Il n’a jamais été le plus doué. Mais il a toujours « tout laissé sur la glace ». Au terme d’une carrière quasi improbable qui l’a amené à disputer 930 matchs dans la LNH avec neuf clubs différents, Nate Thompson pose ses valises.

L’attaquant américain, qui a passé une saison et demie avec le Canadien, a annoncé sa retraite au cours des derniers jours. « Depuis que j’ai 4 ans, le hockey a été ma vie et mon meilleur ami », a-t-il écrit sur son compte Twitter. À bientôt 39 ans, même s’il sait qu’un inévitable deuil l’attend, il est en paix avec sa décision.

« Je m’étais toujours dit : le jour où je ne voudrai plus m’entraîner, ce sera le moment d’arrêter, a-t-il expliqué à La Presse, vendredi. J’adore aller au gym. Mais je n’étais plus certain que je voulais le faire comme un joueur de hockey. Quand je l’ai réalisé, j’ai su que c’était terminé. »

Il était déjà bien conscient que la LNH ne lui était plus accessible. En 2021-2022, avec les Flyers de Philadelphie, il a été limité à 33 matchs, au cours desquels il n’a récolté que trois points, mais a accumulé un différentiel de -15.

Il est depuis longtemps étiqueté comme un joueur de quatrième trio ; malgré tout, sauver son poste devenait de plus en plus difficile.

Il s’est donné une ultime chance de jouer à un haut niveau en s’engageant avec le Reign d’Ontario, équipe de la Ligue américaine dirigée par son ex-coéquipier Marco Sturm. Il s’est réadapté à ce circuit, au sein duquel il n’avait pas joué à temps plein depuis 15 ans.

Il aurait sans doute pu se retrouver du boulot, à Ontario ou ailleurs. Or, le voilà aujourd’hui père d’une fille de 4 mois. La petite famille est établie à Los Angeles. Et presque deux décennies se sont écoulées depuis ses premiers pas chez les professionnels. « C’était le temps de passer à un autre chapitre, a-t-il convenu. Ç’aura été toute une aventure… »

Émotions

Habité par un « mélange d’émotions », il se doute que la fin de l’été sera difficile lorsque, pour la première fois depuis une éternité, il ne se rendra pas à un camp d’entraînement.

Il s’ennuiera du hockey, mais peut-être encore davantage de ses acteurs, qu’il a eu un plaisir fou à côtoyer au fil des années. Coéquipiers, entraîneurs, thérapeutes, personnel de soutien : il dit s’être fait « des amis pour la vie » partout où il est passé. Ce qui n’est pas une mince affaire, sachant qu’il a joué à Boston, à Long Island, à Tampa, à Anaheim, à Ottawa, à Los Angeles, à Montréal, à Philadelphie (deux fois) et à Winnipeg.

Il entretient encore des amitiés tissées à Providence, où évolue le club-école des Bruins de Boston. Organisation qu’il a quittée en… 2008.

PHOTO DAN HAMILTON, USA TODAY SPORTS

Nate Thompson (à droite), alors avec les Flyers de Philadelphie, tout juste après l’élimination du Canadien en six matchs contre les Flyers de Philadelphie en août 2020.

Je me sens privilégié d’avoir croisé tous ces gens. Je chéris cette chance que j’aie eue.

Nate Thompson

Le représentant de La Presse n’a pas caché sa surprise, plus tôt cette semaine, d’entendre la voix du nouveau retraité moins d’une heure après avoir envoyé, à tout hasard, un courriel à son agent.

« Je suis un gars qui rappelle », a-t-il rétorqué en riant.

Pendant son passage à Montréal, en 2019 et en 2020, il a eu un impact important sur ses coéquipiers, surtout les plus jeunes. Son séjour, quoique long d’à peine un an, lui a laissé un souvenir impérissable. « Je me suis totalement immergé dans la ville et dans l’équipe, dit-il. Ç’a été un privilège de porter cet uniforme. »

Dans un portrait de Thompson publié en janvier 2020, Nick Suzuki, Ryan Poehling et Victor Mete témoignaient élogieusement de l’ascendant qu’avait sur eux ce vieux routier. C’est d’ailleurs chez le Canadien que le surnom « Uncle Nate » lui a été attribué. Il avait même, le temps de quelques matchs, été nommé adjoint au capitaine.

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Il s’est fait une fierté, au fil du temps, de devenir un modèle dans le vestiaire.

Spontanément, il rappelle à quel point Martin St-Louis, à l’époque, avait été une inspiration pour lui à Tampa. « Il a joué un rôle important dans mon développement », précise Thompson.

« Comme jeune joueur, tu regardes ces gars, comment ils se comportent, comment ils travaillent chaque jour, comment ils se préparent… Je suis devenu une éponge. J’ai appris d’eux et j’ai tenté de le reproduire avec les jeunes. C’est une évolution naturelle. »

PHOTO BERNARD BRAULT, ARCHIVES LA PRESSE

Nate Thompson en mars 2021, de retour au Centre Bell dans l’uniforme des Jets de Winnipeg

Choix de vie

Un évènement marquant est toutefois indissociable de son évolution personnelle.

En 2016, alors qu’il jouait pour les Ducks d’Anaheim, il a amorcé un combat pour vaincre sa dépendance à l’alcool et à la drogue. Ses dépendances remontaient à la fin de son enfance, a-t-il révélé dans une entrevue au réseau Sportsnet.

Ce « choix de vie » n’a pas été un catalyseur que dans sa vie personnelle : il a carrément relancé sa carrière, croit-il. « Je n’aurais jamais pu jouer aussi longtemps. »

À mesure que passe le temps, ses vieux démons sont de plus en plus faciles à maîtriser. Mais le combat n’est jamais terminé.

« Je me garde occupé et je fais beaucoup de choses pour rester heureux, souligne-t-il. Et si je ne me sens pas bien, j’essaie d’être le plus ouvert possible. J’espère que ça puisse aider les autres aussi. »

Ce n’est pas vraiment une surprise de l’entendre utiliser le mot « adversité » pour résumer sa carrière. Celle qu’il a dû surmonter pour faire sa place dans cette ligue, puis pour la garder. Et celle qu’il a affrontée pour reprendre le contrôle de sa propre vie.

Thompson se retire ainsi avec le sentiment du travail accompli. « J’ai tout laissé sur la glace. Je pense que je peux regarder en arrière et dire que je ne regrette rien. »

Il souhaite rester dans le monde du hockey, même s’il ne sait pas encore dans quel rôle.

Avec l’impression qu’il a laissée derrière lui aux quatre coins de l’Amérique, il y aura certainement une place quelque part pour Oncle Nate.

Nate Thompson en bref

  • Né le 5 octobre 1984 à Anchorage, en Alaska
  • Choix de 6tour (183au total) des Bruins de Boston en 2003
  • Il a disputé 844 matchs en saison et 86 autres en séries éliminatoires.
  • Il a marqué 65 buts et amassé 144 points en saison.
  • Il n’a jamais remporté la Coupe Stanley, mais a atteint deux fois une finale de conférence (Tampa, 2011 ; Anaheim, 2017).