Dans quelques mois, Kori Cheverie se tiendra devant le tableau blanc et montrera des exercices à Marie-Philip Poulin, Laura Stacey, Erin Ambrose et les autres joueuses de la future équipe de Montréal dans la Ligue professionnelle de hockey féminin (LPHF).

En attendant, l’entraîneuse en chef de l’équipe toujours sans nom a eu droit à une bonne répétition. Elle revient en effet du camp des Penguins de Pittsburgh, où elle agissait comme entraîneuse invitée. Elle s’est tenue devant ledit tableau blanc, mais avec Sidney Crosby, Evgeni Malkin et Kristopher Letang qui l’écoutaient.

Mardi, elle est rentrée à la maison après six jours dans l’entourage des Penguins. Six jours qu’elle a essentiellement passés sur la patinoire, en plus de se retrouver derrière le banc pour un match préparatoire, dimanche.

« On m’a assigné des exercices, comme tous les autres entraîneurs, a-t-elle raconté au bout du fil, mardi midi. Tu as Malkin, Crosby, Letang qui te regardent et tu es au tableau, et on m’a demandé : “Étais-tu nerveuse ?” Non, je ne l’étais pas. Je connais mes choses et si je m’exprime bien, je suis comme tout autre coach. Ça adonne juste que je suis une femme et certains de ces joueurs n’ont jamais eu une entraîneuse. »

Cette attitude, elle la dégage dans l’ensemble de ses propos. Par exemple, lorsqu’on lui fait remarquer que l’adjectif « première » revient souvent à son sujet. Première femme à temps plein dans un programme universitaire masculin au Canada (Ryerson), première dans le personnel d’entraîneurs d’une équipe masculine nationale canadienne (mondial U18 en 2022), et maintenant, première derrière le banc pendant un match de la LNH en tant qu’entraîneuse, distinction qu’elle partage avec Jessica Campbell, du Kraken de Seattle.

« Je suis heureuse d’être celle qui peut montrer la voie aux autres. Je sais que ce n’est pas le chemin le plus facile, mais je ne veux pas trop y mettre d’attention, car ça peut faire peur. Au fond, c’est juste du hockey et c’est ce que je veux faire », affirme-t-elle.

De bons mots

Sa présence a visiblement été appréciée. Pendant la semaine, Mike Sullivan, entraîneur-chef des Penguins, a pris quelques instants pour souligner la nomination de Cheverie comme entraîneuse en chef à Montréal.

La reconnaissance a été mutuelle. À ses yeux, les Penguins forment une organisation « progressiste ». Un détail en apparence anodin l’a interpellée.

« Ils ont construit un vestiaire pour les femmes à côté de celui des entraîneurs masculins. Tu arrives, tu as ton propre espace, tu n’es pas mise à l’écart. Ton vestiaire est juste à côté des autres. Ainsi, quand ils accueilleront d’autres femmes dans leur environnement, elles seront à leur aise. »

Ça me dit que c’est une organisation qui veut continuer à progresser.

Kori Cheverie, au sujet des Penguins de Pittsburgh

La Néo-Écossaise a soutiré un maximum d’informations. Elle devra par exemple organiser le camp d’entraînement de son équipe, qui s’amorcera à la mi-novembre, en vue d’un début de saison en janvier. Un défi logistique pour tout entraîneur. « Notre camp sera un peu plus long que celui des Penguins, nuance-t-elle, mais ils avaient certainement de bonnes idées. »

Mais elle était surtout ravie de voir s’ouvrir les possibilités de travailler avec des athlètes qui ne font que ça de leur vie, jouer au hockey. Si tout se déroule rondement, c’est aussi la chance qu’auront les joueuses des six équipes de la LPHF.

« C’était bien de travailler dans un environnement où les joueurs jouent sans se tracasser avec un autre emploi en parallèle, note-t-elle. La quantité d’information qu’ils ont eu à apprendre en trois jours était remarquable ! Je n’ai jamais rien vu de tel. »

PHOTO FOURNIE PAR LES PENGUINS DE PITTSBURGH

Kori Cheverie

À Montréal dans un mois

Kori Cheverie a passé les six dernières semaines dans ses valises. Elle est partie de chez elle, à New Glasgow, le 8 août, en tant qu’entraîneuse adjointe de l’équipe nationale canadienne. Elle y est revenue mardi, quelques semaines plus tard que prévu, à titre d’entraîneuse en chef de Montréal.

Entre-temps, elle est passée par St. Catharines et Lake Placid pour des camps de Hockey Canada, par Montréal où elle a été présentée aux médias, par Toronto pour le repêchage, puis par Pittsburgh. Un horaire imprévu qu’elle accueille évidemment avec joie, malgré quelques enjeux logistiques.

Par exemple, quand elle a dû demander à un ami qui partait de la Nouvelle-Écosse en voiture de lui livrer un sac de vêtements à Montréal. « Je dois dire que je suis tannée de certains vêtements ! », lance-t-elle, mi-découragée, mi-amusée.

Elle tente actuellement d’organiser un déménagement à Montréal autour du 20 octobre. Un déménagement en bonne et due forme, car elle compte bien demeurer à Montréal « à temps plein ».

Ce sera une façon de plus d’apprendre le français, ce qu’elle s’était engagée à faire lors de sa présentation devant les médias. Elle a d’ailleurs modifié son profil sur X pour y inclure quelques mots en français, et a amorcé et conclu l’appel par des mots de politesse dans la langue de Mononc’ Serge. Et au repêchage, elle avait annoncé quelques sélections en français.

« Apprendre le français est important pour moi, réitère-t-elle. Ce l’était aussi avant que j’accepte cet emploi. En 2022, j’ai aussi suivi des cours de français pendant la centralisation de l’équipe nationale. Je comprends et je respecte l’importance que ça a pour la ville et pour moi. Je veux vraiment m’immerger dans le français.

« Je sais que je ne le parle pas encore, mais je travaille fort. Dans la vie, je travaille fort dans tout ce que je fais et ce ne sera pas différent pour le français. »

Une première rencontre avec Crosby

PHOTO DOMINICK GRAVEL, ARCHIVES LA PRESSE

Sidney Crosby

Les deux viennent de la Nouvelle-Écosse, les deux sont nés en 1987 et baignent dans le hockey depuis toujours. Mais Kori Cheverie et Sidney Crosby ne s’étaient jamais rencontrés avant la semaine dernière, au camp des Penguins de Pittsburgh. Les deux avaient notamment participé aux Jeux du Canada en 2003, mais leurs chemins ne s’étaient pas croisés. « J’ai toujours été une grande fan de lui, par sa façon de jouer et parce qu’on vient de la même province. C’était très cool de le rencontrer et il ne m’a pas déçue. C’est un joueur phénoménal, même à sa 19saison. Il est exceptionnel comme joueur, mais encore plus comme humain. »