Il se passe des choses étranges au Centre Bell, et je ne parle pas seulement de la disparition d'Andrei Kostitsyn, ou des gardiens de but qui se croisent les bras à la manière de Run-DMC.

Je parle du choix des trois étoiles.

Cette saison, le privilège de choisir les trois étoiles du match est devenu un exercice public. Mon oncle Ti-Paul a bu deux ou trois Molson Ex de trop, mais il estime quand même que Jeff Halpern mérite la première étoile? Pas de trouble, son vote compte.

En fait, le vote de tout le monde compte, et c'est là la beauté de la chose, si vous voulez mon humble avis. On laisse ainsi croire au partisan que son opinion compte... et qui sait, peut-être qu'après ça, il ira dépenser 300$ à la boutique souvenir.

Tout cela est magnifique, bien sûr, mais les dérapages que l'on craignait ont fini par se produire. Par exemple, lors de leur victoire du 6 janvier au Centre Bell face aux Penguins de Pittsburgh, les gars du Canadien ont eu l'honneur de récolter les trois étoiles... dans un match qu'ils ont remporté en fusillade par la peau des fesses.

À ce chapitre, le Canadien a choisi d'innover. D'ordinaire, le choix des trois étoiles, c'est l'affaire des médias. C'est comme ça à Chicago et à Columbus, au Minnesota et à St.Louis, c'est comme ça à Tampa Bay aussi. Ce qui ne veut pas dire que des fois, les membres des médias ne sont pas dans le champ. Ça leur arrive.

Mais quand on laisse le choix aux partisans, on ouvre la voie à la partisanerie. Et dans une ville de hockey comme la nôtre, offrir les trois étoiles à des membres du CH dans une victoire difficilement obtenue en tirs de barrage, ça ne fait pas très sérieux. Parce que nous, on est censés connaître ça.

Heureusement, les joueurs prennent ça moins au sérieux que moi. Pas mal moins, en fait.

«Les trois étoiles, c'est probablement un concept qui est plus important à Montréal qu'ailleurs, m'a expliqué l'attaquant Travis Moen, qui a patiné à Chicago, Anaheim et San Jose avant d'arriver ici. Je trouve que c'est bien d'être reconnu pour son travail, mais si je ne reçois pas une étoile, ce n'est pas la fin du monde non plus.»

Roman Hamrlik a joué à Tampa Bay, Edmonton, Uniondale et Calgary avant d'atterrir ici. Son verdict?

«Le choix des trois étoiles, ce n'est pas important, de répondre le vétéran défenseur. Ce qui est important, ce sont les deux points de la victoire. Je vois bien que par ici, le choix des trois étoiles, c'est plus important qu'à Tampa Bay ou à Uniondale. Là-bas, ça ne voulait pas dire grand-chose.»

Tomas Plekanec m'a expliqué que les gars du CH plaisantent avec ça. «On fait des blagues là-dessus, de répondre le numéro 14. Des fois, quand un gars reçoit une étoile, on lui pousse une remarque juste pour rire dans le vestiaire... Mais on ne s'attarde pas à ça. En même temps, je trouve que c'est bon pour le spectacle et pour les fans, alors pourquoi pas?»

Plekanec ne se souvient pas d'avoir vu un tel concept dans sa République tchèque natale. «Les trois étoiles, ce n'est pas une tradition qui existe en Europe, je crois. En République tchèque en tout cas, ce n'est pas quelque chose qui se fait. Dans les rencontres internationales, souvent, on choisit un joueur du match pour chaque équipe. Mais il n'y a pas d'étoiles comme ici.»

Alors, pourquoi s'énerver avec ça? Comme je disais, c'est plutôt pour une question de réputation. Parce qu'on est à Montréal. Parce qu'on est capables de reconnaître les joueurs de talent, même quand ces joueurs portent le maillot adverse.

Et parce que quand la visite de Boston réalise que les trois étoiles vont à trois gars du CH suite à une dure victoire du Canadien par un seul but, alors là, on passe pour des gens qui ne connaissent pas leur hockey. Et y a-t-il pire insulte par ici? Je ne crois pas.

Ça ne veut pas dire qu'on devrait songer à jeter le concept des trois étoiles aux poubelles. Seulement qu'on devrait songer à le repenser juste un peu.