Malgré tout l’attachement qu’elle a pu avoir pour les défuntes Canadiennes de Montréal, Marie-Philip Poulin est habitée, depuis quelques jours, d’un sentiment qu’elle n’avait jamais éprouvé auparavant.

À 32 ans, celle qui est considérée comme la meilleure joueuse du monde a apposé sa signature au bas d’un contrat qui fait d’elle, pour la première fois de sa carrière, une joueuse professionnelle en bonne et due forme.

La Ligue canadienne, qui a brusquement interrompu ses activités en 2019, traitait bien ses joueuses. Mais celles-ci gagnaient, au mieux, quelques milliers de dollars.

La nouvelle Ligue professionnelle de hockey féminin (LPHF), qui lancera sa première saison en janvier prochain, est ailleurs : des salaires décents, des allocations de logement, des assurances, des congés de maternité, du personnel de soutien… Soudain, la notion de professionnalisme n’est plus seulement une lettre dans un sigle.

PHOTO MARTIN CHAMBERLAND, LA PRESSE

Marie-Philip Poulin

Oui, c’est un rêve de jouer pour le Canada, de jouer aux Jeux olympiques, mais on peut enfin dire aux petites filles qu’elles peuvent en faire un travail. Quand tu parles aux petits gars, ils vont dire qu’ils veulent jouer pour le Canadien de Montréal avant l’équipe canadienne.

Marie-Philip Poulin

La joueuse de centre fait partie, avec l’attaquante Laura Stacey et la gardienne Ann-Renée Desbiens, des premières membres de la nouvelle franchise montréalaise. Le trio a été présenté aux journalistes montréalais à l’Auditorium de Verdun, jeudi.

Lorsque la Ligue canadienne a annoncé sa dissolution, sans préavis, au printemps 2019, les joueuses ont convenu de faire un pas de côté. Malgré une offre, à l’époque, de créer de nouvelles équipes dans la Ligue nationale de hockey féminin (NWHL, devenue la Premier Hockey Federation par la suite), les conditions qu’on y offrait n’étaient pas à la hauteur de leurs attentes. Elles ont donc créé une association et travaillé, patiemment, sur un nouveau modèle d’affaires.

Voici donc la LPHF qui, avec de solides assises financières, pourrait faire en sorte que cette fois soit la bonne. Enfin la bonne, plutôt.

« On savait ce qu’on voulait, confirme Marie-Philip Poulin. On a assemblé toutes les pièces du casse-tête. »

Les joueuses sont conscientes que rien n’est parfait et que le modèle en place évoluera. La mouture actuelle, néanmoins, « fait en sorte qu’on se sent comme des professionnelles », abonde Ann-Renée Desbiens.

PHOTO MARTIN CHAMBERLAND, ARCHIVES LA PRESSE

Ann-Renée Desbiens (35)

« C’est beaucoup de petites choses qui vont aider à long terme et qui vont nous permettre de nous concentrer sur le hockey », ajoute-t-elle, en référence à celles qui n’auront plus besoin d’avoir un emploi additionnel pour joindre les deux bouts.

Trio de choc

Depuis vendredi dernier, les six équipes de la ligue pouvaient embaucher jusqu’à trois joueuses autonomes. Les dirigeants compléteront leurs formations par le truchement d’un repêchage de 15 tours le 18 septembre prochain.

En réunissant Poulin, Desbiens et Laura Stacey, la directrice générale Danièle Sauvageau a frappé ni plus ni moins qu’un coup de circuit. Elle avait quatre noms en tête, a-t-elle révélé, mais la position de Montréal au repêchage au premier tour (sixième rang) l’a incitée à miser sur ce trio.

PHOTO MARTIN CHAMBERLAND, LA PRESSE

La directrice générale de l’équipe de Montréal, Danièle Sauvageau

Poulin et Desbiens, qui se passent de présentation, ont reçu d’autres offres, mais choisir Montréal était tout naturel et n’a pas demandé une longue réflexion, ont-elles expliqué. Quant à Stacey, moins connue du public montréalais, elle est établie dans la métropole et s’y entraîne depuis plusieurs années. Originaire de la région de Toronto, elle a reçu un appel de la franchise de la Ville Reine, mais elle a préféré rester à sa nouvelle maison.

Double médaillée olympique et double championne du monde, cette attaquante de puissance a surtout été utilisée sur un troisième trio dans l’équipe nationale, dans l’ombre de grandes vedettes offensives. Son tir, son gabarit et sa vitesse devraient toutefois en faire une joueuse d’impact dans la nouvelle ligue. « C’est quelqu’un que tu veux avoir dans ton équipe ! a résumé Ann-Renée Desbiens. Au cours des dernières années, j’ai pu observer son progrès exceptionnel. Ça va être fascinant de la voir aller. »

Comme ses coéquipières, Stacey, qui s’exprime en français, a parlé d’un rêve devenu réalité.

PHOTO MARTIN CHAMBERLAND, LA PRESSE

Laura Stacey et Ann-Renée Desbiens

Surtout, elle se réjouit que le hockey féminin redevienne « visible dans l’œil du public ».

Les dernières années ont en effet été marquées par une division au sein de ce sport, qui créait une certaine confusion parmi les amateurs. La Force de Montréal, dans la défunte PHF, a rallié des partisans, mais comme les olympiennes boudaient cette ligue, sa notoriété en souffrait forcément.

« Les partisans sont là, a rappelé Stacey. On le voit chaque fois que le Canada et les États-Unis s’affrontent, car les arénas sont pleins. Mais autrement, ils ne savaient pas où aller. Cette nouvelle ligue, c’est la meilleure chose qui pouvait arriver. On veut créer une culture gagnante et, avec une bonne visibilité, les partisans seront au rendez-vous. »

PHOTO MARTIN CHAMBERLAND, ARCHIVES LA PRESSE

Laura Stacey (7)

Il reste encore beaucoup à accomplir au cours des prochains mois. L’identité de l’entraîneure ou de l’entraîneur en chef devrait être révélée bientôt. On connaîtra aussi tôt ou tard le nom et les couleurs du club.

Attendre jusqu’en janvier, « c’est vraiment long », a convenu Ann-Renée Desbiens.

L’arrivée du mois de septembre rime généralement avec le retour à l’aréna. Il faudra toutefois encore un peu de patience, reconnaît la gardienne. « Il y a encore du progrès à faire avant qu’on soit prêtes. »

À court terme, elle se rendra au camp de sélection de Hockey Canada la semaine prochaine. Mais c’est néanmoins la nouvelle ligue qui, plus que jamais, est dans son viseur.

« On a assez pratiqué. On veut disputer des matchs et représenter Montréal. »