Le calcul est éminemment complexe, mais risquons-nous-y quand même : avec huit joueurs recrues qui ont disputé au moins 34 matchs avec le Tricolore la saison dernière, on peut estimer que jusqu’à huit Montréalais s’apprêtent à amorcer leur deuxième année dans la LNH.

Le Canadien de 2023-2024 sera moins jeune que celui de la saison précédente, mais sa moyenne d’âge sera inférieure à celle de 29 équipes de la LNH, calcule le site Elite Prospects.

L’un des défis de la prochaine campagne sera donc de prévenir le plus possible la guigne de la deuxième année. Ce phénomène, documenté, décrit la chute des performances à la suite d’une première expérience fructueuse, que ce soit sur le plan scolaire, artistique ou, dans le cas qui nous occupe, sportif. Par exemple, parmi les 10 meilleurs pointeurs chez les recrues de la LNH en 2021-2022, 6 ont vu leur production offensive chuter dans une proportion de 12,5 % à 53,5 % la saison suivante.

Chez le Canadien, pas moins du tiers de la formation devra se méfier de cette guigne. « C’est sûr que ça existe », a d’ailleurs reconnu vendredi l’entraîneur-chef Martin St-Louis. Celui-ci a identifié deux remèdes pour s’en prémunir : la discipline et la constance.

Si tu penses que tu es déjà établi dans cette ligue et que tu perds ta discipline, tu vas perdre ta constance : c’est un effet domino. Il faut éliminer les raisons pour lesquelles tu ne travaillerais pas assez fort, tu n’aurais pas la bonne attitude.

Martin St-Louis, entraîneur-chef du Canadien

Ce n’est toutefois pas un thème qu’il abordera avec ses hommes, à moins d’y être forcé, comprend-on.

« On n’est pas obligés de les faire penser à ça, a-t-il repris. Il faut rester positif. Je ne veux pas mettre de l’attention là-dessus et créer une énergie négative. »

Ne pas réparer ce qui n’est pas brisé, en somme.

« Faire ses preuves »

Brendan Gallagher a prêché dans le même sens : « Il ne faut jamais se sentir en position confortable », tout comme « il ne faut jamais rien tenir pour acquis ».

PHOTO DOMINICK GRAVEL, ARCHIVES LA PRESSE

Brendan Gallagher

Le sondage n’est pas exhaustif, mais le message semble déjà reçu par certains candidats. À commencer par les deux recrues les plus prolifiques de l’an dernier.

« C’est la mentalité que n’importe quel joueur doit avoir au camp, a estimé Rafaël Harvey-Pinard. Il faut faire ses preuves chaque année. On en a parlé, dans les premières conférences qu’on nous a présentées : la première moitié de notre carrière, on doit prouver qu’on mérite de jouer dans la LNH, et la deuxième moitié, il faut prouver qu’on mérite d’y rester. »

« Je ne pense certainement pas qu’un poste m’est acquis », a abondé Kaiden Guhle, dont le poste est pourtant acquis. « J’ai la même posture que l’an dernier : beaucoup de bons défenseurs peuvent prendre n’importe quel poste. Je veux faire partie de l’équipe. »

Déjà, estime Arber Xhekaj, l’expérience acquise l’an dernier est visible à l’entraînement et dans les matchs intraéquipes.

Les gars sont plus calmes, ils prennent de bonnes décisions en possession de la rondelle.

Arber Xhekaj

Les joueurs du CH parlent constamment de l’esprit de corps qui les habite. Les rigueurs de la dernière campagne ont visiblement soudé le groupe, y compris ses plus jeunes éléments.

« On doit se soucier les uns des autres et s’assurer qu’on est tous dans la bonne direction », a repris Xhekaj.

Cet optimisme est partagé par Gallagher. « Les jeunes de l’an dernier ont disputé beaucoup de minutes importantes dans des moments clés. S’ils ont bien travaillé pendant l’été et qu’ils utilisent leur expérience, ça va bien aller. »

A, B, C…

Martin St-Louis s’attend à plus de « maturité » de la part de ses jeunes ouailles, surtout du côté de ses défenseurs, qui se sont partagé les deux tiers des matchs disputés par des recrues l’an dernier chez le Canadien.

« C’est sûr qu’ils vont faire des erreurs, mais il faut arrêter de faire les mêmes », a-t-il expliqué. L’entraîneur sera attentif aux « détails », tant à l’entraînement que pendant les matchs. « Il faut prendre toutes les répétitions au sérieux. »

Ici aussi, on dirait que Kaiden Guhle écoutait derrière la porte. « Je veux jouer le plus de bons matchs possible, pas juste des matchs corrects », a-t-il lancé.

Conscient que personne ne peut être « excellent chaque soir », il revient à chacun de trouver une manière de rattraper ses mauvaises journées à l’usine, croit-il. « On ne peut pas connaître 82 matchs “ A ”, a-t-il imagé. Mais comment est ton match “ B ” ? Ton match “ C ” ? »

Une très bonne question, qui témoigne de la maturité, justement, du défenseur de 21 ans. Une question rhétorique, on s’entend. Mais qui pourrait être soulevée souvent dans une équipe qui, selon la plupart des prédictions, risque de connaître sa part de matchs « B » ou « C » au cours des prochains mois.

En bref

Harvey-Pinard et Gallagher s’amusent

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Rafaël Harvey-Pinard

Personne ne sait si cette combinaison survivra jusqu’au début de la saison, mais voilà déjà deux jours que Rafaël Harvey-Pinard et Brendan Gallagher sont réunis au sein d’un trio qu’on pourrait qualifier d’énergique. Les similitudes entre les deux attaquants sont soulignées depuis l’arrivée du Québécois dans l’organisation du CH, et Martin St-Louis a souri à l’évocation de ce duo. « C’est le fun de les voir. Ça travaille, c’est le fun », a-t-il affirmé. « C’est un joueur intelligent, et on voit le jeu de la même manière, a dit Gallagher de son jeune collègue. C’est facile de le lire. » « Il se donne toujours à 200 % et son éthique de travail est irréprochable. La manière dont il joue, c’est un bel exemple pour moi », a rétorqué Harvey-Pinard. C’est Owen Beck, 19 ans, qui a jusqu’ici la tâche de piloter le trio. Et il s’en sort très bien.

Les décisions de Reinbacher

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David Reinbacher

Choix de premier tour de l’équipe au dernier repêchage, David Reinbacher passe probablement ses derniers jours dans l’entourage de l’équipe, lui qui semble destiné à rentrer en Europe pour y disputer la prochaine saison. Il s’assure toutefois de laisser une bonne impression. Il a encore des croûtes à manger, ce qu’on ne lui reprochera pas, mais son calme en possession du disque, combiné à son coup de patin, force l’admiration. « Je suis très heureux de ce que je vois, a commenté Martin St-Louis. Sa prise de décision, elle est de niveau élite pour un joueur de 18 ans. C’est très important pour avoir du succès dans la LNH. » L’Autrichien, pour sa part, a confirmé avoir gagné en aisance sur le plan de son « orientation sur la glace », notamment dans l’espace plus restreint des patinoires nord-américaines. Le meilleur est à venir.

Davidson en vedette

PHOTO MARTIN TREMBLAY, ARCHIVES LA PRESSE

Jared Davidson

Peu de partisans salivaient à l’idée de voir Jared Davidson à ce camp d’entraînement, mais c’est tout de même lui qui a volé la vedette du premier match simulé de vendredi. Il a montré une belle touche offensive en marquant trois buts, dont un grâce à un tir foudroyant qui a frôlé la barre horizontale avant de tomber au fond du filet. Choix de cinquième tour de l’équipe en 2022 (130e au total), l’Albertain a signé un premier contrat professionnel avec le Rocket de Laval. Sinon, Sean Farrell, sans s’imposer offensivement, a fait preuve de beaucoup d’aplomb sur un trio complété par Riley Kidney et le nouveau venu Tanner Pearson. Dans le deuxième match simulé du jour, le défenseur Logan Mailloux a marqué deux buts, dont un à la suite d’un bel échange avec Josh Anderson.

Le DMulder prend sa retraite

PHOTO ANDRÉ PICHETTE, ARCHIVES LA PRESSE

Le DDavid Mulder en 2015

Celui qui a tout vu et tout entendu en 60 ans chez le Canadien prend sa retraite. Le club a annoncé vendredi après-midi que le DDavid Mulder se retirait de ses fonctions de médecin en chef. Il conservera tout de même un rôle de consultant. Il sera remplacé dans ses anciennes fonctions par le DDan Deckelbaum, qui a passé les 12 dernières années avec l’équipe. Arrivé dans l’organisation en 1963, le DMulder a amorcé sa carrière sportive en travaillant auprès des joueurs du Canadien junior de Montréal, des Voyageurs de Montréal et ensuite ceux du Canadien de Montréal. Le natif d’Eston, en Saskatchewan, a été chirurgien-chef de l’Hôpital général de Montréal de 1977 à 1998. Il a été président de la Société des médecins en chef de la LNH de 2003 à 2006, et il est décoré de l’Ordre du Canada ainsi que du Mérite honorifique de l’Hôpital général de Montréal.