Lancer sa propre collection de vêtements à 22 ans ? C’est l’ambitieux projet d’un ancien espoir du Canadien, qui refuse de se laisser abattre par une damnante inflammation.

Le joueur en question, c’est Jacob LeGuerrier, un défenseur repêché au 126e rang par le Tricolore en 2019. Le Franco-Ontarien n’a jamais joué pour le CH, mais a disputé quatre matchs avec le Rocket de Laval lors de la saison 2021, celle où le club-école jouait au Centre Bell, à huis clos.

Ces souvenirs sont toutefois bien lointains, puisque sa carrière est sur pause. La raison : une myocardite qui le ralentit depuis avril 2022.

LeGuerrier garde espoir de recommencer à jouer, mais en attendant, il a lancé la collection de vêtements Heartline Apparel, un projet qu’il mène en parallèle avec ses études en sciences de la santé à l’Université d’Ottawa.

Consultez le site de Heartline Apparel

Il entend donner 50 % des profits pour la recherche sur les maladies cardiovasculaires. « À chaque lancement de marchandise, j’aimerais choisir une cause différente. Là, c’est l’Institut de cardiologie de l’Université d’Ottawa. Mais j’aimerais aussi donner à Montréal, Toronto, Vancouver, aux États-Unis, pour toucher le plus de gens possible. »

Fauché par la pandémie

LeGuerrier n’est pas au sommet de sa forme lorsqu’il répond à notre appel. « J’ai la COVID-19, ça pourrait aller mieux ! », s’excuse-t-il.

La COVID-19 lui a fait mal à plus d’un égard. Sur la patinoire, la pandémie a essentiellement scellé son sort chez le Canadien. Après son repêchage, il a disputé la saison 2019-2020 à Sault-Sainte-Marie, saison qui n’a jamais été terminée. La campagne suivante a tout simplement été annulée dans la Ligue junior de l’Ontario.

LeGuerrier a été limité à quatre petits matchs avec Laval et n’a donc pas pu se faire justice. Le CH l’a laissé filer sans lui offrir de contrat.

PHOTO BERNARD BRAULT, ARCHIVES LA PRESSE

Jacob LeGuerrier lors d’un match des recrues du Canadien, en septembre 2019

En 2021-2022, il s’est replacé avec Rockford, dans la Ligue américaine, mais jouait surtout pour Indianapolis, dans l’ECHL. C’est là que ça a déboulé.

« J’étais malade, mais j’avais les symptômes d’un léger rhume, explique-t-il. Mon test de COVID-19 était négatif. Je suis retourné jouer, mais j’avais des douleurs à la poitrine, de l’arythmie, des choses que je n’avais jamais vécues. Donc après deux semaines, j’ai prévenu les soigneurs. Ils m’ont testé et j’ai vu un cardiologue deux jours plus tard.

« Ils ont découvert une insuffisance cardiaque dans le ventricule gauche. Ça sonne pire que ce que c’est, mais en gros, mon cœur ne pompait pas assez de sang pour mon corps. On a fait des tests pour voir si c’était congénital, mais tout pointait vers la COVID longue. Le médecin pense que mon test de COVID était un faux négatif. J’ai été six mois sans exercice. Ensuite, c’était mieux, mais je n’ai pas pu recommencer à jouer. »

LeGuerrier espère toujours reprendre sa carrière, mais son corps refuse pour le moment.

J’ai recommencé à patiner il y a deux mois, mais pas au niveau d’un professionnel. Les docteurs ne sont pas sûrs des médicaments que je prends et des effets à long terme si je joue au hockey. J’aime mieux être prudent. Ce n’est pas un bras ou une jambe !

Jacob LeGuerrier

Si jamais il reçoit le feu vert, il donnerait ses premiers coups de patin avec l’équipe de l’Université d’Ottawa, avant d’évaluer ses options chez les pros.

« Ils m’ont dit que je peux espérer une guérison complète. Mais ils ont aussi dit que ça prendrait 6 mois, et on est rendus à 15. Ça varie d’une personne à l’autre, mais j’ai encore espoir. »

Il n’est pas le premier hockeyeur ralenti par cette inflammation. Dans la LNH, l’attaquant Josh Archibald et le gardien Alex Stalock ont dû rater plusieurs mois en raison d’une myocardite.

L’autre passion ?

La mode, c’est l’autre passion de LeGuerrier. C’était donc naturel pour lui que son premier projet d’affaires soit dans ce domaine. « Quand je jouais, j’avais toujours du fun avec mes amis à acheter différents vêtements, différents styles. C’était ma passion en dehors du hockey. »

PHOTO FOURNIE PAR JACOB LEGUERRIER

Jacob LeGuerrier, portant un chandail de sa collection

L’entreprise est de taille modeste. Les vêtements de sa première commande sont empilés chez ses parents. « C’est moi, mon frère, et quelques amis qui m’aident avec les photos. Mon frère travaille plus sur le site, il fait de la programmation. »

Il a tout de même conservé son emploi de commis aux urgences au campus Civic de l’Hôpital d’Ottawa, dans ce qui est devenu une autre passion, d’où ses études en santé. « Ce que j’ai vécu m’a donné le goût d’en apprendre plus sur le corps humain, le cœur. J’aimerais que ça me mène à un emploi où je pourrais encore faire partie d’une équipe. »

Des projets certes emballants, mais il reste que Jacob LeGuerrier aurait préféré sauter sur la patinoire cette semaine, dans un des 32 camps d’entraînement aux quatre coins de la LNH. Il garde le moral malgré tout.

« C’est assez difficile, mais c’est indépendant de ma volonté. Je ne peux rien faire. Je peux juste essayer des choses, comme la collection de vêtements. Tu ne le sais jamais, ça va peut-être ouvrir la porte à la recherche pour le cœur. Et si un autre athlète vit la même chose, il aura peut-être plus de ressources. »