Le nom d’Angela Gorgone était enterré profondément dans la mémoire collective du petit monde du hockey. Il a pourtant refait surface dans l’actualité, lundi, pour deux raisons. L’une réjouissante. L’autre, franchement moins.

En acceptant le poste de directrice générale adjointe des Canucks de Vancouver, la Québécoise Émilie Castonguay a succédé à Gorgone, première femme à avoir accédé à un poste aussi élevé dans la LNH. Voilà pour la portion positive de l’anecdote. Ce qui est un peu gênant, c’est que c’était aussi la dernière. Et que c’était il y a un quart de siècle.

Lorsqu’ils se sont joints à la LNH en 1993, les Mighty Ducks d’Anaheim étaient résolument l’équipe cool de l’heure. Il tombait donc sous le sens que ce soit cette franchise qui donne sa chance à une femme dans un poste important aux opérations hockey.

Après quelques saisons passées dans l’organisation des Devils du New Jersey, où elle occupait un emploi d’ordre administratif, Gorgone a donc déménagé ses pénates en Californie pour devenir coordonnatrice du recrutement des puissants canards. Trois ans plus tard, à l’aube de la saison 1996-1997, elle a été promue au titre d’adjointe au directeur général Jack Ferreira. Du jamais-vu.

La Presse a pu s’entretenir avec Mme Gorgone, lundi. Celle qui a quitté le hockey depuis des années a totalement changé de carrière. Elle est aujourd’hui propriétaire d’une pâtisserie en banlieue de San Francisco.

C’est d’ailleurs par la page Facebook de Bake My Day que nous l’avons retracée. Et on peut affirmer sans se tromper que la nomination d’Émilie Castonguay a bel et bien fait sa journée.

« Je suis survoltée ! a-t-elle dit d’emblée. Ce n’est facile pour personne, surtout pas pour une femme, d’accéder aux échelons les plus élevés de la LNH, alors j’applaudis cet accomplissement. Je lui souhaite toutes mes félicitations. »

Croire en elles

Les parcours d’Angela Gorgone et d’Émilie Castonguay, s’ils convergent vers le même point, ne se ressemblent pas vraiment.

Gorgone avait la jeune vingtaine quand elle a accepté son premier boulot chez les Devils, après des études en administration du sport. Elle a appris les rouages du métier au sein des organisations qui l’ont employée. Castonguay, elle, a fait des études en finances et en droit et a fait sa place comme agente de joueurs respectée avant de se joindre aux Canucks. Elle est aujourd’hui dans la fin de la trentaine.

Là où les deux histoires sont identiques, c’est que, dans un monde quasi exclusivement masculin, des dirigeants ont cru en elles.

Gorgone les énumère volontiers : Lou Lamoriello, Max McNab et Marshall Johnston chez les Devils ; Jack Ferreira et Pierre Gauthier chez les Mighty Ducks ; et David Poile, directeur général des Predators de Nashville, qui l’a nommée directrice des opérations hockey lorsque l’équipe s’est installée dans la ville du country, en 1997.

Toutes ces personnes, rappelle-t-elle, « ont été suffisamment avant-gardistes pour regarder au-delà du fait que j’étais une femme et se sont concentrées sur ma capacité à faire le travail ».

Elle se réjouit aujourd’hui que plus de femmes occupent des rôles de prestige dans la LNH. Elle cite spontanément en exemple Cammi Granato et Alexandra Mandrycky, respectivement dépisteuse professionnelle et directrice, stratégie et recherche, chez le Kraken de Seattle, ainsi que Hayley Wickenheiser, directrice sénior du développement des joueurs chez les Maple Leafs de Toronto.

Elle se dit néanmoins « surprise » qu’il ait fallu « 25 ou 30 ans pour que les femmes commencent à être considérées dans des postes aux opérations hockey comme ceux-là ».

Je ne veux pas parler pour Émilie ni pour personne d’autre, mais je parie qu’aucune d’entre nous n’a jamais eu comme but d’être la première femme à faire ceci ou cela dans la LNH.

Angela Gorgone

« Comme les hommes avant nous, nous étions passionnées par le hockey et avions la détermination d’en faire une carrière. On ne l’a pas fait pour la célébrité et surtout pas pour l’étiquette d’être une femme dans ce sport. Comme n’importe qui d’autre, nous voulions juste avoir la chance de prouver qu’on est à la hauteur. »

Lentement, mais sûrement, c’est ce qui est en train d’arriver. Enfin, pourrions-nous ajouter.