Pascal Vincent a attendu 12 ans avant de réaliser son rêve de devenir entraîneur-chef dans la Ligue nationale de hockey. Douze saisons à rouler sa bosse comme adjoint chez les Jets de Winnipeg, entraîneur-chef de leur club-école, puis entraîneur associé depuis deux ans à Columbus.

La conférence de presse pour annoncer son embauche, lundi midi, aurait dû lui être entièrement consacrée, mais la décision de l’organisation d’embaucher, quelques mois plus tôt, un entraîneur, Mike Babcock, chassé de la LNH pour ses méthodes tortionnaires et parfois cruelles, a assombri son jour de gloire.

Babcock a été congédié en catastrophe le week-end dernier à la suite d’une enquête menée conjointement par la LNH et l’Association des joueurs. Il aurait demandé à ses joueurs de leur fournir le contenu de leur téléphone cellulaire pour apprendre à les connaître, mais certains ont mal réagi à cette intrusion dans leur vie privée.

Pascal Vincent a opté pour la sobriété devant les journalistes de Columbus. Pavoiser ou évoquer un vieux rêve n’aurait pas été de bon ton dans les circonstances, de toute évidence.

« Les derniers jours ont été difficiles, a confié Vincent. Difficiles, ces trois derniers jours, comprenez-moi bien. Qu’est-ce que vous faites dans de telles circonstances ? Vous allez de l’avant. »

Les joueurs méritent que les coachs soient prêts pour le début du camp d’entraînement, et nous le serons.

Pascal Vincent

L’embauche de Babcock le 1er juillet avait pourtant suscité beaucoup de scepticisme en raison de méthodes qui lui ont valu un congédiement à Toronto en novembre 2019.

« Peut-être ces gens avaient-ils raison, a admis piteusement le président des Blue Jackets, John Davidson. On a pourtant fait beaucoup de recherche, nous avons interrogé beaucoup de gens crédibles dans le milieu et rencontré Mike à plusieurs reprises. Il est venu chez moi à Columbus. Malgré tout, nous avons erré. Je comprends les critiques. Elles sont méritées. Je suis très déçu. Il s’agit de l’un des moments les plus difficiles de ma longue carrière. On va apprendre de nos erreurs. »

« Nous sommes chanceux »

L’histoire a été éventée la semaine dernière par l’ancien joueur et animateur de la populaire balado Spittin’ Chiclets Paul Bissonnette, qui dit avoir reçu les confidences de joueurs à cet effet. La LNH et l’Association des joueurs n’ont pas tardé à réagir.

« J’ai reçu un appel [du commissaire] Gary Bettman et de son personnel, dont Bill Daly vendredi, a révélé Davidson, pendant le tournoi des recrues à Traverse City. Nous avons vite digéré l’information et Jarmo [Kekäläinen, directeur général des Blue Jackets] et moi avons rencontré Mike Babcock. Notre décision était inévitable. Il n’y avait pas d’autre solution. Nous sommes d’anciens joueurs, ça n’allait pas passer auprès de nos joueurs. »

Kekäläinen était contrit, comme son président.

« J’ai eu une réunion avec les joueurs ce matin et je me suis excusé auprès d’eux. Je suis extrêmement déçu des évènements de la dernière semaine. Je croyais que Mike méritait une autre chance. Ce fut une erreur et j’en prends la responsabilité.

« Même s’il n’y avait pas de mauvaise foi de sa part, des joueurs n’étaient pas à l’aise avec ses méthodes. Mike et moi avons aussi partagé des photos pour apprendre à nous connaître et j’étais à l’aise avec le processus, mais pas certains de nos joueurs, et ils devraient être traités avec respect en tout temps. Sommes-nous parfaits ? Non. Pouvons-nous faire mieux ? Oui. »

Vincent, entraîneur des Screaming Eagles du Cap-Breton de 1999 à 2008, puis du Junior de Montréal de 2008 à 2011, dans la Ligue de hockey junior majeur du Québec, avait presque obtenu le poste cet été, a révélé Kekäläinen.

« Pascal était un candidat sérieux et nous sommes chanceux de l’avoir pour mener notre équipe, même si nous ne l’avons pas placé dans une situation facile. C’est triste de parler de tout ça en ce moment parce que je n’ai pas été aussi emballé par notre équipe depuis longtemps. Nous avons une solide banque d’espoirs. »

Les Blue Jackets ont un noyau constitué du défenseur Zach Werenski et des attaquants Johnny Gaudreau, Patrik Laine et Boone Jenner. Ils comptent sur de nombreux jeunes joueurs de talent, parmi lesquels le troisième choix au total cet été, Adam Fantilli, Kent Johnson, Cole Sillinger et le défenseur David Jiříček, tous de hauts choix au repêchage.

J’ai l’avantage de connaître les joueurs. Je les côtoie depuis deux ans. Nous avons un bon vestiaire. Ce n’est pas un problème.

Pascal Vincent

Le nouvel entraîneur des Blue Jackets n’aura pas de grands ajustements à faire. « Nous avons eu de nombreuses réunions cet été, Mike et moi, pour préparer la saison et nous étions sur la même longueur d’onde.

« On avait une bonne relation. C’est un très bon entraîneur. Le système sera donc sensiblement le même que ce qui a été discuté, et différent de celui de l’an dernier. Nous aurons une équipe rapide, disciplinée, travaillante. »

Pascal Vincent devient le quatrième entraîneur-chef francophone dans la LNH après André Tourigny (Coyotes de l’Arizona), Jim Montgomery (Bruins de Boston) et Martin St-Louis (Canadien de Montréal).