C’est de Langley, en Colombie-Britannique, que Vaughn Karpan nous appelle. Ça peut paraître lointain, mais c’est en partie là qu’a commencé la longue association entre Paul Byron et le Canadien.

Karpan est aujourd’hui adjoint au directeur général des Golden Knights de Vegas, mais il travaillait auparavant comme recruteur professionnel pour le Tricolore. De chez lui, le club de la Ligue américaine le plus accessible était Abbotsford, filiale des Flames où Byron a joué entre 2011 et 2014.

On avance à l’automne 2015. Byron se remet d’une opération à l’aine et la guérison ne se déroule pas comme prévu. Il est limité à deux matchs préparatoires, un mince échantillon pour se faire valoir.

Mais Karpan a assisté à un de ces matchs, et en plus, il possède un échantillon plus large avec les matchs à Abbotsford.

« Ils étaient plusieurs à se battre pour deux postes, donc on savait qu’ils allaient devoir soumettre plusieurs noms au ballottage, se souvient Karpan. Après le match, j’écoutais la radio et il accordait une entrevue où il expliquait qu’il se remettait de sa blessure. Et le lendemain matin, il était au ballottage ! »

Le souvenir qu’il garde de ce match ?

Chaque fois qu’il était sur la glace, son équipe semblait gagner la présence. Sa vitesse a toujours été une force. Il était petit, mais il avait cet élément. Donc j’ai regardé notre équipe. On avait plusieurs jeunes qui n’étaient pas prêts, et je me suis dit qu’il était meilleur que ce qu’on avait. J’en ai parlé à Marc [Bergevin].

Vaughn Karpan, ancien recruteur du Canadien

À ce stade-ci, il est facile de dire que la suite fait partie de l’histoire, que Byron a immédiatement saisi sa chance, mais la réalité est plus complexe. L’Ottavien est arrivé à Montréal comme 13attaquant, et il est resté cantonné dans ce rôle pour les 10 premiers matchs de la saison. Matchs qu’il a donc regardés de la passerelle, jusqu’à ce que le bon vieil Alexander Semin réussisse à perdre sa place dans la formation.

« À la fin d’octobre, l’équipe allait dans l’Ouest. À Edmonton, je suis allé le voir pour me présenter à lui. Je lui ai dit que son tour s’en venait. Et le lendemain, à Calgary, il marquait son premier but avec Montréal. »

Là, le reste fait réellement partie de l’histoire. Avec sa vitesse et sa fougue, Byron a cimenté sa place de couteau suisse de l’attaque montréalaise. « C’était un gars qui rendait ses trios meilleurs. Mike [Therrien] ou Claude [Julien] pouvaient le mettre sur n’importe quel trio pour donner une étincelle », se souvient Dan Lacroix, entraîneur adjoint de 2014 à 2018 à Montréal.

Byron a connu une carrière plus qu’enviable. Combien de joueurs récupérés au ballottage peuvent se targuer d’avoir connu deux saisons de 20 buts, d’être devenus assistants, d’avoir connu un tel parcours qu’ils se font offrir un emploi dans l’organisation dès leur retraite ?

« Des joueurs comme lui font paraître des gars comme moi pas mal plus intelligents qu’on ne l’est réellement ! dit Karpan avec une touche d’autodérision. Le mérite lui revient, il n’a jamais abandonné, il a gagné le respect des coachs et il est devenu un meneur. Il a saisi sa chance. »

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Karpan n’était pas le premier recruteur à bien paraître grâce à Byron.

En 2006, pendant son premier séjour à la barre des Olympiques de Hull, Benoît Groulx s’est fait tirer l’oreille par Dave Kingsbury pour aller voir un petit attaquant qui faisait tourner les têtes.

« Je venais de donner la consigne à nos recruteurs qu’il fallait se grossir, se souvient Groulx. On va le voir en séries, il jouait pour Ottawa-West. Je ne suis pas sûr des détails, mais ça avait fini quelque chose comme 9-8 et il avait eu 1 but et 6 passes. C’était le meilleur joueur du match. Mais il s’était fait brasser le Canadien ! »

« Monsieur Henry [Charles, propriétaire des Olympiques] me regarde. « On fait quoi avec ça ? » Je lui dis : « Il fait 5 pi 7, 132 lb. La prochaine étape, c’est le junior majeur, pas le junior B ! » Notre dépisteur n’était pas content, il disait : « Voyons, c’est le meilleur joueur sur la glace. » Il le connaissait depuis qu’il était pee-wee, il était convaincu de son coup. »

Après moult tergiversations, Benoît Groulx recrute Paul Byron. Après une saison 2006-2007 encourageante, Byron explose l’année suivante. Lui et un certain Claude Giroux mènent les Olympiques à la conquête de la Coupe du président.

Groulx en a eu pour son argent, mais il n’a pas été le seul. À l’approche du repêchage de 2007, un certain Al MacAdam l’approche. MacAdam est une ancienne gloire des North Stars du Minnesota, qui était alors recruteur pour les Sabres de Buffalo.

« Al vient me voir. Il dit : « Moi, c’est le 20 que j’aime dans ton club. Est-ce que je me trompe ? » Je dis : « Non. » Il dit : « Je pense qu’il va jouer dans la LNH. Est-ce que je me trompe ? » Je dis : « Non. » Il est revenu me voir au repêchage. « Si je le repêche, est-ce que je vais avoir l’air fou ? » Je lui ai dit : « Non, tu ne te tromperas pas. » »

Les Sabres l’ont finalement réclamé au 6tour, 179e au total. Byron aura donné deux bonnes années dans la Ligue américaine avant d’être échangé aux Flames.

« David Kingsbury, on ne parle pas de lui, mais c’est lui qui nous a amenés le voir. Al MacAdam, personne ne parle de lui, mais il a parlé pour lui aux Sabres, constate Groulx. Tout le monde a joué son rôle. Mais Paul a été l’acteur de tout ça, c’est lui qui a forcé la main à tout le monde. Des gens sont là pour ouvrir la porte, mais il faut qu’il fasse la job. »

Le courage

Comment Byron a-t-il fait pour déjouer les pronostics ? Pour Benoît Groulx, son courage y est pour beaucoup.

Le junior B, en 2006-2007, c’est un autre genre de hockey. Pas grand-monde n’aimerait y retourner ! Il s’est fait brasser, c’était la demi-finale. J’ai vu son caractère, sa détermination. Sa passion était flagrante. C’était le plus jeune, et c’était le meilleur. Les clubs ont essayé de l’intimider, ça n’a pas marché.

Benoît Groulx

Dan Lacroix dirige aujourd’hui les Wildcats de Moncton, dans la LHJMQ. Et il lui est arrivé de citer Paul Byron en exemple, surtout à ses joueurs de petite taille.

« Certains joueurs, physiquement, se laissent intimider. Ce n’est pas tout le monde qui peut grossir. Des gars naissent avec une certaine ossature et ils ne peuvent pas monter à 200 lb. Paul Byron, il n’est pas imposant. Mais il est courageux et il est fort. C’est un qualificatif qu’on n’utilise pas assez souvent, « courageux ». Il avait de la hargne, il fonçait dans le tas. Tous les étés, il revenait plus en forme, plus gros, plus fort. Et il n’est pas bâti comme Shea Weber ! Donc. pour des gars plus petits, je l’ai donné en exemple. »

Qui est Paul Byron ?

  • Ailier de 34 ans, originaire d’Ottawa
  • Repêché au 6e tour (179e au total) par les Sabres de Buffalo en 2007
  • Auteur de 98 buts et 110 aides pour 208 points en 521 matchs dans la LNH
  • Sommets personnels de 22 buts, 21 aides et 43 points en 2016-2017
  • 12e de l’histoire du Canadien avec 9 buts en désavantage numérique