Si le Canadien offre de telles performances toute la saison, ce ne sera peut-être pas si pire que ça, finalement.

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Ce si est un bien gros si, inclassable, sibyllin, qui est à prendre avec la plus grande des précautions. C’est bien connu, avec des si, on va à Paris, mais avec des si, on ne gagne pas non plus des Coupes Stanley au mois d’octobre.

Sauf que rien de cela ne semblait bien important en ce mercredi soir festif au Centre Bell, le premier de cette saison 2022-2023.

Une soirée amorcée avec une présentation complète des joueurs, pendant laquelle un héros du passé très récent, le gardien Carey Price, a fait bondir la foule une dernière fois, avant de se retourner, chapeau de cow-boy vissé sur la tête, et de repartir en direction du soleil couchant, comme Lucky Luke avant lui.

Peu après, le capitaine Nick Suzuki s’est amené avec le flambeau, encore ce flambeau que l’on ressort comme ça, à l’occasion, quand c’est vraiment important et qu’il faut fouetter les troupes, les fans et les pigeons qui volent à l’occasion entre ces murs. « Ce fut incroyable », a dit en soupirant le jeune Juraj Slafkovsky en fin de rencontre.

Incroyable comme la marque finale, finalement : Canadien 4, Toronto 3.

Il y avait quelque chose dans l’air, c’est clair. Quand Nylander a fait 3-3 à la fin, ces Maple Leafs déjà favoris par plusieurs pour tout rafler – ils devaient le faire l’an passé, puis l’autre d’avant, et puis l’autre d’avant, mais non – allaient sans doute se pousser avec la victoire.

Mais c’était sans compter sur cette magie qui opère ici à l’occasion, moins souvent qu’au Forum, mais sans doute plus souvent qu’à Toronto, et avec seulement 19 secondes au cadran, Josh Anderson a décidé que non, ça n’allait pas se passer ainsi.

« Ce fut comme un rêve, a ajouté Slafkovsky. Mon premier match ici, on bat Toronto… que demander d’autre ? »

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Alex Kerfoot tente de se faire un chemin entre Johnathan Kovacevic et Cole Caufield.

Non loin de là, un autre jeune avait du mal à y croire.

« Je ne peux pas concevoir à quel point ça criait fort dans la place, a dit en riant cet autre jeune homme, nommé Arber Xhekaj. Je ne pouvais même plus m’entendre parler sur le banc. Ces fans-là sont incroyables, vraiment… »

Avant Anderson, Cole Caufield en avait mis deux dedans, Suzuki avait ajouté une passe, tout comme Harris et Dach… Mis à part Monahan, il n’y avait pas beaucoup de vieux sur cette feuille de pointage, et encore, Monahan a 28 ans…

Il faut rappeler ici qu’en plus de Slafkovsky et Xhekaj, Kaiden Guhle en était lui aussi au premier match de sa vie dans la LNH. Trois recrues dans la formation, comme ça, ce n’est pas le club de 1986 (ils étaient huit !), mais tout de même.

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John Tavares et Sean Monahan

« Kaiden a tellement progressé chaque jour et cette fois, il vient de faire un autre pas vers l’avant, a noté l’entraîneur Martin St-Louis. On est arrivés ici et il y avait beaucoup d’émotion, et j’ai hâte de voir aller les jeunes lorsque la routine se sera installée. Là, tu viens à l’aréna, tu es inspiré juste en arrivant, mais quand la routine s’installe, l’émotion baisse un peu. J’ai hâte de voir comment ils vont se comporter à ce moment-là. »

Car il y aura des hauts et des bas. Comment ne pourrait-il pas en être autrement ? En plus des trois recrues, on pourrait ajouter les noms de Harris, Kovacevic ou Dach, qui ne jouent pas dans la LNH depuis des années. « Ça n’a pas été parfait, ils ont fait des erreurs, mais aussi des bonnes choses », a noté St-Louis.

Le bout le plus encourageant est sans doute le jeu de Guhle. Pour Slafkovsky et Xhekaj, on a senti par moments que ça allait un peu vite, mais dans le cas du défenseur au numéro 21 ? Ça n’allait pas vite du tout, bien qu’il ait été aidé par son partenaire David Savard, auteur de neuf (!) tirs bloqués.

« Ça allait vite, plus vite que lors du calendrier préparatoire, a admis le jeune homme. Mais c’est correct. L’équipe était très bien préparée… Je sais que je vais faire des erreurs, mais l’important, c’est comment tu te remets de ces erreurs. »

À la fin de la soirée, Guhle est allé rejoindre ses deux jeunes amis dans le centre du vestiaire, et les trois recrues ont pris la pose, rondelles du match en main, question de bien immortaliser le moment.

Il reste 81 autres matchs, et le résultat ne sera pas aussi parfait chaque fois. Mais en ce mercredi d’octobre, en tout cas, pour ces trois recrues, ce fut une soirée presque parfaite.

Dans le détail

Sous le regard de… Richard Zednik !

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Juraj Slafkovsky (20)

Lui, on ne l’attendait pas dans le vestiaire. Richard Zednik, l’ancien du Canadien, était sur place pour ce duel et il est venu saluer son compatriote Juraj Slafkovsky, qui venait de vivre son baptême de la LNH. « Il porte le même numéro que moi ! », a souligné un Zednik amusé. Il n’a pas souvent vu son protégé en action, puisque Slafkovsky n’a été utilisé que 10 minutes, notamment en raison des nombreuses pénalités. Mais Zednik le connaît davantage pour l’avoir vu faire avec l’équipe nationale de Slovaquie, où il a brillé. « Il est vraiment gros en Slovaquie, a noté l’ancien ailier. Il a été le meilleur joueur de l’équipe nationale aux Jeux olympiques et au Championnat du monde. C’est le joueur préféré de mon fils ! » Ses conseils pour Slafkovsky ? « Je lui ai dit de profiter de la ville. Tu joues à Montréal, les gens aiment le hockey. Oublie ce qui se dit à l’extérieur, va à l’aréna et amuse-toi. » Zednik faisait un passage éclair de quatre jours à Montréal, notamment pour visiter sa fille, qui demeure dans la région. « Elle et son copain voulaient assister au match. C’est la première fois que je viens à Montréal depuis la pandémie. On peut enfin voyager ! »

Quand David devient Goliath

Tous les yeux étaient rivés sur les quatre recrues qui composent les deux tiers de la brigade défensive du Canadien. Sachant que Chris Wideman était un des deux « vétérans » du groupe, ça en laissait beaucoup sur les épaules de David Savard. Le colosse maskoutain n’a pas disputé un match parfait, mais son sens du sacrifice n’est pas passé inaperçu. Il a bloqué neuf tirs, dont six seulement dans les 11 dernières minutes, et Jake Allen l’a remarqué. « Il a joué je ne sais trop combien de minutes, il a joué tout un match, il a aidé les jeunes. Il est une très bonne ressource », a-t-il d’abord dit, avant d’en rajouter. « C’est une bonne personne. On a d’abord besoin de bonnes personnes, et on peut ensuite penser au hockey. Sur la glace, il est tellement constant, il bloque des tirs, il joue les minutes difficiles et il ne reçoit jamais de reconnaissance. » Son partenaire, Kaiden Guhle, a été plus concis. « Il a gagné la Coupe Stanley, il sait ce que ça prend pour gagner. Quand il bloque des tirs, il donne le goût aux autres de le faire », a indiqué le jeune homme.

L’apport d’Anderson

Le proverbial joueur « qui crée de l’espace » reçoit rarement autant d’attention que ses coéquipiers plus talentueux. C’est ainsi que ça s’annonçait pour Josh Anderson, avant qu’il ne marque le but gagnant à 19 secondes de la fin de la troisième période : de bons jeux ici et là, mais pas de faits saillants. Pourtant, la première chance de marquer de Cole Caufield, elle a été le résultat du travail d’Anderson, qui a lutté le long de la rampe pour maintenir la rondelle en zone offensive. Idem pour le premier but de Caufield ; parce qu’il a plaqué le défenseur Morgan Rielly en fond de territoire du CH, Anderson a éliminé un joueur de l’équation, permettant à Caufield et à Nick Suzuki de partir à deux contre un. « Josh amène toujours de la vitesse, un peu de robustesse aussi. On sait aussi qu’il a un bon tir. Ce soir, il a pris son tir au bon moment », a noté Martin St-Louis.

Ils ont dit

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David Savard (58)

Quand je venais sur la route, en tant que Québécois, j’avais des frissons. D’avoir un match d’ouverture comme ça, de voir le sourire des jeunes… Ils ont l’air d’avoir tripé. Ça te remet le sourire au visage. Des fois, on oublie qu’on est dans un marché tellement incroyable. Ça rockait pas mal ce soir !

David Savard

C’était vraiment serré. Mais si on perd, on leur donnait un autre avantage numérique. Nos unités spéciales nous ont vraiment aidés à gagner ce soir, mais si on leur en donnait un autre, il fallait penser à la loi de la moyenne !

Martin St-Louis, sur sa décision de ne pas contester le troisième but des Maple Leafs

Nous n’avions pas gagné un seul match de tout le calendrier préparatoire, mais j’imagine que c’est mieux de gagner des matchs en saison quand ça compte ! Pour moi, tout ça signifie beaucoup, ça fait longtemps que je rêve de jouer dans la LNH.

Juraj Slafkovsky

J’estime avoir disputé une solide joute. C’est arrivé à deux reprises qu’un adversaire a eu l’occasion de se faufiler derrière moi, mais dans l’ensemble, je me sentais assez confiant.

Arber Xhekaj

C’est bien de commencer un match avec deux buts comme ça, et de commencer la saison aussi avec deux buts. J’étais prêt pour ce début de saison. Après avoir raté une belle occasion avec Nick [Suzuki] en fin de première période, je lui ai juste dit de me repasser la rondelle !

Cole Caufield

Personne ne me l’avait dit. C’est le premier match, tout le monde est rouillé !

Jake Allen, qui ignorait qu’il avait été choisi troisième étoile du match

Propos recueillis par Richard Labbé et Guillaume Lefrançois, La Presse

En hausse

Kaiden Guhle

À son premier match dans la LNH, il a été le joueur le plus utilisé (22 min 16 s)… des deux équipes !

En baisse 

Evgenii Dadonov

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Evgenii Dadonov

Une grosse gaffe sur le troisième but des Leafs, et du jeu très mou dans l’ensemble.

Le chiffre du match

3

Pour la première fois depuis octobre 1995, le Canadien avait trois recrues dans sa formation pour amorcer sa saison. Saku Koivu, Marko Kiprusoff et Patrick Labrecque avaient été les trois jeunes la dernière fois.