Erik Cole a décroché le gros lot lorsqu'il a signé un contrat de quatre ans qui lui rapportera 18 millions de dollars, l'été dernier. La richesse et la gloire d'une Coupe Stanley inespérée en 2006 n'ont pourtant pas changé l'attaquant du Canadien de Montréal, qui demeure profondément attaché à ses racines américaines, 10 ans après ses débuts dans la LNH.

L'avion nolisé des Hurricanes de la Caroline, en route vers Edmonton, s'apprête à atterrir à Des Moines, Iowa, pour faire le plein.

Des Moines, c'est l'endroit où, durant sa saison dans la USHL, 10 ans plus tôt, le rêve a pris forme pour Erik Cole. C'est là que, pour la première fois de sa vie, des recruteurs de la Ligue nationale sont venus le voir jouer.

En ce jour de juin 2006, alors que les Hurricanes pensent à la victoire qui leur manque pour soulever la Coupe Stanley, Cole rêve encore. Il vient de voir son coéquipier Doug Weight tomber au combat et il a des idées plein la tête.

L'ailier droit s'entraîne avec ses coéquipiers, mais la mise en échec que lui a administrée Brooks Orpik le 4 mars a mis fin à sa saison. Du moins, c'est ce que les médecins lui ont dit pendant la finale d'association après avoir consulté les résultats du dernier scanner.

«Ils m'ont dit qu'ils fermaient les livres pour le reste de la saison, se souvient Cole. C'était difficile à digérer.»

Les turbulences de l'avion n'inquiètent plus celui qui, quelques semaines plus tôt, portait encore un collet cervical. Lorsque l'appareil s'immobilise enfin sur le tarmac, des joueurs descendent pour se délier les jambes et prendre des nouvelles de la maison. L'entraîneur-chef Peter Laviolette en profite lui aussi pour passer un coup de fil.

Cole se dirige alors vers l'avant de l'appareil et se penche vers l'entraîneur-adjoint Jeff Daniels.

«Demande à Lavy si la blessure à Dougie signifie que je joue dans le sixième match», lui dit-il simplement.

À peine cinq minutes plus tard, Laviolette rejoint Cole à son siège. Une possibilité qui avait été évacuée quelques semaines plus tôt renaît dans l'esprit de l'entraîneur-chef.

Elle n'avait jamais quitté celui de Cole.

Laviolette lui demande à quand exactement remonte son dernier scanner. Rapidement, l'équipe s'organise pour qu'il en passe un nouveau. À la surprise des médecins, ce dernier test donnera le feu vert à son retour au jeu. Tout juste à temps pour la conquête de la Coupe Stanley.

Ces jours-là sont pour Cole une victoire dans une victoire.

«Je suis revenu bien plus tôt que prévu. Si je n'avais pu jouer, ce championnat n'aurait pas eu la même saveur.»

Aucun modèle à suivre

Quand le blizzard se lève sur Oswego, sur les rives du lac Ontario, tout s'efface. Autant la petite ville portuaire de l'État de New York met ses plus beaux atours en été, autant elle se camoufle derrière les rigueurs de l'hiver.

Le petit Erik n'aime rien de mieux que de courir dans la cour de l'école. Mais quand le vent est trop mordant, on le retrouve parfois à la bibliothèque municipale. Et le plus souvent à l'aréna.

«C'était un rêve bien lointain pour moi d'atteindre la LNH, se rapplle Cole. Je n'avais aucun exemple à suivre sur la façon de m'y rendre. Personne à Oswego ne l'avait fait.»

Ça a commencé comme ça commence souvent. Un petit garçon qui veut jouer avec son grand frère. Peu importe le sport ou la saison, Cole reste près de Quentin, de six ans son aîné. Il tente de suivre le rythme imposé par les amis de son frère.

Parmi eux, un certain Greg Callen.

«Il ne faisait pas de compromis même si j'étais plus jeune, raconte Cole. Il m'a beaucoup aidé à aiguiser mon sens de la compétition.»

Lorsqu'il peut mettre la main sur un chandail de hockey et choisir son numéro, Cole va systématiquement vers le 66.

Il est encore loin de se douter qu'il affrontera un jour Mario Lemieux, son idole. Ou qu'il sera le coéquipier de Ron Francis et Tom Barrasso, deux membres des glorieux Penguins de Pittsburgh du début des années 90.

Les yeux sur Clarkson

Les Cole n'ont pas les moyens d'envoyer leur adolescent dans une prep school. Le junior est la seule option qui s'offre à Erik. Mais on ne parle pas ici du junior majeur. Plutôt d'un circuit Junior B, en Ontario, où le capitaine de l'équipe de Gananoque est marié et a un enfant.

«Moi, j'avais 16 ans et je m'inquiétais de mes notes en histoire des États-Unis», dit Cole en riant.

À ce moment-là, il n'a pas encore pris la mesure de son talent et ignore s'il a ce qu'il faut pour aller jusqu'au bout. Ce n'est que l'année suivante, lorsqu'il s'exile à Des Moines pour rejoindre les Buccaneers, dans la USHL, que tout s'enflamme.

«C'est la première année au cours de laquelle j'ai été confronté à un calibre de jeu relevé, souligne Cole. Quelques universités ont alors manifesté de l'intérêt, mais j'attendais l'appel de l'Université Clarkson. C'est là que je voulais aller.

«Sauf que le jour où le représentant de Clarkson est finalement venu me voir jouer, je me suis battu et j'ai été expulsé du match après sept minutes seulement dans la rencontre. Je me sentais tellement mal!»

Cole met les choses au clair avec les gens de Clarkson: il n'ira pas là simplement pour profiter d'une bourse d'étude. Il mise sur sa scolarité pour avoir d'autres voies alternatives si ça ne débloque pas au hockey.

«Ça a toujours été important pour moi de rester orienté vers le côté universitaire puisque je n'ai jamais été certain d'atteindre la LNH», explique-t-il.

Photo: Bernard Brault, La Presse

Le défricheur

À mi-chemin dans ses études en affaires (il obtiendra son diplôme avec une moyenne de 87%), Cole est sélectionné par les Hurricanes en troisième ronde du repêchage de 1998. Pour la majorité des joueurs, Raleigh n'est pas exactement un endroit de prédilection. Mais le grand ailier droit n'est pas rebuté à l'idée de jouer là-bas. Sa soeur habite la ville depuis 1995.

«Mes amis et moi allions chez elle durant le spring break. Plus jeune encore, mes parents nous emmenaient à la plage en Caroline. Alors quand je suis arrivé dans la LNH, ça a tout de suite été un environnement dans lequel j'ai été l'aise.

«Et en plus, on a atteint la finale dès ma première saison!»

Les années passent, Cole cimente sa place dans la LNH et il se bâtit la réputation d'un attaquant de puissance intrépide et capable de profiter des occasions. Les amateurs du Tricolore le prennent en grippe et rêvent en secret de le voir changer de camp.

De Gananoque à Raleigh en passant par Des Moines, une chose inchangée: son attachement à sa ville natale. Cole réalise qu'il est devenu une sorte de défricheur pour les jeunes hockeyeurs de son patelin. Qu'il a cartographié une façon de se rendre à la Ligue nationale. Peu à peu, il se met dans l'idée de refaire le chemin en sens inverse.

«C'est important pour moi de retourner à la maison et de démontrer aux jeunes à quel point le rêve peut devenir réalité», dit-il.

Donner au suivant

La ville d'Oswego a pris son expansion durant la guerre civile américaine. C'était l'époque du «chemin de fer clandestin», ce réseau d'infrastructures et de militants qui a permis à de nombreux Noirs d'échapper à l'esclavage.

«Il est resté de cette époque plusieurs bâtiments et des maisons pleines de sous-sols secrets et de placards à double fond. C'est le cas de la bibliothèque d'Oswego, qui a été cataloguée comme l'un des édifices patrimoniaux à sauvegarder dans l'État de New York», raconte Cole.

Durant ses années à Raleigh, Cole se lie d'amitié avec un homme spécialisé dans la restauration d'édifices, lui aussi originaire d'Oswego. C'est lui qui décroche le contrat de la bibliothèque d'Oswego.

«Pour aider à financer la restauration, je me suis engagé à verser 1000 $ par point que j'inscrivais, et je mettais au défi les entreprises locales d'égaler ma mise. Ça a très bien fonctionné.»

Cole couronne sa démarche de belle façon, en 2006, lorsqu'il apporte la Coupe Stanley à Oswego. Fort de ce succès, il décide d'entreprendre une autre collecte de fonds l'année suivante, cette fois au profit du hockey mineur local.

«Quand j'étais plus petit, si un jeune n'avait pas les moyens de payer, il y avait toujours moyen de s'arranger. Des équipements - entre autres celui de gardien - changeaient de main selon les besoins de chacun. Mais les coûts reliés à la pratique du hockey sont devenus très élevés et c'est ce qu'on a voulu atténuer.»

Après une première année chaotique qui lui a permis de recueillir près de 30 000 $, Cole et son épouse Emily ont structuré leur initiative en mettant sur pied la fondation «Dream Big».

Mais celle-ci ne fait pas que dans le hockey. Elle soutient également des causes comme celle de Greg Callen, cet adolescent qui ne faisait pas de quartier à Erik lorsqu'ils jouaient au hockey bottine.

«Greg a eu un accident qui l'a rendu paraplégique et qui l'a confiné à un fauteuil roulant, raconte Cole. Après quelques années difficiles, il a mis sur pied l'organisme Move Along, qui coordonne des activités pour stimuler les handicapés physiques. C'est devenu l'un des bénéficiaires de Dream Big.»

C'est le rêve qui a permis à Erik Cole d'atteindre la LNH. C'est le rêve qu'il veut maintenant entretenir chez les autres.

C'est le message tout simple d'un homme qui n'a pas oublié d'où il venait.

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Photo: Alain Roberge, La Presse

6 DATES DANS LA CARRIÈRE D'ERIK COLE

27 juin 1998: Erik Cole est repêché par les Hurricanes de la Caroline en troisième ronde (71e choix au total).

9 novembre 2005: Cole devient le premier joueur de l'histoire de la LNH a obtenir deux tirs de pénalité durant le même match. Il déjoue Martin Biron, des Sabres de Buffalo, une fois sur ces deux tentatives.

4 mars 2006: Cole subit une fracture d'une vertèbre cervicale à la suite d'une mise en échec de Brooks Orpik, des Penguins de Pittsburgh. Il revient au jeu le 17 juin pour le sixième match de la finale de la Coupe Stanley. Le 19 juin, il soulève la Coupe au terme de la victoire des Hurricanes sontre les Oilers d'Edmonton, lors du septième match.

1er juillet 2008: Cole est acquis par les Oilers en échange de Joni Pitkanen. Il retourne aux Hurricanes le 4 mars 2009 en échange de Patrick O'Sullivan - acquis le même jour par les Canes - et d'un choix de deuxième ronde. Le 1er juillet 2009, les Canes prolongent son contrat pour deux saisons et 5,8 millions.

5 décembre 2009: Cole inscrit un sixième tour du chapeau à vie. Il réussit l'exploit devant ses partisans, à Raleigh, contre les Canucks de Vancouver.

1er juillet 2011: Cole signe un contrat de 4 ans et 18 millions avec le Canadien.

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3 CHIFFRES À RETENIR

10: Erik Cole, qui célébrera son 33e anniversaire dimanche, en est à sa 10e saison dans la LNH. Il a aussi porté l'uniforme du Eisbaren Berlin pendant le lock-out de 2004-2005, récoltant 27 points en 39 parties.

25: Au fil de sa carrière, Cole a amassé 25 points en 28 matchs contre le Canadien, son plus haut total contre une équipe n'appartenant pas à la division Sud-Est, dans laquelle il a longtemps joué avec les Hurricanes de la Caroline. Pas étonnant qu'il ait été considéré comme l'une des pires bêtes noires du CH!

44: Des 186 buts de Cole depuis le début de sa carrière, 44 ont été marqués en supériorité numérique. On a fait nos devoirs: ça représente près du quart de tous ses buts...

Photo: Reuters

Erik Cole a remporté la Coupe Stanley avec les Hurricanes de la Caroline en 2006.