(Washington) « Je suis un gardien de la Ligue nationale. » C’est Charlie Lindgren qui prononce ces mots, qu’on aurait eu peine à croire il y a quelques années, quand ce gardien jamais repêché peinait à s’établir même avec le Rocket de Laval.

Mais c’est un Lindgren métamorphosé qui défend les couleurs des Capitals depuis le début de la saison. Une métamorphose qui aurait été impossible sans un changement de décor, il y a un an et demi. À l’été 2021, le gardien a profité de son autonomie pour quitter le Canadien, la seule organisation qu’il avait connue jusque-là. Et il ne regrette rien.

« Je n’étais pas content de mes deux dernières années avec le Canadien », admet-il, au bout du fil.

Pas content parce qu’il a passé l’essentiel de la saison 2020-2021 – celle de 56 matchs – au sein de l’escouade de réserve, le fameux « taxi squad », une de ces créations dues à la pandémie. En gros, il s’entraînait avec le Tricolore, mais ne jouait pas puisque les joueurs de cette escouade étaient considérés comme dans la Ligue américaine, aux termes de la convention collective.

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Charlie Lindgren à l'entraînement à Brossard, en juillet 2020

Ces joueurs tombaient donc dans une sorte de vide administratif, car les entraîneurs devaient quant à eux gérer le club de la LNH comme à l’habitude. De plus, Cayden Primeau était alors vu comme le gardien d’avenir et était priorisé pour disputer des matchs avec Laval. Et quand Carey Price s’est blessé en fin de saison, c’est Primeau qui a été rappelé.

Lindgren n’avait donc disputé que trois matchs cette saison-là, les trois avec le Rocket. La saison précédente, il avait eu droit à 16 matchs à Laval et 6 à Montréal avant l’arrêt des activités en mars 2020.

Bref, 25 matchs en deux saisons, pour un gardien dans la deuxième moitié de la vingtaine.

Demande à n’importe qui dans les escouades de réserve, ce n’était pas bon pour qui que ce soit, surtout pour les gardiens. Je continuais à travailler très fort, mais je n’avais plus vraiment de coaching, donc j’essayais de m’améliorer par mes propres moyens.

Charlie Lindgren

Lindgren souffrait aussi de problèmes de sommeil, qu’il avait décrits dans nos pages en mars dernier.

Lisez l’article « Charlie Lindgren : l’insomniaque s’amuse »

Une fois l’insomnie réglée et l’escouade de réserve abolie, Lindgren a donc relancé sa carrière, l’an passé, dans l’organisation des Blues, puis cette saison avec les Capitals. L’été dernier, il s’est entendu pour trois ans avec Washington, et après une moitié de saison convaincante, il s’est établi comme le gardien auxiliaire permanent de l’équipe.

Sa fiche depuis son départ de Montréal est impressionnante. En saison, en combinant ses matchs dans la LNH et dans la Ligue américaine, il montre un dossier de 39-11-3, une moyenne de 2,25 et une efficacité de ,924. Il a donc remporté 74 % de ses décisions. Trois matchs sur quatre.

Un bon duo de gardiens à Washington

À Washington cette saison, il compte déjà 10 triomphes, soit autant que Darcy Kuemper. « Ils ont été incroyables. Nous sommes la seule équipe avec deux gardiens à dix victoires, ça montre à quel point ils sont bons », soulignait un Dylan Strome bien au fait des statistiques, après la défaite des Capitals contre les Sénateurs, jeudi.

Au moment de l’entrevue, Lindgren ignorait encore s’il obtiendrait le départ face au Canadien, samedi. « On l’apprend toujours par message texte en début de soirée, la veille du match », dit-il.

Mais si Peter Laviolette analyse la fiche de Lindgren l’an passé, il notera que le gardien qui attrape de la droite a signé quatre gains en cinq matchs contre le Canadien et son club-école. La dernière victoire, c’était un jeu blanc dans le septième match de la finale de l’Est des séries de la Coupe Calder. « C’était une série très serrée et gagner le septième match, c’était spécial. »

Encore de l’amertume contre son ancien club ? « J’en ai eu un certain temps. Mais il y a eu beaucoup de changement. Donc je n’en ressens pas contre le Canadien en soi. »

« Je ne suis pas rancunier. Je crois plutôt que tout se passe pour une raison et mes deux années difficiles à Montréal m’ont aidé au bout du compte. Ça m’a aidé à rester motivé et je savais que je voudrais saisir mon occasion suivante. Aussi, si je recule de quatre ans, puis-je dire à 100 % que j’étais prêt pour la Ligue nationale ? Je ne le sais pas. Mais là, je sais que je suis prêt à 100 %. »

Lindgren a fêté ses 29 ans il y a deux semaines. Son adjoint, Kuemper, est devenu gardien numéro un dans la LNH à 28 ans. C’est une raison de plus pour lui de croire qu’il peut encore gravir les échelons, même à l’approche de la trentaine.

« Scott Murray est un très bon entraîneur des gardiens et Kuemper est un partenaire phénoménal. Il est calme et je peux apprendre de lui. Je sens que je progresse et que je suis un gardien de la LNH. »