D’un côté, le gardien qui vient de connaître la saison la plus dominante des 20 dernières années. De l’autre, le pire gardien à accéder aux séries éliminatoires depuis 2011.

Exactement comme nous l’avions toutes et tous prédit, c’est une bourde monumentale du premier et une performance inspirée du second qui ont forcé la tenue d’un match numéro 6 entre les Bruins de Boston et les Panthers de la Floride.

Plusieurs éléments ont contribué à ce que les Panthers se sauvent du Massachusetts tels des voleurs au terme d’une victoire de 4-3 acquise en prolongation. Les hommes masqués, toutefois, ont écrit une grande partie de l’histoire.

Sergei Bobrovsky d’abord. Voilà un bon moment, déjà, qu’on ne parle plus de lui que pour son salaire pharaonique et son manque de fiabilité – surtout au regard du susmentionné salaire pharaonique. Rappelons-nous-le en début de série, assis au bout du banc, casquette sur la tête, pendant que le très oubliable Alex Lyon défendait le filet floridien. Une image tristement éloquente.

Depuis que le Russe s’est établi dans la LNH, en 2010-2011, aucun gardien n’a été pire que lui en séries. Sa moyenne de buts accordés de 3,18 et son taux d’efficacité de ,900 le plaçaient, avant le match de mercredi, au 33e et dernier rang parmi ceux qui ont amorcé au moins 25 rencontres dans l’intervalle. Son ratio de victoires par départ (0,35) le faisait monter d’un seul échelon.

PHOTO CHARLES KRUPA, ASSOCIATED PRESS

Sergei Bobrovsky (72) se déplace vers sa gauche pour stopper un tir de Tomas Nosek (92) en première période.

Or, Bobrovsky a été très bon, mercredi. Il effacerait volontiers le but accordé à Brad Marchand de la vidéocassette du match, mais sur ceux de Patrice Bergeron et de Taylor Hall, il est difficile de lui faire des reproches. Il s’est, au contraire, dressé devant le barrage de tirs que lui ont servis les oursons.

À l’évidence, les Bruins n’avaient pas envie de retourner à Sunrise, offrant leur performance la plus convaincante de la série jusque-là. Cela coïncidait, tenez donc, avec le retour de Patrice Bergeron dans la formation. En contrôlant 64 % des tentatives de tirs et 62 % des buts attendus à cinq contre cinq, les Bostoniens ont signé l’une des plus grandes dominations de ces jeunes séries 2023 de la LNH, selon le site Natural Stat Trick. Passé la première période, ils ont plus que doublé (38-18) le nombre de tirs cadrés de leurs adversaires. Bobrovsky, toutefois, s’est imposé.

Pas à la hauteur

À 200 pieds de lui, Linus Ullmark n’a tout simplement pas été à la hauteur. D’abord sur les buts numéros 2 et 3, marqués par Sam Bennett et Sam Reinhart, respectivement, alors qu’il semblait mal positionné. Ensuite, et surtout, en prolongation.

Sa tentative de dégagement nonchalante depuis l’arrière de son filet est devenue une passe parfaite à Carter Verheaghe, qui a rapidement retrouvé Matthew Tkachuk posté devant le but. Ce dernier s’est moqué du pauvre Ullmark, désormais étendu de tout son long dans son demi-cercle bleu.

On peut légitimement se demander si cette contre-performance du Suédois ne lui vaudra pas un match de punition.

Son adjoint Jeremy Swayman a été excellent pendant la saison. Ses statistiques n’ont pas été aussi étincelantes que celles d’Ullmark – moyenne de 1,89 et taux de ,938, du jamais vu depuis le début des années 2000 –, mais il a largement fait la preuve qu’il pouvait être une valeur sûre.

On se doute que cela contribuera à alimenter les conversations d’ici au duel suivant, prévu vendredi. Et comme on ne boude jamais une bonne controverse de gardiens de but, personne ne s’en porte plus mal.

Marge amincie

Il y a évidemment la question des gardiens, mais ce serait un peu court de résumer l’état des lieux à ce seul aspect du jeu.

Devant les représentants des médias sur place après la rencontre (La Presse a suivi le match de Montréal), Jim Montgomery, entraîneur-chef des Bruins, a cerné en gros les problèmes collectifs à corriger.

« On semble faire de grosses erreurs ces temps-ci », a-t-il dit. Surtout à domicile, selon lui. De fait, même en convenant que cette catégorie statistique est imparfaite, on remarque en effet que les Bruins ont été victimes de 17 revirements contre 10.

Il a déploré la « gestion du match » de son club, qui a dépensé beaucoup d’énergie à tenter de combler un déficit : 1-0, puis 2-1, puis 3-2. Son équipe, a-t-il fait remarquer, ne s’est pas présentée « à l’heure ». Ce sont bel et bien les Panthers qui avaient le dessus en première période. Il y aura un examen approfondi à mener, et rapidement.

Certaines performances individuelles méritent aussi que l’on s’y attarde. Hampus Lindholm, l’un des défenseurs les plus prolifiques du circuit pendant la saison, n’a encore récolté aucun point. David Pastrnak, auteur de 61 buts avant le début des séries, n’en a inscrit que 2 depuis le début de celles-ci. Il a connu un bon match avec Patrice Bergeron et Brad Marchand, mais il a encore été blanchi.

La marge d’erreur des Bruins, soudain, vient de se réduire à bien peu de chose. S’il y a une équipe qui peut rebondir, c’est bien celle-là. Il faudrait toutefois que ça se passe.

Car à l’aube d’un match numéro 7, après une hypothétique défaite additionnelle en Floride, et avec la perspective réelle d’une élimination au premier tour, plus personne ne s’intéresserait à leur saison record de 65 victoires.

Ce serait bien dommage d’avoir fait tout ça pour rien.

Le match numéro 6 aura lieu vendredi à 19 h 30.