La Ville de Québec se paie un des amphithéâtres les plus coûteux en Amérique du Nord, calcule André Richelieu, spécialiste du marketing sportif à l'Université Laval. «Ça va coûter 22 000$ par siège. Seul le nouveau Yankee Stadium coûtera plus, avec 31 000$ par siège.» Pour un amphithéâtre de quatrième génération comme le nouveau Colisée, la moyenne serait de 10 000$ par siège. Même les nouveaux amphithéâtres de Dallas et de Pittsburgh sont moins onéreux (respectivement 15 000 et 18 000$ par siège).

Le professeur Richelieu n'était pas impressionné hier par l'annonce de Jean Charest et Régis Labeaume. «C'était une opération de relations publiques pour les Québécois et pour la LNH», a-t-il estimé. Selon une étude d'Ernst&Young commandée par Québec, une fois construit, le nouvel amphithéâtre serait rentable même sans équipe de la LNH. «Mais cette étude avait une marge d'erreur de 75%», a rappelé le professeur Richelieu. L'étude prévoit qu'un nouvel amphithéâtre permettrait d'accueillir 117 événements sportifs ou culturels par année, soit 32 de plus que dans le vieux Colisée. Le maire Labeaume utilise un chiffre plus prudent, soit 105. Mais c'est à peine assez, indique M. Richelieu. «C'est seulement à partir de 100 événements par année qu'un amphithéâtre commence habituellement à être profitable. Et ce n'est pas évident que Québec atteigne ce chiffre sans équipe de la LNH. Le marché est trop petit pour accueillir par exemple U2 ou Madonna, et la concurrence de Montréal n'aidera pas.»

Le fédéral muet

Régis Labeaume et Jean Charest espèrent encore que le gouvernement Harper change d'idée. Mais comme le financement est bouclé, Ottawa a-t-il encore un incitatif à participer? Oui, croit le ministre responsable de la région de Québec, Sam Hamad. Si le fédéral devait contribuer au projet, la Ville de Québec et le gouvernement provincial diminueraient leur investissement à parts égales.

M. Labeaume continuait de discuter hier avec la ministre des Affaires intergouvernementales, Josée Verner. Le gouvernement conservateur refuse encore de prendre position. Mme Verner répète qu'elle n'a toujours pas reçu le plan d'affaires chiffré du maire Labeaume.

«Ce que j'ai entre les mains, c'est du clipping de presse et le communiqué de presse conjoint du premier ministre et du maire Labeaume. Alors le maire Labeaume, à la suite de notre conversation (hier matin), s'est engagé à nous envoyer des documents afin qu'on puisse aller plus loin dans l'étude de ce dossier-là», a dit la ministre responsable de la région de Québec.

Depuis plusieurs mois, le gouvernement Harper répète qu'Ottawa ne mettra pas un sou dans ce projet sans une participation majeure du secteur privé. Il tient aussi à ce que ce projet soit «abordable» et rappelle qu'il devra être «équitable» envers toutes les régions. Pour sa part, le Bloc québécois soutient que le gouvernement fédéral a l'obligation de participer au financement du projet.

À Québec, pour une rare fois, les partis de l'opposition trouvaient peu d'arguments pour critiquer le gouvernement Charest. Le PQ et Québec solidaire saluent son investissement plafonné à 200 millions. «Mais il n'a pas vraiment fait grand-chose pour convaincre le fédéral de s'impliquer», a dit Agnès Maltais, responsable au PQ de la région de Québec. Amir Khadir qualifie l'annonce «d'électoraliste». «Il ne faudra pas remettre ensuite les revenus au privé. Le public ne doit pas être le dindon de la farce», a-t-il prévenu.

L'ADQ, qui s'opposait à un financement entièrement public, se faisait muette hier. Son chef Gérard Deltell était en Beauce. Il doit réagir aujourd'hui.