Nashville est la capitale du Tennessee. Nashville est surtout la capitale de la musique country, avec ses innombrables bars où se succèdent, du lever du soleil jusqu'au coucher de la lune, des musiciens qui rêvent d'être le prochain Johnny Cash, le prochain Willie Nelson, la prochaine Loretta Lynn.

Nashville n'est pas la capitale du hockey. Elle ne le sera jamais. Mais après une semaine passée à l'intérieur et autour du Bridgestone Arena, il faudrait être aveugle, sourd et surtout de très mauvaise foi pour ne pas souligner que Nashville - les amateurs de hockey l'ont rebaptisée «Smashville» - est certainement devenue la capitale du hockey dans le sud des États-Unis. Et que les partisans enthousiastes qui appuient les Predators avec une ferveur comparable à celle qui anime ceux de Montréal, de Boston ou de Philadelphie, aiment le hockey, tiennent au hockey et connaissent maintenant le hockey.

«Je n'en peux plus d'entendre des commentateurs associer le nom de Nashville aux villes qui ont de la difficulté, comme Atlanta et Phoenix. Leur réalité n'a rien à voir avec la nôtre. Le hockey est vivant et très fort ici», martelait le Franco-ontarien Steve Sullivan, croisé dans le vestiaire des Predators, mardi matin, au moment où la Mecque de la musique country se préparait en vue du troisième match de la série Predators-Canucks.

«Je vous assure que nos partisans sont aussi bons que dans les meilleures villes de la ligue. Je suis content qu'on affronte une équipe canadienne. La CBC est ici, vous êtes nombreux venus du Québec et ça va nous permettre de prouver à quel point le hockey est solide ici», a ajouté le hockeyeur originaire de Timmins, qui a découvert Nashville en 2004.

Après Paul Kariya et Peter Forsberg, les Predators ont donné un grand coup cet hiver pour mousser leur popularité en obtenant Mike Fisher, des Sénateurs d'Ottawa. Excellent joueur de hockey, Fisher est surtout le mari de la chanteuse country Carrie Underwood, première dame de Nashville. La présence du couple, et surtout de la chanteuse à la majorité des matchs locaux représente un attrait supplémentaire pour les amateurs de hockey de Smashville.

Changements radicaux

Si l'on se fie aux deux matchs disputés entre les Canucks et les Predators cette semaine, Sullivan avait raison. Pleinement!

Les avant-matchs grouillent d'activité autour de l'amphithéâtre. Il y a bien sûr de la musique. Il y a aussi des jeunes qui jouent au hockey-balle, mais aussi des plus vieux qui, en échange d'un don de 5$, peuvent asséner trois coups de masse sur une minoune aux couleurs des Canucks.

À l'intérieur du Brigestone Arena, on est loin des soirées moroses qui ont marqué les premières visites du Canadien après la naissance des Predators, en 1998. L'équipe a dû faire connaître le hockey. Après un hors-jeu, un dégagement refusé, une pénalité, des bandes vidéos étaient projetées sur l'écran géant pour expliquer aux partisans ce qui se déroulait sous leurs yeux pendant qu'ils faisaient la fête dans les gradins.

Aujourd'hui, c'est toujours la fête. Mais les bandes vidéos explicatives ont cédé la place à une animation aussi surprenante qu'amusante.

Lorsque Paul McCann - le Michel Lacroix des Predators - annonce la dernière minute de jeu à la fin d'une période, les 17 113 partisans répondent d'un trait: «Merci Paul!»

Lorsqu'il annonce le début d'une attaque massive pour l'équipe adverse, les mêmes 17 113 répondent à l'unisson: «Ils sont quand même pourris...»

Si, à Montréal, les buts du Canadien sont soulignés au rythme de U2, à Nashville, les 17 113 partisans joignent leur voix à celle de la grande vedette Tim McGraw, et chantent «I like it, I love it, I want some more of it...» en dansant dans des gradins transformés en véritable mer jaune: 99 partisans sur 100 ont vite fait d'endosser les t-shirts jaunes qui les attendaient sur leur siège.

Du jamais vu à Montréal...

Au-delà de la musique, de la fête, de l'animation qui fait sourire, les réactions des fans démontrent qu'ils savent vraiment ce qui se passe sur la glace.

Lorsque les arbitres ferment les yeux sur une infraction ou qu'ils sont trop sévères à l'endroit d'un des leurs, les partisans s'assurent de le faire savoir. Lorsqu'il y a un but, une solide mise en échec, ou un arrêt brillant de Pekka Rinne, les amateurs se lèvent bien sûr.

Mais ils se sont aussi levés pour ovationner Nick Spaling après que l'ailier eut plongé devant un tir pour aider la cause de son gardien.

Et c'est debout qu'ils suivent la fin des rencontres, après la troisième pause accordée au télédiffuseur.

Un emblème

«On est partis de loin, de très loin, mais nous sommes devenus une vraie bonne équipe, une vraie bonne organisation qui évolue dans une vraie bonne ville de hockey», lance l'ancien entraîneur-chef Terry Crisp, analyste des matchs des Preds depuis leur arrivée à Nashville.

Crisp a longtemps douté. Mais après sept ans, il a réalisé un changement qui a donné vie au hockey au Tennessee.

«Lors de notre septième saison à Nashville, le nombre de jeunes évoluant dans le hockey mineur est passé de 200 à 2000. J'ai aussitôt dit aux dirigeants de l'équipe qu'il fallait donner des billets à ces jeunes, car ils traîneraient leurs parents avec eux. Notre équipe s'est améliorée et, de fil en aiguille, nous sommes devenus l'une des attractions de la ville», a raconté Crisp, lors du premier entracte du match de jeudi.

Les succès d'aujourd'hui n'effacent pas tous les déboires des premières années. À un certain moment, les Predators étaient dans la mire de l'homme d'affaires canadien Jim Balsillie, qui les aurait sortis vite fait du Tennessee.

Mais si les gradins sont remplis - un revendeur demandait 300$ pour un billet pour le match de jeudi, et il l'a obtenu - les cotes d'écoute à la télé en saison régulière sont bien minces. Les succès en séries ont toutefois permis de les gonfler, mais on est loin des succès de RDS, TSN ou de CBC au Canada.

«Il n'y a plus de danger», assure Terry Crisp. Refusant de dévoiler sa source, l'analyste relate une conversation avec l'un des nouveaux propriétaires, pour appuyer sa prétention. «Il m'a raconté que ses comptables lui en voulaient d'avoir accepté d'embarquer dans l'aventure des Predators. Tous ses succès dans le monde des affaires pouvaient être minés par cette aventure dans laquelle il pourrait difficilement faire ses frais. Il m'a répondu qu'il n'avait pas acheté les Preds pour faire de l'argent, mais pour donner à la ville un emblème, un attrait touristique supplémentaire. Les Titans (NFL) sont tout en haut dans la liste de popularité. Les Predators rivalisent maintenant avec les grosses équipes de football et de basket des Universités du Tennessee et Vanderbilt. C'est énorme comme ascension. Ça prouve qu'on fait maintenant partie des moeurs sportives de la ville. Il ne reste qu'à gagner.»