(Buffalo) Il y a un an, Joshua Fleming était retranché du camp du Titan d’Acadie-Bathurst. À bientôt 18 ans, le Montréalais était incapable de se tailler une place dans la LHJMQ, une ligue que les joueurs qui aspirent à la LNH atteignent à 16 ans.

Un an plus tard, Fleming a posé un premier pied dans la LNH, en quelque sorte. Un seul, parce que les Sabres l’ont simplement invité à leur tournoi des recrues. Il n’est pas repêché, il ne détient pas de contrat.

Mais il était là, jeudi matin, sur la patinoire du LECOM Harborcenter, à recevoir des tirs de Matt Savoie, de Zach Benson, de Jiri Kulich et des meilleurs espoirs des Sabres, des joueurs qui atteindront la LNH avant longtemps.

Et à compter de vendredi, il affrontera les tirs des jeunes d’autres équipes, à l’occasion du tournoi des recrues des Sabres, qui regroupe les espoirs de six clubs, dont ceux du Canadien.

Ce dénouement aurait été impossible à prévoir à pareille date l’an dernier, quand ce Roxborite a dû se présenter aux Rapides de Grand-Sault, de la ligue junior A des Maritimes. Et si on lui avait alors dit qu’il serait à un camp de la LNH un an plus tard ?

« Je ne t’aurais pas cru ! répond-il spontanément à La Presse, après l’entraînement. C’est sûr que c’était dur d’être retranché, donc je n’aurais jamais pensé être ici. Mais ça m’a montré qu’à l’avenir, si je vis encore quelque chose comme ça, tout est possible. Je ne dois jamais abandonner. »

Pas de place

Sur le site de référence Elite Prospects, Fleming n’a pas la fiche typique du joueur invité à un camp de la LNH. C’est seulement à 17 ans qu’il a cumulé ses premières statistiques au niveau midget AAA, avec les Lions du Lac-St-Louis. L’annulation de la saison 2020-2021 en raison de la pandémie l’a privé d’une année, mais avant cela, il avait joué pour l’école secondaire John-Rennie, au niveau juvénile. Pas exactement la voie rapide vers la LNH.

« Josh est né tard dans l’année [en novembre], il était plus petit que les autres », se souvient Marco Raimondo, entraîneur de gardiens qui dirige Fleming en été.

Il a toujours eu du talent, mais dans son année [2004], chez les Lions, il y avait beaucoup de bons gardiens devant lui. C’est comme ça au Québec, des fois. Tu as une région très forte une certaine année et il ne reste plus de place.

Marco Raimondo, entraîneur de gardiens, à propos de Joshua Fleming

En 2021-2022, il a fini par jouer un peu plus avec les Lions, et a même obtenu un rappel avec Acadie-Bathurst. Mais il a conclu ses trois matchs avec une moyenne de 6,01. Au camp du Titan, l’automne dernier, il était encore chétif et a fini par se blesser.

« Même s’il avait 18 ans, on voyait qu’il n’était pas prêt physiquement, se souvient Gordie Dwyer, entraîneur-chef du Titan, au bout du fil. Il était encore en croissance. Il était à 5 pi 10 po, même pas 150 lb. Il a eu un camp moyen et il s’est blessé à un genou en match hors-concours. Le mieux, c’était qu’il commence dans le junior A. Il s’est rétabli et a gagné confiance. Avec la perte de Jan Bednar, la chance s’est présentée, et il l’a saisie pour s’établir comme gardien no 1. »

Les conditions n’étaient pas optimales à Bathurst. À la mi-saison, le Titan a échangé Riley Kidney et Jacob Melanson, ses deux meilleurs marqueurs. « C’était une des pires équipes au pays et il a eu une efficacité en haut de ,900 », s’émerveille Raimondo.

Pourtant, aucune équipe ne l’a repêché l’été dernier, même si Dwyer se souvient de recruteurs qui le contactaient « pour savoir quels matchs il allait jouer » en fin de saison.

Malgré sa poussée de croissance, Fleming restait frêle physiquement. En fin de saison, l’équipe avait organisé des tests physiques, pour mesurer où les joueurs en étaient. Ils devaient notamment faire des tractions, bref, de bons vieux chin-up.

« J’en ai seulement réussi un ou deux, se souvient-il. J’y ai travaillé cet été et j’étais capable d’en faire une dizaine en revenant au camp. Ce travail, je le ressens sur la patinoire. »

Aujourd’hui, Fleming est répertorié à 6 pi 1 po, bien que Dwyer affirme qu’il mesure en fait 6 pi 2 po et pèse 164 lb.

L’inspiration

Fleming aimerait maintenant faire taire ses détracteurs, un peu à la façon d’un autre gardien de son coin de pays et qui fait partie des Sabres. Un certain Devon Levi.

Levi n’est toujours pas établi dans la LNH, mais le simple fait que les Sabres l’exemptent du tournoi des recrues, même s’il amorce sa première saison complète chez les pros, en dit long sur les intentions de l’équipe.

PHOTO ADRIAN KRAUS, ARCHIVES ASSOCIATED PRESS

Le gardien de but Devon Levi lors de son premier départ dans la LNH, en mars dernier dans l’uniforme des Sabres de Buffalo

Si les recruteurs de 2020 avaient su quelle carrière universitaire Devon Levi allait connaître, le Montréalais n’aurait sans doute pas séché jusqu’au 212rang du repêchage.

Dans le petit monde du hockey de l’Ouest-de-l’Île, Levi et Fleming se côtoient, puisqu’ils sont tous les deux entraînés par Raimondo en été. « Nos gardiens voient les habitudes de travail, les priorités dans la game de Devon. C’est sûr que ça a un gros effet sur Josh », estime Raimondo.

« J’espère être dans la position de Devon un jour, dit Fleming. Il était négligé, lui aussi, il a été repêché loin, il est petit, mais il a surmonté ces obstacles. C’est cool de voir un gars de ta ville devenir un joueur de la LNH. Ça m’inspire à pousser, à faire mon chemin. »

Un autre Savoie au camp

GUILLAUME LEFRANÇOIS

Nicolas Savoie

Le relationniste des Sabres vient nous annoncer que Nicolas Savoie sera bientôt prêt pour son entrevue. « Est-ce qu’il prononce Savoy, ou c’est différent ? », demande le sympathique Chris Dierken. La question est légitime, car le premier choix des Sabres au repêchage 2022, Matt Savoie, prononce son nom de famille à l’anglaise, lui qui vient de l’Alberta. Nicolas Savoie, lui, est plutôt originaire de Dieppe, au Nouveau-Brunswick. Le voici au camp des recrues des Sabres en vertu d’un contrat de la Ligue américaine. Le défenseur avait une belle carte de visite : il vient d’aider les Remparts à remporter la Coupe Memorial, en faisant ce qu’il qualifie de « petites choses qui font la différence, comme bloquer des tirs, prendre des hits, sortir la rondelle ».

Le cas de Savoie est intéressant, car avant de se présenter chez les Remparts, en 2018, il aurait pu passer par les collèges américains. Il pouvait être admis à Providence College en 2021. S’il avait opté pour la NCAA, il aurait donc eu la possibilité d’attendre à 2025 avant de passer chez les pros et aurait pu décrocher un diplôme universitaire. En revanche, il n’aurait pas pu toucher un salaire de joueur professionnel, ce qu’il fera à compter de cet automne. « C’est facile de dire que j’aurais pu aller de l’autre bord, mais je suis satisfait de ma décision, affirme-t-il. J’ai adoré mes cinq années à Québec. Peu importe ce qui va se passer à partir de maintenant, l’année ou deux de plus à l’université n’aurait rien changé. »