(Bouctouche) « Gardez les deux pieds sur terre et visez les étoiles. »

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Ce ne sont pas là les dernières paroles de motivation de Martin St-Louis ou d’un de ces fameux « coachs de vie ». Ce sont plutôt celles du regretté Casey Kasem, l’animateur de radio à la voix mielleuse qui concluait chaque émission d’American Top 40 avec cette phrase.

On doute que Kaiden Guhle, vu son âge, fût un fidèle de Kasem. Mais il applique très bien ses conseils, et ça voyait au terme de la défaite en prolongation de 3-2 du Canadien, samedi, contre les Sénateurs.

Commençons par les deux pieds sur terre. Guhle, on le sait, affiche une seule émotion devant les caméras. Pas que le type soit méchant ou désagréable, mais il aborde son travail avec le sérieux d’un chirurgien cardiaque qui a cinq minutes pour sauver le patient.

Même samedi matin, à son arrivée au Centre J. K. Irving, il signait des autographes avec son sérieux caractéristique. Les yeux concentrés, le sourire poli, mais pas nécessairement l’aisance d’un Brendan Gallagher, qui distribuait les « tope-la » aux enfants. On peut comprendre le jeune homme de ne pas vouloir pavaner avant même d’avoir disputé un match dans la Ligue nationale.

Bref, après le match, Guhle a laissé tomber la garde pour une rare fois, le temps d’une réponse. « Je mentirais si je disais que je n’ai pas un peu de nervosité, d’anxiété, a-t-il admis, au sujet des deux prochains jours.

« Mais peu importe la décision, je vais la respecter. »

Les étoiles, maintenant. Le Canadien retranchera ses derniers joueurs lundi matin et s’il y en a un qui n’a pas de quoi être nerveux, c’est bien Guhle.

Dans un camp où l’inexpérience a été un thème à la mode, le numéro 21 a joué comme un joueur établi. Oublions ses trois buts ; celui de samedi a été le résultat de la générosité du gardien Magnus Hellberg. Et de toute façon, « je pense plus à mon jeu d’ensemble qu’à mes buts », dit-il.

Chaque année, dans les camps, des recrues survolent la première semaine et font rêver les partisans. C’est dans la deuxième semaine que l’on voit généralement lesquelles peuvent réellement aspirer à un rôle à temps plein. Et Guhle a répondu à tous les défis placés devant lui. Celui de samedi : jouer à droite, de son côté opposé.

« Il s’est amélioré de match en match, il a eu une plus grosse présence de match en match », a jugé St-Louis, avant d’ajouter une phrase très factuelle, si on la prend au sens littéral, mais qui est lourde de sens quand elle vient d’un coach. « C’est un joueur de hockey. »

Guhle, lui, refuse de se laisser atteindre par les partisans et analystes qui le voient déjà au sein du deuxième duo du Tricolore. « Je pense surtout à l’équipe et à m’améliorer. Je bloque les bruits de l’extérieur », assure-t-il.

Les questions

Le hic, c’est qu’au sein d’une équipe qui a terminé son camp d’entraînement sans victoire en huit matchs (0-6-2), les histoires de succès comme la sienne ne sont pas légion. Gallagher en est une ; la qualité de son coup de patin et de ses passes est étonnante pour un joueur qui semblait en déclin il y a six mois. Cole Caufield semble quant à lui prêt à reprendre là où il avait laissé le printemps dernier avec son tir dévastateur.

Pour le reste, des questions persistent. Cependant, les nombreux blessés au sein de l’équipe font en sorte que certains joueurs pourraient amorcer la saison à Montréal, même si, dans des circonstances normales, ils seraient mieux servis en passant du temps à Laval.

En défense, l’arrivée de Johnathan Kovacevic devrait au moins éviter à Kent Hughes de garder artificiellement Justin Barron dans la LNH. Jordan Harris et Aerber Xhekaj ont quant à eux connu de très bons moments au camp. Mais dans une équipe plus mature et plus en santé, ils auraient le luxe de peaufiner leur art dans la Ligue américaine.

À l’avant, ce ne sont pas tant les cas individuels qui laissent dubitatif, mais plutôt l’ensemble de l’œuvre. Le CH a inscrit 18 buts en 8 matchs préparatoires, et seulement 11 à forces égales. Kirby Dach a connu plusieurs séquences intéressantes et son potentiel est énorme ; mais on ignore ce que ça donnera en résultats concrets. Jonathan Drouin s’est montré effacé pendant les matchs préparatoires. Samedi matin, St-Louis a dit espérer le voir jouer avec un meilleur tempo. Le trouvera-t-il à temps pour mercredi ?

Devant le filet, la lutte pour le poste d’auxiliaire à Jake Allen n’a pas été très relevée. Quelles seront les chances de victoire du Canadien quand Allen sera en congé ?

Et surtout, avec Nick Suzuki qui a joué un seul match, avec Michael Matheson qui n’en a joué que trois et qui est toujours sur la touche, quelle est la réelle valeur de cette équipe quand elle est en santé ?

« J’aurais aimé avoir tout le monde les deux derniers matchs, mais tu te concentres sur ce que tu peux contrôler », a simplement laissé tomber St-Louis.

Souhaitons-lui d’obtenir la réponse assez tôt dans la saison.

En hausse : Sean Monahan

Il a bien alimenté Cole Caufield toute la soirée, en plus de gagner la mise au jeu qui a mené au deuxième but du Tricolore.

En baisse : Justin Barron

L’arrivée de Johnathan Kovacevic via le ballottage aurait pu le fouetter. Il a plutôt connu une autre soirée difficile, ponctuée de passes imprécises et de mauvaises décisions avec la rondelle. Ça sent le début de saison à Laval.

Le chiffre du match : 4

Avec un autre but samedi, Cole Caufield termine le calendrier préparatoire avec quatre buts en cinq matchs. Ses quatre filets ont été inscrits en avantage numérique.

Dans le détail

Les petites choses, en attendant le reste

Juraj Slafkovsky est l'un des cinq joueurs du Canadien à avoir disputé six des huit matchs préparatoires, un sommet au sein de l’équipe. Il est toutefois le seul des cinq à ne pas avoir marqué. En revanche, il a continué à réussir sa part de jeux importants, par exemple quand il a donné le ton au match en envoyant Rem Pitlick pratiquement seul en zone adverse, grâce à une passe d’une précision chirurgicale. « Il a joué deux bons matchs, il est impliqué et il est plus confortable avec la vitesse du jeu », a analysé Martin St-Louis. Détail intéressant : il ne faisait pas systématiquement partie des unités d’avantage numérique lors des deux derniers matchs. Samedi, par exemple, il alternait avec Evgenii Dadonov, parce que ce dernier est également employé en désavantage numérique, et qu’il fallait « gérer le temps de glace », dixit St-Louis. Autrement dit, s’il reste à Montréal, il n’aura pas nécessairement droit à tous les privilèges que reçoivent souvent les jeunes premiers.

Appel à l’aide

Sammy Pahlsson joue-t-il toujours au hockey ? On cabotine ici, car le valeureux guerrier des Ducks de 2007 est à la retraite depuis sept ans. Sauf que Pahlsson est l’attaquant qui a le plus haut temps de jeu moyen par match en désavantage numérique dans l’histoire de la LNH. Or, après le match, St-Louis a quelque peu tapé du pied. « On a beaucoup plus d’attaquants qui jouent en avantage numérique que de gars qui jouent en désavantage. Il va falloir trouver des gars capables d’écouler des punitions, car ce n’est pas tout le monde qui pourra jouer en avantage numérique. » St-Louis n’a pas tort, mais il faut aussi tenir compte des absences de Christian Dvorak, Joel Armia et Nick Suzuki. En attendant, ça a permis à Rafaël Harvey-Pinard de se faire valoir à 4 contre 5. Le petit attaquant a notamment privé les Sénateurs d’un but certain en deuxième période, interceptant une passe dangereuse dans l’enclave. Il faudrait cependant que plusieurs des blessés susmentionnés s’absentent à plus long terme pour qu’il amorce la saison à Montréal.

Brassard a-t-il convaincu les Sénateurs ?

À 35 ans, Derick Brassard s’accroche toujours à la possibilité de poursuivre sa carrière. Rien ne lui est garanti, cependant, puisque l’attaquant participe au camp des Sénateurs à titre d’invité, à la recherche d’un contrat. « Quand tu signes un contrat à long terme, tu dois prouver que tu le mérites, que ce soit deux, cinq ou huit ans. C’est la même chose pour moi », disait-il samedi matin, après l’entraînement. Comme D. J. Smith a donné congé à cinq de ses six attaquants des deux premiers trios, la porte était ouverte en avantage numérique et Brassard en a profité. Le Québécois a inscrit le premier but d’Ottawa en gagnant subtilement sa bataille pour le positionnement devant le filet face à la recrue Jordan Harris. Si Brassard gagne son pari, il aura la chance d’atteindre la marque des 1000 matchs dans la LNH en saison ; il lui en manque 49. Signe encourageant pour lui : les Sénateurs ont retranché six joueurs après le match, et il n’en a pas fait partie.

Ils ont dit

Martin en a parlé dans le vestiaire. Il y a du positif. On a plusieurs jeunes. Au bout du compte, on veut gagner. C’est du hockey, c’est compétitif et surtout, tu veux gagner pour le gars à côté. Mais ça reste un processus et les victoires seront le résultat de nos efforts en équipe.

Jordan Harris, au sujet de la fiche de 0-6-2 du Canadien dans le calendrier préparatoire

Les joueurs ont travaillé très fort. Le match aurait pu aller des deux côtés. On va se préparer à passer à autre chose.

Martin St-Louis

J’ai fait les petits détails sur la patinoire. J’ai eu des hauts et des bas pendant le camp. Il y a des matchs où ç’a moins bien été, des matchs où ç’a mieux été. On va voir la décision de la direction. Une chose est sûre, j’ai donné mon 100 % sur la patinoire.

Rafaël Harvey-Pinard

J’ai joué à droite de temps en temps et c’est la première fois que je joue à droite à un tel niveau. C’est bien de montrer que je peux aussi aider de ce côté.

Kaiden Guhle