On sait à quel point la foule du Centre Bell peut être impitoyable. Mais quand elle aime, elle aime pour vrai.

Parlez-en à Samuel Montembeault. Déjà qu’il a le sourire facile, il n’allait pas rester de glace devant les « Monty ! Monty ! » qui ont muté en « Mon-tem-beault ! Mon-tem-beault ! » en deuxième période, alors que les joueurs des Jets de Winnipeg se passaient allègrement la rondelle en zone du CH et que le gardien offrait une clinique de déplacements latéraux.

En dépit de la défaite de 4-2 de son club, le grand gaillard a avoué qu’il était « vraiment spécial » d’entendre ainsi son nom dans les hauteurs du Centre Bell. À plus forte raison que ce même nom n’a pas été prononcé souvent par ses entraîneurs au cours des dernières semaines.

Montembeault vit résolument, à l’instar de toute son équipe, une saison étrange. Quand l’ex-directeur général Marc Bergevin l’a réclamé au ballottage tout juste avant le début de la campagne, il était évident que c’était pour en faire l’adjoint de Jake Allen pendant l’absence de Carey Price. La répartition des tâches n’a laissé aucune ambiguïté : le vétéran a obtenu 14 des 16 premiers départs de la saison avant de se blesser. À son retour, il a obtenu huit des neuf suivants avant de s’absenter de nouveau. Et à son plus récent retour, au terme d’une longue convalescence, il a amorcé 11 des 12 matchs du CH.

En additionnant ces trois intervalles, il a été le gardien le plus occupé de la ligue. En ajoutant à cette somme le match du 12 janvier, au retour des Fêtes, pendant lequel il s’est blessé, on constate que, lorsqu’il était en santé, Jake Allen a obtenu 34 départs sur une possibilité de 38. Pendant ce temps, Montembeault attendait patiemment son tour. Les malchances d’Allen sont devenues une occasion pour son partenaire : le voilà à 26 départs.

Le Québécois est le premier à le souligner : il vit « une année bizarre », alternant entre de longues semaines sans jouer et des pics d’utilisation à profusion. Une situation « rock’n’roll », a-t-il convenu.

Tout cela dans un contexte où tout le monde ne parle plus que de Carey Price, qui semble tout près d’un retour au jeu. Pas besoin d’une longue démonstration pour comprendre que si Price gagne son pari de jouer d’ici la fin du mois, le bout du banc attend de nouveau Montembeault.

Attirer l’attention

Le gardien est sans contrat à la fin de la saison, lui qui deviendra joueur autonome avec restrictions – avec droit à l’arbitrage. Le Canadien gardera donc ses droits sur lui.

S’il advenait que la direction décide de garder Price et Allen pour amorcer la saison prochaine, il serait le gardien de trop. Même si rester à Montréal est sa « première option », il espère que d’autres dirigeants « [l]’ont vu ». La date limite des transactions a beau être passée depuis un moment, les dépisteurs sont encore nombreux au Centre Bell.

Ce dont Montembeault ne manque pas, c’est du soutien de ses coéquipiers. « Il a tout traversé, a dit Josh Anderson après la rencontre de lundi. Il s’est retrouvé dans une position difficile depuis le début, [mais] il a tenu le coup toute l’année. Il s’est grandement amélioré. Ce soir, il a été phénoménal. Samedi aussi [en relève à Jake Allen]. »

« On peut voir qu’il a de plus en plus confiance en lui, a ajouté Brendan Gallagher. Seulement en deuxième période, il a fait deux ou trois arrêts sur des jeux où le tireur s’attend à marquer. Il nous a donné une chance chaque soir. »

Franchise

La dernière remarque de Gallagher est exacte. Montembeault a certainement eu quelques contre-performances, mais son taux d’efficacité de, 915 à cinq contre cinq le place précisément dans la médiane des 68 gardiens de la ligue ayant disputé 500 minutes et plus depuis le début de la saison. Et ce, en dépit du fait qu’il joue pour une équipe de fond de classement et qu’il affronte, soir après soir, un nombre de tirs dangereux parmi les plus élevés de la ligue, selon l’estimation du site Natural Stat Trick.

Cela n’a pas empêché Martin St-Louis d’y aller d’une déclaration d’une franchise désarmante à son endroit. Interrogé à savoir pourquoi Jake Allen avait obtenu le filet sans relâche au cours du dernier mois, et ce, en dépit de la position de son équipe au classement, l’entraîneur-chef a dit ceci : « Je pense que quand on le mettait dans le filet, il nous donnait la meilleure chance de gagner. » Il a par ailleurs précisé que le calendrier était plus aéré, récemment – ce qui est vrai. Et qu’Allen « était en santé et avait de l’énergie ».

Plus élogieux, il a salué le bon travail de Montembeault, « excellent » contre les Jets, qui a donné « une grosse chance » de gagner à son équipe. « Je ne suis pas surpris », a-t-il ajouté.

Deux choses à retenir, ici. D’abord, Samuel Montembeault ne semble pas, à moins d’un revirement draconien de posture de la direction, le gardien d’avenir de l’organisation. Ensuite, Martin St-Louis n’est pas là pour se faire des amis. En matinée, lundi, il a vanté les qualités et la progression de Jesse Ylönen ; après le match contre les Jets, le Canadien a annoncé que le Finlandais était cédé au Rocket de Laval.

Ce n’est pas un défaut, remarquez. Cette gestion nettement plus froide que celle de l’administration précédente peut être déstabilisante. Mais elle laisse surtout croire, en tout cas pour l’instant, que les yeux sont vissés sur l’objectif de rebâtir un club gagnant. Même si ça implique de donner un peu moins d’amour à certains soldats, pourtant vaillants, comme Samuel Montembeault.

La balle est donc dans le camp du gardien, qui doit encore démontrer qu’il appartient hors de tout doute à la LNH, et ce, pour longtemps. À Montréal ou ailleurs.

Dans le détail

Les limites de Pitlick

PHOTO ERIC BOLTE, USA TODAY SPORTS

Rem Pitlick

Est-ce simplement une mauvaise séquence passagère, ou la preuve que le Wild savait ce qu’il faisait en le cédant au ballottage ? Il faudra un peu de recul avant de se prononcer, mais Rem Pitlick connaît ses moments les plus difficiles depuis son arrivée avec le Canadien, il y a trois mois. Il a terminé le match de lundi avec une fiche de - 2, et affiche - 5 à ses quatre dernières sorties. Sur la patinoire, ça donne un joueur qui perd plusieurs batailles individuelles ou qui se fait sortir du jeu par Morgan Barron, ce qui a mené tout droit au deuxième but des Jets. En zone offensive, on l’a trop souvent vu laisser passer des occasions de tirer afin de tenter la passe parfaite, qu’il n’a jamais pu réussir. L’accumulation de tels jeux lui a fait perdre sa place aux côtés de Nick Suzuki et de Cole Caufield, ce qui équivaut, dans l’organigramme du Canadien, au terrain Promenade au Monopoly. Josh Anderson l’y a remplacé. L’utilisation de Pitlick sera à suivre dans les prochains matchs.

Le frère de l’autre

Justin Barron est blessé et a donc raté la chance d’affronter son grand frère dans la Ligue nationale pour la première fois. Les retrouvailles ratées n’ont toutefois pas semblé arrêter Morgan Barron. L’attaquant format géant s’est éclaté en compagnie de Paul Stastny et de Nikolaj Ehlers, dans ce qui a été le trio le plus dominant de ce match, d’un côté ou de l’autre. Barron a inscrit un but et une aide et aurait pu quitter le Centre Bell avec un point ou deux de plus, n’eût été le brio de Samuel Montembeault. Moins connu que son jeune frère, Morgan Barron a été un lointain choix de 6e tour, 174e au total, en 2017, et est passé aux Jets dans la transaction qui a envoyé Andrew Copp aux Rangers de New York en mars. Prolifique marqueur dans la Ligue américaine (20 buts en 51 matchs), il a maintenant une chance de prouver sa valeur dans un rôle offensif dans la LNH, en l’absence de Mark Scheifele et de Blake Wheeler. À lui de saisir sa chance.

Harris gagne en confiance

Jordan Harris est du genre à laisser une bonne première impression, du moins dans ses interactions sociales, grâce notamment à son sourire contagieux. Sur la glace aussi, il trouve le moyen de se faire aimer rapidement. Tôt dans le match, il a fait rugir les spectateurs et rager Neal Pionk au cours d’une présence inspirée qui a permis à son équipe de s’installer en zone offensive. Plus tard, on l’a vu tenir tête à Zach Sanford, un client à la fois costaud et fougueux, de même qu’au très agile Nikolaj Ehlers. C’est sans oublier qu’il aurait pu avoir une chance en or de marquer son premier but dans la LNH, mais Mason Appleton a gâché le projet en y allant d’un plongeon bien calculé pour intercepter la passe. Harris s’est retrouvé dans la rotation des malheureux en défense jeudi dernier au New Jersey, mais de la façon dont il a joué, il a l’air d’un gars qui ne tient pas à regarder un autre match en compagnie des éminents journalistes sur la passerelle. Qui peut l’en blâmer ?

Ils ont dit

Même quand ça allait très mal cette année, les gens qui nous arrêtent dans la rue sont positifs. Peut-être que sur les réseaux sociaux, il y a une certaine perception, mais en personne, les gens nous soutiennent. Donc je ne suis pas surpris de la réaction de la foule, mais on l’apprécie. Ça n’a pas été l’année la plus facile, mais ce soutien, on ne peut pas s’en plaindre.

Brendan Gallagher

Ce n’est pas facile de revenir de l’arrière, surtout à cinq contre cinq, quand ils défendent bien la ligne bleue et qu’ils nous forcent à dégager. Leur gardien est très bon pour aller chercher les rondelles. Il aurait fallu dégager un peu plus fort.

Martin St-Louis

J’ai toujours été un joueur qui joue en ligne droite. Martin [St-Louis] m’a dit de faire attention aux détails, de changer ma vitesse dans les moments où je n’ai pas besoin d’y aller à fond de train. C’est la LNH, tu n’as pas toujours besoin d’arriver à pleine vitesse. Ça m’a beaucoup aidé.

Josh Anderson

Je ne veux pas que Josh Anderson arrête de patiner. Mais il y a des moments où il peut ralentir et d’autres moments où il peut utiliser sa vitesse. Tu prends l’information devant toi, tes coéquipiers, mais aussi l’autre équipe, les joueurs devant toi, comment ceux derrière patinent. Si t’as juste le plan d’aller vite, tu vas manquer des occasions, tu vas en laisser sur la patinoire. Ceux qui comprennent ça, leur production va monter.

Martin St-Louis

En hausse

Joel Armia

Christian Dvorak et lui développent une complicité évidente. Il a inscrit un deuxième but en trois matchs et a bien paru tout au long de la rencontre.

En baisse

Corey Schueneman

Le défenseur est à son meilleur lorsqu’il joue le plus simplement possible. Une passe hasardeuse devant son gardien aurait pu connaître un dénouement funeste en première période. Pas un grand match de sa part.

Le chiffre du match

41,9 %

En retirant Christian Dvorak du calcul, les joueurs de centre du Canadien n’ont remporté que 41,9 % (18 sur 44) de leurs mises au jeu. C’est mince.