Ce qu'il faut savoir avec Marc Denis, c'est qu'il n'est pas dupe. Vraiment pas. Il sait qu'on va l'attendre au tournant, brique dans une main, fanal dans l'autre. Il sait qu'il y aura des critiques, des mécontents, des commentaires assassins. Il sait tout ça. Ce siège d'analyste, après tout, vient souvent avec une cible peinte à l'arrière. «Mais ça ne me fait pas peur», lance-t-il d'emblée.

Marc Denis, donc. Ancien gardien de la Ligue nationale de hockey, le temps de 349 matchs. Ancien choix de premier tour de l'Avalanche du Colorado, en 1995. Retraité depuis la fin de la saison 2008-09. Et maintenant analyste aux matchs du Canadien, sur les ondes de RDS.

Au Québec, ce boulot-là est assez intense. L'analyste est lui-même analysé. Critiqué chaque jour. Bien sûr, on critique notre premier ministre, on critique nos maires. Mais pour celui qui analyse les matchs du CH à la télé, c'est encore pire. Lui, on le crucifie. Solide. Tapez «Benoît Brunet» sur Facebook, et c'est la page «Tayeule Benoît Brunet tayeule!» qui apparaît en premier. Plus de 32 000 personnes y sont abonnées. Et les commentaires qu'on y retrouve ne sont pas spécialement élogieux.

C'est là-dedans que Marc Denis a choisi de s'embarquer...

«Je considère que c'est un privilège, tient-il à préciser. Il va y avoir des critiques, je le sais. Des critiques mesquines, des critiques justifiées. Je vais tenter de faire plus de bons coups que de mauvais coups. Je n'ai pas un niveau d'expérience incroyable, mais j'ai une passion, et c'est cette passion-là que je vais essayer de communiquer.»

Marc Denis est arrivé au micro un peu par hasard. Retraité du hockey à 32 ans par la force des choses («on m'offrait seulement des contrats à deux volets, et je ne voulais pas de ça», rappelle-t-il), il a commencé par des chroniques au Quotidien de Chicoutimi, par des chroniques à la radio locale aussi, avant d'atterrir à RDS il y a deux ans.

«Ils m'ont appelé d'urgence quand Jacques Demers est devenu sénateur. J'étais à Chicoutimi, c'était la veille d'un match au Centre Bell, et il a fallu que je saute dans la voiture tout de suite. J'ai aimé ça, je me suis découvert une passion...»

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Le jeune homme de 34 ans aurait pu faire autre chose. Il aurait pu choisir de rester dans les arénas, peut-être pour travailler comme assistant quelque part sur la planète LNH.

Il aurait pu. Mais non. Pour le moment, le Montréalais préfère les caméras. Même si des fois, l'air frais des arénas lui manque un peu.

«Y'a des matins où c'est moins facile que d'autres. Pour un joueur, bien souvent, ça finit quand tu te fais tasser. Ceux qui ont la chance de se retirer en faisant une conférence de presse, c'est la minorité. Ça ne s'est pas passé comme ça pour moi... je n'ai même pas signé mes papiers de retraite! Je vais peut-être retourner dans le hockey un jour comme assistant. On verra bien, je ne mets pas une croix là-dessus.

«Mais là, j'ai juste hâte de commencer. Si on a pensé à moi pour ce poste d'analyste, c'est qu'on a aimé le travail que j'ai fait devant les caméras au cours des deux dernières saisons. Je vais être prêt.»

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Impossible, bien sûr, de ne pas lui parler de Benoît Brunet. Car Marc Denis s'amène dans un contexte un peu particulier: celui de succéder à un analyste qui a été la cible de critiques répétées au cours des dernières saisons. Critiquer Benoît Brunet, c'était presque devenu un sport national...

Qu'en pense celui qui se prépare à aller s'asseoir dans la même chaise?

«Je pense qu'il faut faire la part des choses. Il y a eu des critiques mesquines à l'endroit de Benoît. C'est drôle, parce qu'avant ça, c'était Yvon Pedneault. Tout le monde disait, oui, ce serait plaisant d'avoir un gars qui a déjà joué, qui a été sur la glace. Benoît est arrivé, il a été critiqué, et j'ai trouvé ça malsain. Les gens ne voulaient-ils pas d'un gars qui avait déjà joué? C'est sûr que c'est un poste très en vue. Tu ne peux pas faire l'unanimité.»

Il y a aussi qu'aujourd'hui, la critique arrive assez vite. «On n'est plus à l'époque de Gilles Tremblay; maintenant, avec les réseaux sociaux, les réactions sont instantanées. Moi, ce que je veux faire, c'est apporter une valeur ajoutée. Tout le monde voit qu'il y a eu un but, mais qu'est-ce qui s'est passé 10 secondes avant? C'est ça que je veux faire comprendre aux gens. Je veux les amener vers quelque chose qu'ils n'ont pas remarqué. Je suis loin d'être un artiste, et je ne suis surtout pas un journaliste. Je suis un analyste.»

Marc Denis le répète: pour lui, la qualité du français, c'est important. «Je vais faire des erreurs, c'est sûr. Mais le français, pour moi, c'est une source de fierté. Les "si" et les "rais", à la maison, ça ne passe pas.»

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Alors, ça va donner quoi? On verra bien, mais on peut parier sur quelque chose qui devrait ressembler à ceci: un analyste travaillant, bien préparé, qui va s'en tenir à ce qui se passe sur la glace. Ceux qui veulent des potins et des rumeurs devront aller voir ailleurs.

Aussi, Marc Denis promet d'être critique. Pas méchant. Juste critique.

«Je ne vais pas me mettre dans la tête des joueurs et leur prêter des intentions. RDS a engagé un ancien joueur, et ils le savent. Si un gars sur la glace prend une mauvaise décision, je vais le dire. Mais je ne vais pas m'attaquer à lui personnellement.»

Dans le fond, le défi de Marc Denis est là: dire les «vraies affaires», oui, mais le faire sans blesser personne... et le faire de façon à ce que les milliers d'amateurs à l'écoute aient l'impression d'apprendre quelque chose.

Non, il ne s'agit pas d'un travail si facile. Ceux qui sont passés par là avant lui en savent quelque chose.