(Laval) À la veille de l’ultime match de la Série de la rivalité, Caroline Ouellette, ex-étoile de la sélection canadienne devenue entraîneur adjoint, avait lancé une réflexion qui détonnait un peu de l’engouement précédant un match numéro 7.

Évoquant l’« ombre » qui plane sur le hockey canadien, référence explicite aux scandales qui ont frappé les rangs juniors masculins au cours de la dernière année, elle s’est demandée, comme mère de deux petites filles, quelle serait sa relation avec ce sport s’il ne constituait pas son travail. « On a besoin de positif », avait-elle dit, vantant à quel point ses joueuses étaient les « meilleures modèles » qui puissent exister pour la jeune génération.

Le positif n'a pas manqué, mercredi soir, à la Place Bell de Laval. Dans cette rencontre ultime, amorcée par une égalité de 3-3 dans la série opposant les deux rivales historiques, les Canadiennes n’ont fait qu’une bouchée de leurs opposantes en s’imposant par la marque de 5-0.

PHOTO GRAHAM HUGHES, LA PRESSE CANADIENNE

Brianne Jenner (19) et Marie-Philip Poulin (29)

Après un début de match plutôt tranquille, les joueuses unifoliées ont ouvert les vannes en deuxième période, avec quatre buts en moins de 10 minutes qui ont galvanisé les spectateurs. En troisième, « on n’a pas voulu lever le pied », a confié l’attaquante Laura Stacey. Malgré un regain de vie des visiteuses, la gardienne Ann-Renée Desbiens a fermé la porte et conservé son jeu blanc, un premier pour elle face aux États-Unis depuis qu’elle a réintégré le programme national en 2019.

Autrice du deuxième but, Marie-Philip Poulin s’est émue de voir « toutes ces petites filles et ces petits garçons dans les estrades ».

Elle a parlé de la « fierté » et de l’« honneur » que ses coéquipières et elles ressentent chaque fois qu’elles « portent ce logo-là ».

« Chaque fois qu’on va avoir la chance de le faire, on va le faire avec grande classe, a-t-elle promis, faisant écho, sans le savoir, aux propos de Caroline Ouellette. « Je pense qu’on l’a prouvé aujourd’hui », a-t-elle ajouté.

Ann-Renée Desbiens a abondé. « L’impact qu’on a dans la communauté est encore plus important que les victoires sur la patinoire, a-t-elle lancé. On veut gagner, c’est certain, mais on veut faire de notre sport un sport sécuritaire, pour que les gens veuillent y faire jouer leurs filles et leurs garçons. On va tout faire pour rentre notre sport meilleur. »

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Ann-Renée Desbiens a signé un jeu blanc.

La gardienne n’allait toutefois pas bouder son plaisir à la suite de ce triomphe sans appel. Rieuse, elle s’est réjouie, en voyant ses coéquipières marquer but après but en deuxième période, de ne pas être dans les souliers de son opposante.

Quant à son blanchissage, elle l’a pris avec légèreté, mentionnant que quand bien même elle aurait donné un but tard en fin de rencontre, ce qui lui importait avant tout, c’était « de gagner le match ». C’est chose faite.

Vers les Mondiaux

Il faut prendre cette Série de la rivalité pour ce qu’elle est. La remporter était certes une priorité pour les deux clubs, mais en cette première année du cycle olympique, le développement est au cœur de la démarche, surtout dans le camp américain.

Au fil des sept duels, « on a présenté trois formations différentes », a rappelé l’attaquante américaine Hilary Knight en fin de soirée. Elle a aimé voir ses coéquipières, dont plusieurs sont très jeunes, jouer avec « fierté » en troisième période, en dépit d’un retard virtuellement impossible à combler.

Au Championnat du monde, disputé dans deux mois en Ontario, « tout sera différent », a-t-elle prédit.

Dans le camp canadien, même si on s’emballe du proverbial « momentum » acquis dans cette série, dont on a renversé la tendance après trois victoires américaines en lever de rideau, « on prend tout avec grain de sel », a prévenu l’entraîneur-chef Troy Ryan.

« On est contents, bien sûr, mais on sait que le succès ici ne veut pas dire qu’on aura du succès au Championnat du monde », a-t-il résumé.

Il n’empêche qu’on peut s’attendre à voir une formation relativement similaire à celle qui, au cours de la dernière année, a justement remporté le Mondial et décroché une médaille d’or olympique.

Cette équipe semble d’ailleurs avoir atteint un niveau de maîtrise qui s’approche dangereusement de la perfection. Pendant la Série de la rivalité, « on a trouvé différentes manières de gagner », a analysé Ann-Renée Desbiens. Tantôt en explosant offensivement, tantôt en fermant le jeu aux attaques adverses.

Surtout, différentes joueuses semblent se démarquer dans les grandes occasions. En plus de Poulin et Desbiens dont les exploits ont été largement documentés, on a vu, au cours des derniers mois, exploser des joueuses comme Sarah Nurse et, plus récemment, Laura Stacey. Celle-ci a probablement été la joueuse canadienne la plus dominante, mercredi, multipliant les belles pièces de jeu et s’imposant physiquement à une défense américaine souvent déboussolée. Elle a, de fait, été directement à l’origine de trois buts de son camp.

Son entraîneur a dit de la patineuse de 28 ans qu’elle semblait avoir pleinement développé son statut d’attaquante de puissance, ce qui permet à ses habiletés de ressortir. « On l’a vu faire des jeux dignes d’une joueuse offensive de pointe, a salué Troy Ryan. C’est cool de la voir aller, de la voir embrasser son identité. Et c’est un plaisir de la coacher. »

Ça aussi, c’est une source d’inspiration, pour celles qui l’entourent tout comme pour ceux et celles qui, depuis les gradins, la regardent s’épanouir.

On savait cette équipe sur le bon chemin. La voilà, encore une fois, récompensée. On peut parier qu’elle n’est pas prête à s’arrêter là.