Nous sommes au printemps 1993. Dany Dubé fait ses premiers pas avec le programme national de hockey à titre d'entraîneur adjoint. L'illustre Mike Keenan dirige le Canada, favori pour remporter le Championnat du monde.

Le début de la compétition ne se déroule pas comme prévu et entre deux périodes dans le vestiaire, Keenan s'attaque au vétéran Mike Gartner devant ses coéquipiers. Les invectives de Keenan ne donnent pas l'effet escompté. Les vétérans ripostent pour défendre Gartner et un climat malsain s'installe. Le Canada terminera quatrième dans la zizanie. La sortie de Keenan aura été désastreuse et Dany Dubé retiendra la leçon pour le reste de ses jours.

Dubé occupe le paysage médiatique sportif au Québec depuis une douzaine d'années. D'abord comme chroniqueur sportif à Salut Bonjour, ensuite comme analyste des matchs du Canadien sur CKAC. Mais il demeure un entraîneur dans l'âme. Il vient de publier chez Ovation médias un recueil de pensées sur le métier d'entraîneur, consignées au fil des années. Il donne des exemples sur quoi faire, mais aussi sur quoi ne pas faire...

«Je ne voulais pas faire mal paraître Mike Keenan dans le livre, explique-t-il. À sa défense, toutefois, il était malade, il vivait une séparation difficile et il était à la recherche d'un nouveau contrat. Mais ça m'a marqué parce que ce qu'il a fait, je l'avais déjà fait dans les rangs juniors. Je me suis déjà planté en plantant un de mes joueurs. Et lorsque l'incident est survenu avec Keenan, je cherchais à changer mon approche. À l'époque, j'étais un entraîneur généreux mais impatient et colérique. C'était ma grande faiblesse. J'avais 25 ans et je ne savais pas comment exiger des choses de mes joueurs. C'était une époque où ce genre de comportement était répandu, mais ce n'était pas moi. Quand ma fille Marika est venue au monde, j'ai changé. On réalise que les jeunes qu'on dirige ont des parents. Je suis devenu plus souple.»

Dany Dubé est devenu entraîneur de hockey par hasard. Gardien de but avec les Cheminots de Saint-Jérôme, dans la Ligue collégiale AAA, il passe ensuite aux Patriotes de l'Université du Québec à Trois-Rivières. Après ses études en Éducation physique, il contemple une carrière dans le domaine de l'entraînement et du conditionnement physique. Entre-temps, Clément Jodoin accepte le poste d'entraîneur en chef à l'UQTR et se cherche un adjoint. Dubé est dans les parages, rencontre Jodoin, la chimie s'installe rapidement. Dubé obtient la place et en tirera un premier enseignement.

«La première chose qu'il m'a dite après mon embauche, c'était qu'il fallait bâtir un environnement. Je lui ai demandé comment on faisait ça. Il m'a répondu qu'on devait créer un endroit où il fait bon vivre parce que les joueurs vont passer beaucoup de temps là. Mais aussi un endroit où il y a des cadres et des règles à respecter. C'est comme à la maison. Quand on rentre, notre mère nous dit de ranger nos souliers. Dans notre vestiaire, c'est le préposé qui va nous dire comment accrocher notre équipement. Ce sont des détails, mais c'est l'ordre établi. Il faut aussi trouver les bons leaders pour avoir une ambiance positive.»

Le rôle de l'entraîneur est primordial pour que l'environnement reste sain. On semble d'ailleurs en être enfin rendu là dans la LNH. Les botteurs de poubelles et les grandes gueules ont laissé leur place aux stratèges et aux fins psychologues dans le hockey d'aujourd'hui, à quelques exceptions près. Mike Keenan n'a pas d'emploi tandis que Guy Boucher a vite été recruté par Steve Yzerman à Tampa.

«Cette méthode ne fonctionne plus, dit Dubé. On a le droit de s'indigner et de se choquer, mais ça doit être fait dans le respect des individus. La plupart des entraîneurs ont même d'ailleurs dépassé l'aspect tactique. La notion de psychologie est beaucoup plus présente et l'importance de bâtir un environnement sain, comme le faisait Clément Jodoin à l'époque, est reconnue. Il y a toujours un psychologue attaché à l'équipe chez le Canadien et on met de l'avant des stratégies pour favoriser l'esprit collectif en début de saison.»

Gérer, c'est coacher, ce livre de poche vendu à 5,99$, est constitué d'une série de courts paragraphes sur des thèmes précis. «Ce sont seulement des réflexions, il n'y a rien de scientifique là-dedans. Ça vient d'un cheminement personnel qui dure depuis mes débuts comme entraîneur, au début des années 90, mais j'ai commencé à répertorier ça pour les conférences en 2004. Le livre s'adresse à quiconque gère un groupe. Autant un entraîneur qu'un dirigeant d'entreprise, quelqu'un qui exerce son leadership. Il faut avoir une solide connaissance de soi-même et de son environnement, des convictions profondes et des croyances qui permettent de persévérer.»

Après le départ de Clément Jodoin pour la LNH, Dubé est devenu entraîneur en chef des Patriotes de l'UQTR. Puis il est passé à la LHJMQ à Trois-Rivières avant de se joindre au programme de Hockey Canada. Il a dirigé le Canada aux Jeux de Lillehammer en compagnie de l'actuel entraîneur des Oilers d'Edmonton, Tom Renney, avant de retourner à l'UQTR. Il accepte ensuite le poste d'entraîneur de l'équipe nationale de France mais quelques semaines avant le Championnat mondial, la Fédération est mise en tutelle et le contrat de Dubé annulé. Après une courte expérience avec les Screaming Eagles du Cap-Breton de la LHJMQ, et un flirt avec les Nordiques de Québec, qui lui préfèrent Marc Crawford, Dany Dubé se lance à fond dans sa carrière médiatique.

«Les planètes n'étaient pas alignées pour que je dirige un club de la LNH. C'était l'époque du déménagement des Nordiques, le lock-out, une rencontre au mauvais moment avec Réjean Houle alors qu'Alain Vigneault était déjà embauché, bref, le timing n'y était pas. À un moment donné, on arrête. C'était plus important d'être un père et un mari que d'être un coach. Si les choses s'étaient passées différemment, on aurait peut-être regardé les choses différemment. Mais on était en Nouvelle-Écosse, on était loin, on était fatigués, il y a des choses qui s'étaient passées en France, on avait besoin de se retrouver en famille.»

Jacques Lemaire ne se retrouve pas dans son recueil de pensées. Mais il demeure le modèle par excellence pour Dany Dubé. «D'abord pour la justesse de son analyse; son désir de garder les choses très simples dans le but d'obtenir le maximum d'efficacité. Je me souviendrai toujours, je l'ai rencontré une fois pour lui parler de son échec-avant. Je voulais savoir ce qu'il disait à son premier joueur en échec-avant. Il m'a répondu qu'il n'avait rien de spécial à lui dire: «C'est celui qui patine le plus vite, c'est tout ce qu'il a à faire. Ce sont les deux autres qui lisent le jeu et c'est à eux que je parle. Le premier n'a qu'à couper la glace en deux. Il n'a qu'à patiner.» Et moi qui, pendant des années, avait enseigné l'approche au porteur de la rondelle en échec-avant...»

D'autres modèles? «Tout le monde a un petit quelque chose. John Wooden a été une inspiration. Pat Riley aussi, au basketball. Pour son travail individuel auprès des joueurs importants. C'était la grande force de Jacques Demers. Riley faisait ça d'une façon différente, mais l'idée fondamentale était la même. À la fin de l'exercice, les joueurs qu'il choisit lorsque le match est en jeu doivent être meilleurs que leurs adversaires. C'est un privilège d'être utilisé dans de telles situations et il y a un prix. C'était sa façon d'opérer.»

Gérer, c'est coacher, vendu dans tous les bons magasins...