Pour des raisons évidentes, Marie-Philip Poulin est reconnue comme l’incontestable reine des grandes occasions. La Beauceronne n’est toutefois plus la seule à sembler invincible au moment où ça compte le plus.

Ann-Renée Desbiens a accumulé suffisamment de succès sur la scène internationale pour se passer de présentation.

Or, à quelques heures du septième et ultime match de la Série de la rivalité opposant le Canada aux États-Unis, il nous semble approprié de rappeler à quel point la gardienne, au cours des dernières années, a été tout simplement dominante. Contre les Américaines en général, et dans les rencontres névralgiques en particulier.

Depuis qu’elle a réintégré le programme national en 2019-2020, Desbiens a affronté la formation états-unienne 12 fois, que ce soit aux Championnats du monde (3 matchs), aux Jeux olympiques (2) et dans le cadre de la Série de la rivalité (7). Elle a signé neuf victoires. À 11 reprises, elle a accordé deux buts ou moins. Sa moyenne de buts alloués s’est établie à 1,80, et son taux d’arrêts, à ,931.

Au cours des seuls 18 derniers mois, elle s’est retrouvée devant le filet pour trois finales – deux aux Mondiaux, une aux Jeux –, chaque fois face aux Américaines. Verdict : fiche parfaite de 3-0-0, moyenne de 1,60 et taux d’arrêts de ,941.

MARTIN CHAMBERLAND, ARCHIVES LA PRESSE

Ann-Renée Desbiens devant son filet

À la source de ces performances, il y a évidemment une maîtrise technique presque sans faille. « Elle prend beaucoup de place devant son filet, elle est très athlétique, elle ne donne pas beaucoup de retours », énumère Élizabeth Giguère, nouvelle venue au sein de l’équipe nationale.

Lundi soir, dans la victoire de 5-1 des Canadiennes à Trois-Rivières, Desbiens a reçu seulement 15 tirs, mais s’est nettement démarquée par son jeu à l’extérieur de son demi-cercle, montrant une corde de plus à son arc.

« Je pense qu’elle a touché à la rondelle plus que nous, estime Marie-Philip Poulin. Elle a battu plusieurs fois l’échec avant des Américaines juste en faisant une passe. » Lorsqu’elle se retrouve en possession du disque, « c’est comme si on était six à sortir de notre zone », abonde Caroline Ouellette, entraîneuse adjointe de la formation.

Giguère souligne aussi à quel point la native de Charlevoix semble imperturbable. « Il y a des gardiennes qui deviennent stressées avant les matchs, tandis qu’elle, elle est vraiment calme. Et ça paraît sur la glace », remarque l’attaquante. « Elle est drôle, elle est engagée ; les filles l’adorent », renchérit Ouellette.

Confiance

Sans surprise, Desbiens ne se perd pas en autocongratulations lorsqu’on aborde avec elle ses succès dans les matchs cruciaux.

Après l’entraînement de son équipe, mardi, elle a répondu avec légèreté aux questions des deux journalistes sur place. Si le stress la torturait, elle le cachait résolument bien.

« On essaie toutes d’aborder chaque match de la même façon. Mais je vais être honnête, j’avais pris cette approche avant la finale olympique [l’an dernier à Pékin] et je n’ai pas dormi de la nuit ! », lance-t-elle en riant.

« On a beau essayer, on est des athlètes, on se rend compte de ce qui est en jeu, poursuit-elle. Un match numéro 7, c’est là qu’on veut se retrouver. »

La rencontre de mercredi soir contre les Américaines, « ce n’est pas un match de médaille d’or olympique, mais on va l’aborder de la même manière, avec la même intensité ».

Toutes celles qui parlent d’Ann-Renée Desbiens évoquent certes son calme, mais aussi sa contagieuse confiance en elle. Cela lui permet de se recentrer après avoir accordé un but, mais aussi, de manière générale, de garder la tête froide au moment où elle est largement perçue comme la meilleure gardienne de la planète.

Cette prestance, toutefois, n’est pas tombée des arbres. Pendant son hiatus d’un an hors du programme national, en 2018-2019, la Québécoise est devenue consultante auprès des gardiens de but à l’Université du Wisconsin, son alma mater. Celle qui est devenue sa première protégée, Kristen Campbell, est aujourd’hui l’une de ses adjointes au sein de l’équipe canadienne. « On n’avait pas d’entraîneur des gardiens à temps plein, se rappelle justement Campbell. Elle a donc apporté des choses des camps d’Équipe Canada, avec des exercices très structurés. »

Cette expérience, croit Caroline Ouellette, a donné une perspective nouvelle à la gardienne aujourd’hui âgée de 28 ans.

« Des fois, comme athlète, quand tu vois l’autre côté de la médaille, tu réalises que c’est pas mal plus difficile que tu pensais, note l’attaquante devenue entraîneuse. Ça donne une certaine maturité. »

Ouellette voit dans l’éclosion de Desbiens un ensemble de facteurs. « Elle a appris qu’elle devait devenir une meilleure athlète, y compris dans l’entraînement hors glace. Elle a pris soin de sa préparation, de ses habiletés mentales. […] Elle a trouvé la constance que ça prend pour être une partante à ce niveau-là. Ça ne lui a pas été donné, elle l’a mérité entièrement. »

Mercredi soir, à Laval, dans une Place Bell bondée – il reste quelques billets –, Ann-Renée Desbiens aura l’occasion d’ajouter un titre supplémentaire à son palmarès. Ce n’est pas gagné d’avance, contre des Américaines qui voudront venger leur performance du match no 6, mais qui devront trouver comment percer sa muraille.

L’histoire récente, toutefois, n’est pas de leur côté. Et la gardienne voudra s’assurer que ça reste ainsi.