Sheldon Kennedy est un homme occupé. « On ne visite pas les 32 équipes de la Ligue nationale », a-t-il rappelé. Mais lundi, il était au camp de développement du Canadien.

Kennedy, c’est cet ancien joueur victime d’agression sexuelle au niveau junior, qui a ensuite cofondé le Groupe Respect, une entreprise qui offre des formations sur l’intimidation, les abus, le harcèlement, la discrimination et le respect.

Le Groupe Respect était ici pour offrir une formation en personne, une initiative qui retient évidemment l’attention avec la présence de Logan Mailloux à Brossard cette semaine.

Kennedy et Bruno Gervais, un autre ancien joueur impliqué au sein du Groupe Respect, ont donc rencontré plusieurs espoirs du Canadien, dont Mailloux. Gervais en est ressorti impressionné.

PHOTO TIRÉE DU COMPTE TWITTER DU GROUPE RESPECT

Sheldon Kennedy et Bruno Gervais, du Groupe Respect

« Ça m’a jeté à terre à quel point il est groundé, a lancé Gervais, en mêlée de presse. C’est encore un sujet fragile, c’est normal, mais il en parle, et le travail qui vient de lui-même, c’est impressionnant.

« Il prend un négatif et essaie de le tourner en positif. Je lui souhaite une longue carrière, mais il aura une plus longue vie après sa carrière. Il sera un humain, donc s’il peut continuer à avoir un impact positif… Il a fait une erreur, il a été transparent, il a été jugé sur la place publique. Il peut être une inspiration. C’est peut-être lui qui va en pogner un par l’épaule et qui va le ramener avant qu’il soit trop tard. Sa maturité m’a impressionné. »

Kennedy a lui aussi rencontré celui que le Tricolore a repêché au premier tour (31e au total) en 2021 et a eu droit à ce qu’il a qualifié de « très bonne conversation ».

« On a pu communiquer au sujet des enjeux et en soi, c’est gros. Trop souvent, on ne peut pas parler de ces problèmes, les gens ne savent pas d’où partir. C’était une discussion saine. Je souhaite du succès à Logan, j’espère qu’il continuera à apprendre. »

Le message de Gervais

L’avenir de Mailloux avec le Canadien demeure nébuleux. Sa présence au camp de développement est un signe encourageant pour le jeune homme, qui n’avait pas été invité au camp d’entraînement en 2021, en conséquence du crime de nature sexuelle qu’il avait commis en 2020 en Suède, quand il avait 17 ans.

Il n’a toujours pas de contrat et Kent Hughes, directeur général du Canadien qui a hérité de Mailloux au sein de sa banque d’espoirs, a affirmé, en mai, qu’il n’avait pas l’intention de lui accorder un contrat cet été. « Logan est encore en évaluation, moins comme joueur de hockey que comme personne, comme membre d’une communauté », avait-il expliqué.

PHOTO OLIVIER JEAN, LA PRESSE

L’avenir de Logan Mailloux avec le Canadien demeure nébuleux.

Le Canadien a jusqu’au 31 mai 2023 pour s’entendre avec Mailloux, à défaut de quoi le défenseur redeviendra admissible au repêchage. Une suspension de trois mois de la Ligue junior de l’Ontario et une blessure à une épaule qui a mis fin prématurément à sa saison ont fait en sorte qu’il n’a joué que 12 matchs la saison dernière.

Bref, sur le simple plan du hockey, la décision ne sera pas simple. Mais du point de vue humain, Gervais souhaite que Mailloux ait droit à une autre chance. Cette saison, à London, l’Ontarien a notamment suivi une thérapie, de même qu’un plan avec une conseillère en développement scolaire et personnel.

« On est rapides à vouloir jeter des joueurs aux oubliettes, pas juste Mailloux, a affirmé l’ancien défenseur. Si on se contente de les jeter aux oubliettes, on n’avancera pas comme société. Beaucoup de gens ont une opinion rapide, mais n’ont pas la moitié de l’éducation que Mailloux a eue et le travail qu’il a fait. Ce n’est pas pour excuser le geste. Mais après, on peut avancer. »

Des joueurs à éduquer

Au moment où la mêlée de presse achevait, une demi-douzaine d’espoirs du Canadien se présentaient dans la salle de conférence. Mailloux était du nombre. Le premier écran d’une présentation PowerPoint apparaissait sur un projecteur.

« Une chose qu’on entend souvent, c’est que ces jeunes n’ont jamais eu d’éducation là-dessus, a rappelé Kennedy. Si on demandait aux joueurs la définition d’une agression, de l’intimidation, de la discrimination et du harcèlement, quelles sont leurs chances d’obtenir les bonnes réponses ? Pas très élevées. Mais on s’attend à ce qu’ils soient bons. Il faut d’abord éduquer les joueurs, puis créer un canal dans l’organisation afin de le communiquer. »

Chez le Canadien, la tenue de cette formation a été accélérée par la tempête soulevée par la sélection de Mailloux. En septembre, l’organisation avait annoncé un investissement de 1 million de dollars dans un plan de sensibilisation aux dangers des cyberviolences sexuelles. Celui-ci s’adresserait à la fois au public et aux membres de l’organisation, avait-on indiqué.