(Tempe, Arizona) S’il y en a un qui connaît la souffrance, c’est bien Charles Lutz. C’est un fan de la première heure des Coyotes, fan de hockey bien avant ça. « Je suis ici depuis 1971, j’étais là dans le temps des Roadrunners dans l’AMH ! », dit-il, fièrement, dans les coursives du Mullett Arena, vendredi soir.

Pour preuve additionnelle, son gilet de Robert Esche, qui gardait les buts au début des années 2000 par ici. Mais aussi, les nombreuses épinglettes qui ornent son chandail. « Celle-là, c’est de la première année des Coyotes. J’en ai une des Jets ici, une autre ici », nous pointe-t-il.

Tout ça pour un club qui a participé aux séries une seule fois en 10 ans, 4 fois en 20 ans. Un club qui, au fil du temps, a été envoyé à Hamilton, Québec et Houston, qui joue aujourd’hui dans un aréna hors-norme au point où l’Association des joueurs a dû dépêcher Ron Hainsey pour s’assurer que tout soit conforme pour ce match.

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Charles Lutz

Alors, c’est comment, aimer cette équipe ?

« Être un partisan des Coyotes, c’est une longue histoire de stress, de psychothérapie et de visites chez le psy ! », répond-il. Il en met un brin, mais on comprend l’idée.

Ambiance collégiale

Le temps d’un soir, les partisans des Coyotes n’avaient toutefois plus à être gênés. Ils n’avaient plus à avoir honte, à justifier pourquoi ils se rangent derrière ce club de malaimés.

C’était vrai même si au bout du compte, ce sont les Jets de Winnipeg qui sont repartis avec la victoire, 3-2 en prolongation. C’est le genre de soirée où l’enjeu dépassait les deux points au classement.

Un peu comme les partisans des Alouettes en 1997, qui ont découvert une vraie ambiance de football en passant du stade olympique au stade Percival-Molson, les amateurs de hockey de l’Arizona ont renoué avec une atmosphère digne de ce nom. La foule de 5000 spectateurs n’était pas de la taille de la LNH, mais l’ambiance l’était.

Tout y était pour faire plaisir à la foule, à commencer par la mise au jeu protocolaire. Les invités ? Shane Doan, qui a joué 1466 matchs dans l’uniforme des Coyotes. Et son fils, Josh, capitaine des Sun Devils de l’Université Arizona State, ceux avec qui les Coyotes partageront le Mullett Arena pendant les trois prochaines saisons, mininum.

« On a d’excellents ambassadeurs comme Shane Doan. Tu ne peux pas l’écouter et ne pas être vendu à son idée », avance Jack Johnson, pas le chanteur, ni le défenseur des Blackhawks, mais plutôt un jeune homme dans la mi-vingtaine, simplement heureux d’être ici avec sa copine.

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Jack Johnson porte fièrement son chandail d’Oleg Tverdovsky.

Pour ce match inaugural dans leur nouveau domicile, les Coyotes ont mis le paquet. En plus d’avoir invité la famille royale du hockey par ici, ils ont laissé sur chaque siège une perruque digne de la chevelure de Beaudoin dans Cruising Bar, un clin d’œil au nom de leur nouveau domicile (« mullet » signifie « coupe Longueuil », en anglais).

Il y avait aussi Cameron Hughes, fameux énergumène que l’on voit dans les stades et arénas, qui danse comme un déchaîné en enlevant un après l’autre une dizaine de t-shirts. Il a donné la performance d’une vie ; 10 minutes plus tard, dans l’ascenseur, il pompait encore l’huile.

C’est sans oublier les emprunts faits au hockey collégial, à commencer par les percussionnistes qui jouent du tambour dans la section étudiante, derrière le filet défendu deux fois par les Jets. Les quatre batteurs ne sont pas membres de la fanfare de l’université, précisons. Ils œuvrent pour une compagnie privée. « Je n’ai jamais été à l’université. C’est pourquoi je suis batteur professionnel ! », lance Tyler, autodérisoire.

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La section étudiante

Les Coyotes ouvrent la marque pendant qu’on passe derrière eux. La foule hurle, les tambours résonnent. « Ça fait pas mal moins vide ici qu’à Glendale », lance Tyler, tout sourire.

Les Coyotes doublent leur avance à la 16minute. « He shoots, he scores, hey goalie, you suck ! », crient à l’unisson les étudiants. (Traduction libre : il lance, il compte, hé le gardien, tu crains !)

Les cris repartent de plus belle après chaque pénalité prise par les Jets. « You can’t do that » (tu n’as pas le droit de faire ça), crient les universitaires.

Optimisme

Les questions sur la taille des vestiaires, les grognements entendus ici et là sur les standards de la LNH à respecter… Pendant trois heures, tout ça était oublié.

En fait, c’était oublié jusqu’à ce que Blake Wheeler, aucunement attendri par son but gagnant, s’adresse aux médias après le match. L’ambiance, c’était comment ? « C’était correct. » Ça te rappelait tes années à l’université ? « Moi, je jouais devant 10 000 personnes. »

Pierre-Luc Dubois, auteur de la passe décisive sur le but de Wheeler, était plus jovial. « Il y a des vestiaires dans la LNH où un ou deux gars sont assis sur une chaise. Ici, au moins, tout le monde est sur une chaise ! Ça pourrait être pire. On est quand même chanceux de jouer dans la Ligue nationale, peu importe l’aréna », résume le Québécois.

Chez les Coyotes, personne ne s’ennuie des matchs à Glendale. Ç’avait beau être un amphithéâtre de la LNH, les nombreux sièges vides plombaient le moral de tous.

Ça ne se compare pas. À Glendale, il n’y avait pas beaucoup d’ambiance. Ici, il y en avait, tu sentais une vibe, tu sentais les fans qui poussaient avec nous.

André Tourigny, entraîneur-chef des Coyotes

La soirée n’était pas parfaite, loin de là. La promiscuité des lieux fait en sorte qu’on avait la vue obstruée dès que la foule se levait. Le responsable de la musique ne savait clairement pas, en première période, qu’il devait peser sur pause une fois la mise au jeu effectuée. La circulation était laborieuse, les agents de sécurité, pas vraiment au courant de leur mandat. On a eu le malheur de passer par une zone interdite pour se rendre aux entrevues d’après-match des Jets. La sécurité nous laissait circuler, mais le regard assassin de l’entraîneur des Jets Brad Lauer disait tout. On a fait le tour, finalement.

Qu’importe. Dans les points de presse d’après-match, il n’était à peu près question que de l’ambiance festive, intime, du nouveau domicile des Coyotes. Tellement qu’il faudrait presque rappeler aux spectateurs de ne pas trop s’attacher à cet aréna, parce que le but demeure de retourner dans une salle où ils seront 15 000, pas 5000.

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Les Jets écopent d’une pénalité.

« On veut devenir le nouveau Tampa de la LNH. Le Lightning jouait dans un hangar d’aéroport et aujourd’hui, c’est une des meilleures franchises », rappelait le DG des Coyotes, Bill Armstrong, en point de presse la veille du match.

L’objectif est ambitieux. Il nécessite un amphithéâtre adéquat, mais aussi du succès soutenu sur la patinoire. Deux domaines où les Coyotes font chou blanc depuis trop longtemps.

Mais les partisans y croient. Même Charles Lutz, notre ami au chandail de Robert Esche.

« Pour être un partisan des Coyotes, tu dois être résilient. Un coyote, ça parcourt le désert pour trouver de la nourriture. Il dort quand il peut, où il peut.

« Là, on va dormir à Tempe. »