que l'appui du public lui a été plus aisément gagné.

«Mais ce n'était pas facile au début, car je travaillais à côté de René Lecavalier - une grande vedette - et je devais remplacer son bon ami Jean-Maurice Bailly. Mais M. Lecavalier était un grand maître, se souvient l'homme de 71 ans. Il m'a donné des conseils, car je savais que je devais améliorer mon expression française.»

Benoît Brunet a été placé devant un défi similaire. Ayant baigné dans l'univers anglophone du hockey depuis son adolescence, le passage aux expressions françaises a été laborieux.

«Je sais que les critiques viennent surtout de la façon dont je m'exprime - parce que je ne suis pas gêné de mes connaissances en hockey ! Lorsque je fais une erreur de français, souvent je le sais tout de suite. Mais on fait du direct et on ne peut pas se reprendre... Après un match, je repense à ce que j'ai dit. Parfois, je réécoute des parties que j'ai enregistrées pour relever mes béquilles - les mots qu'on dit trop souvent - ou pour noter des choses auxquelles je dois faire attention. Cela dit, je sais qu'il y a eu une progression, je suis plus à l'aise.»

Les ressources télévisuelles, entre autres les nombreux angles de caméras, permettent d'en faire plus aujourd'hui qu'à l'époque de Gilles Tremblay. Mais cela force aussi l'analyste à en faire plus.

«C'est facile de faire un match des Sénateurs quand ce ne sont ni nos images ni nos reprises, soutient Benoît Brunet. Avec le Canadien, c'est moi qui décide de quoi je vais parler lorsqu'on «isole» un joueur. Je dois être préparé d'avance.

«Et puis, non seulement j'écoute Pierre (Houde), mais il y a aussi le producteur qui me parle et qui me dit, par exemple, qu'on va montrer en reprise les deux chances de marquer et la pénalité. Il a fallu que je trouve le bon rythme pour que tout ça coule bien.»

Entre les publicités, les tableaux de statistiques et l'emballage serré de l'émission, le propos de l'analyste doit être concis et immédiat.

«On n'a jamais une minute pour faire son intervention, rappelle Brunet. Lorsqu'il y a une reprise, ça dure 10 secondes et tout de suite, on est de retour à la mise en jeu.»

Un verre à moitié plein

Benoît Brunet venait de prendre sa retraite avec les Sénateurs d'Ottawa, en 2002, lorsqu'il a reçu un coup de fil de RDS. Le réseau cherchait quelqu'un pour les entractes pendant les matchs des Sénateurs.

«J'ai progressé tranquillement sans savoir combien de temps je ferais ce métier-là. Ce qui est certain, c'est que quand je ne m'amuserai plus, je vais passer à autre chose.

«Je parle de ce que j'aime et de ce que je connais. Et puis, c'est plaisant de pouvoir rester dans le milieu. Le hockey a été là toute ma vie et, du jour au lendemain, je me retrouvais dans mon salon. Ç'a été une chance de me retrouver à RDS. Je me sens privilégié de faire ce travail-là.»

L'ancien ailier gauche tient mordicus à profiter du moment plutôt que de s'attarder sur les désagréments du boulot.

Quant à ses relations avec le public, il y a un parallèle à faire avec Carey Price, qui soulignait il y a quelques jours que les moqueries venaient des gens cachés dans la foule, et non des badauds dans la rue. «Les gens m'abordent toujours de façon positive, raconte Brunet. Je n'ai pas besoin de ça, mais ça fait du bien. Personne n'est venu me voir pour me dire en pleine face: «T'es mauvais en crime, tu devrais lâcher ta job». Et je ne pense pas que ça va arriver.»

Brunet est le père de trois jeunes filles, et la dynamique familiale est importante à ses yeux. Aussi, même s'il est quasi imperméable à la critique des amateurs, il ne voudrait pas que cela nuise à la qualité de vie de ses enfants.

«Mes filles en entendent parler sur l'internet, mais elles n'ont pas eu trop de problèmes à l'école. Sauf que si un jour les critiques venaient à les déranger et qu'elles se faisaient trop écoeurer, ça pourrait peut-être me faire pencher vers la porte de sortie.»

Mais pour l'instant... il n'a pas de problème avec ça.