C’est quelque peu intimidé que Guy Lapointe s’est présenté dans le vestiaire d’Équipe Canada en septembre 1972. Il devait représenter son pays, mais aussi remplacer le meilleur défenseur de l’histoire du hockey.

Juste avant que ne commence la Série du siècle, Bobby Orr venait de connaître l’une des saisons les plus prolifiques de sa carrière. Il avait gagné la Coupe Stanley, en plus de remporter le trophée Conn-Smythe, remis au joueur par excellence des séries éliminatoires. Il avait aussi remporté les trophées Hart, remis au joueur le plus utile à son équipe, et Norris, décerné au meilleur défenseur de l’année, grâce à ses 117 points inscrits en saison.

Cependant, l’arrière des Bruins de Boston a été incapable de porter l’uniforme canadien pour affronter l’Union soviétique à cause d’une blessure à un genou qui aura été récurrente tout au long de sa prodigieuse carrière.

Son remplaçant logique aurait été Jean-Claude Tremblay. Toutefois, le Québécois avait signé un contrat avec les Nordiques de Québec dans l’Association mondiale de hockey (AMH) juste avant de commencer la saison, après 13 saisons avec le Canadien, ce qui le rendait inadmissible. Les dirigeants se sont donc tournés vers Jacques Laperrière, mais le défenseur du Tricolore était blessé.

C’est donc un jeune défenseur de 24 ans, avec 153 matchs d’expérience dans la Ligue nationale de hockey (LNH), qui a été appelé en relève.

« Ça avait été une surprise pour moi d’être rappelé », a souligné Guy Lapointe lors d’un entretien près des voiturettes de golf du club Le Mirage, en août dernier, lors de l’Invitation Serge Savard.

PHOTO MARTIN TREMBLAY, LA PRESSE

Guy Lapointe

J’en étais seulement à ma deuxième année et avec le noyau de défenseurs qui étaient là, je ne me classais pas dans leur catégorie.

Guy Lapointe

Brad Park, Gary Bergman, Serge Savard, Bill White, Pat Stapleton, Rod Seiling et Don Awrey étaient les autres défenseurs de la formation canadienne.

Néanmoins, il a dû réfléchir un moment avant d’accepter l’invitation. À l’époque, sa première femme était enceinte. Elle devait accoucher pendant la Série du siècle. Lapointe a finalement rejoint l’équipe et à son retour d’Europe, il était papa d’un petit garçon.

L’aide de Serge Savard

Comme Lapointe est arrivé un peu comme un cheveu sur la soupe, il croyait avoir de la difficulté à trouver sa place dans le vestiaire. C’est pourquoi le soutien de son coéquipier Serge Savard a été si précieux. « On sait à quel point Serge est une bonne personne, un excellent coéquipier et un bon capitaine. Il m’a beaucoup aidé à m’intégrer. Il m’a dit qu’on allait jouer ensemble et qu’on allait faire notre petite affaire », se souvient l’homme de 74 ans.

Il est évident pour Lapointe que de pouvoir compter sur Savard et de vivre cette expérience à ses côtés a magnifié ses souvenirs. « On m’a jumelé à mon copain Serge et on a eu du succès pendant la série. » Lapointe aura disputé sept des huit matchs.

Un grand moment

Lapointe se rappelle qu’à l’époque, les gens ne donnaient pas cher de la peau des Soviétiques. Pourtant, le Canada s’est retrouvé en déficit et n’avait plus le droit à l’erreur avec trois matchs à faire à la série.

Il a affirmé avoir ressenti l’une des émotions les plus fortes de sa vie lorsque Paul Henderson a marqué le but victorieux lors du dernier match : « J’étais sur le banc et c’était un sentiment incroyable. Tout de suite, on a regardé le cadran pour voir il restait combien de temps et on s’est dit qu’il fallait jouer défensif, parce que tant que ce n’était pas fini, il fallait travailler fort. »

Celui dont le numéro 5 est retiré dans les hauteurs du Centre Bell a remporté six fois la Coupe Stanley. Il classe tout de même le triomphe de 1972 parmi l’un de ses trois plus beaux moments en carrière. « La Série du siècle a une bonne place dans mon cœur », a-t-il affirmé.

Le but étant de montrer laquelle des deux nations était la meilleure au monde, Lapointe croit que ses compatriotes et lui l’ont bien prouvé en revenant de l’arrière. « On a fini par gagner et on a montré qu’on était la meilleure équipe. »

Cette victoire aura aussi donné une erre d’aller à Lapointe et à la Sainte-Flanelle, qui a remporté la Coupe Stanley quelques mois plus tard.