(Toronto) D’un côté, les Maple Leafs comptaient sur tous leurs gros canons à l’attaque, d’Auston Matthews à John Tavares, en passant par Mitch Marner. De l’autre, le Canadien débarquait dans la Ville Reine privé de Mike Matheson et de Kaiden Guhle, potentiellement ses deux premiers défenseurs cette saison.

De toutes les scènes d’après-match que l’on pouvait imaginer, celle où un Mattias Norlinder souriant venait s’adresser aux médias arrivait bien loin dans la liste des possibilités.

Mais voilà, comme l’ont fait les réservistes des Leafs cette fin de semaine au Centre Bell, les joueurs du Canadien ont causé la surprise lundi soir, battant Toronto 5-4 en prolongation.

Et il appert que Norlinder, employé dans un rôle relativement important, a eu son mot à dire dans cette victoire. Le Suédois a inscrit le premier but du match, mais, surtout, le trio qu’il a le plus affronté a été celui de Matthews. Unité qui n’a finalement pas marqué à 5 contre 5.

PHOTO DAN HAMILTON, USA TODAY SPORTS, FOURNIE PAR REUTERS

Mattias Norlinder

Norlinder était souriant, donc. « Ça vient de l’an passé. Je me suis habitué à la patinoire, aux gars, à l’environnement, à toutes les nouveautés quand tu arrives de l’Europe. Je bâtis ma confiance là-dessus », a-t-il résumé.

Précédé d’une forte réputation dont on ne saurait expliquer l’origine, ce Norlinder avait disparu des écrans radars l’an dernier, à sa première saison complète à Laval. Voici qu’il réapparaît au cours de ce calendrier préparatoire. Des circonstances favorables jouent en sa faveur, principalement la blessure de Matheson. En l’absence du rouquin volant, Norlinder s’est vu confier la première unité d’avantage numérique.

Et lundi, en l’absence de Guhle, il a formé un tandem avec David Savard. « Hors glace, il est drôle à côtoyer, il facilite notre adaptation à nous, les Européens. Et sur la glace, il parle beaucoup, donc il facilite notre travail. Il l’a fait avec Guhle aussi », estime Norlinder.

Martin St-Louis s’est dit satisfait du numéro 59. « J’ai aimé comment il a joué. Il a joué avec beaucoup de swagger, de confiance, de bonnes touches avec la rondelle. C’est un joueur très intelligent. »

Les histoires inattendues

Norlinder est un exemple de plus qui contribue à cet étrange camp 2023 du CH. Étrange parce que tous les nouveaux visages qui étaient attendus avec impatience n’ont finalement pas eu l’effet escompté. Les histoires sont ailleurs.

À l’attaque, Owen Beck et Joshua Roy suscitaient de l’intrigue après avoir brillé au camp 2022. Ils n’ont finalement pas survécu à la première vague massive de compressions, bien que Roy ait connu de très bons moments.

Emil Heineman arrivait avec une chance réelle de causer une surprise, lui qui avait laissé une belle carte de visite l’an passé. Mais il semble constamment faire un pas vers l’arrière pour chaque pas vers l’avant. Lundi, il a réalisé quelques jeux défensifs importants en plus de bousculer le vétéran T. J. Brodie, mais il a aussi commis le revirement à l’origine d’un but des Leafs. Ses 11 minutes passées sur la patinoire lundi en disent long sur sa place sur l’échiquier.

En défense, la venue de David Reinbacher était anticipée, et même si le jeune homme s’est bien tiré d’affaire, Kent Hughes n’a pas fait durer le suspense. Logan Mailloux est parfois impressionnant à regarder aller, mais les signes de jeunesse dans son jeu sautent aux yeux.

Derrière ces jeunes qui étaient attendus de plusieurs, on retrouve un groupe de joueurs plus avancés dans leur développement, qui ont déjà joué pour le Canadien, qui étaient attendus dans l’effectif cette saison, mais qui tentent néanmoins d’améliorer leur sort.

Rafaël Harvey-Pinard est l’un d’eux. Son trio avec Kirby Dach et Juraj Slafkovsky est demeuré intact depuis le début des matchs préparatoires. Personne ne savait trop quel rôle prédire au petit numéro 49 ; la métaphore du couteau suisse, employée par St-Louis sur le plateau de Tout le monde en parle, rappelle justement que Harvey-Pinard pourrait être appelé à changer souvent de rôle cette saison. Mais en jouant avec Dach, il démontre qu’il peut très bien faire le travail au sein d’un deuxième trio si besoin est.

PHOTO NATHAN DENETTE, LA PRESSE CANADIENNE

Rafaël Harvey-Pinard (49) et Jake Allen (34)

« On a beaucoup d’options, a rappelé St-Louis, après le match. Des fois, ça va dépendre de l’adversaire, comment les trios sont bâtis. On a de la profondeur et on a des options. Je ne dis pas qu’on va gérer ça au quotidien, mais je serais très surpris que les trios du jour 1 restent comme ça toute l’année. »

Johnathan Kovacevic en est un autre qui, discrètement, continue de s’affirmer. Sa fiche de -1 lundi est d’ailleurs bien ingrate ; il était sur la glace pour le très mauvais but accordé par Jake Allen en première période, et pour celui plutôt chanceux de Max Domi.

« C’est un gars sous-estimé de l’extérieur, mais de l’intérieur, on sait ce qu’on a et on est contents. Il est très intelligent et il doit continuer à travailler sur ses atouts pour faire ce que son cerveau lui dit », a illustré St-Louis.

Il y a donc des gagnants à ce camp, même si ce ne sont pas ceux que l’on attend nécessairement. Reste maintenant à voir quand les Tanner Pearson, Brendan Gallagher et Jake Evans se mettront en marche.

Dans le détail

Un examen à deux questions

Ils sont peu nombreux à se plaindre du fait que le Canadien ait réduit son calendrier préparatoire de deux matchs cet automne, s’offrant seulement six matchs, comparativement à huit l’an dernier. Mais s’il y en a pour qui cette décision est ingrate, ce sont les gardiens. Après le match, Jake Allen reconnaissait lui-même que c’était vraisemblablement sa dernière chance de se faire valoir avant la saison. Il n’a donc eu que deux matchs, dont un incomplet, soit 90 minutes de jeu en tout ; sur les 41 tirs qu’il a vus, 6 l’ont déjoué. Son taux d’efficacité de ,854 est donc ingrat, bien qu’Allen n’ait pas aidé sa cause accordant un cadeau aux Leafs sur le tout premier tir vers lui, lundi. « J’aurais aimé revoir le premier tir, mais en général, je me sentais solide, j’ai fait de gros arrêts, j’étais à mon aise. Je n’ai plus de matchs à jouer, mais l’année de la COVID, on n’a joué aucun match préparatoire, donc je suis correct », a commenté le vétéran gardien. On devine que ses états de service lui donneront le bénéfice du doute, d’autant plus que Cayden Primeau n’a pas été dominant non plus, mais un mauvais début de saison ajouterait certainement une couche d’intrigue à la situation devant le filet.

On brasse les cartes

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Matthew Knies et John Tavares

Depuis quelques années, l’attaque des Maple Leafs s’articule autour des duos Auston Matthews-Mitch Marner et John Tavares-William Nylander. Or, Sheldon Keefe tente une expérience à ce camp, en séparant Tavares et Nylander, et en mutant ce dernier au centre. Or, Marner a joué 20 minutes par match en moyenne l’an passé, Nylander en a joué 18 et Tavares, 17. On comprend ici que le quatrième centre, David Kämpf lundi, pourrait se retrouver avec un bien modeste temps d’utilisation certains soirs. C’est d’autant plus vrai que Keefe s’est proposé d’ajouter le désavantage numérique à la liste des tâches de Matthews, un rôle que le numéro 34 n’a jamais rempli. Les joueurs du Tricolore ont pu constater de près le danger que pourrait poser un duo Matthews-Marner à quatre contre cinq. Les deux comparses ont profité de la nonchalance de Logan Mailloux et de Juraj Slafkovsky pour menacer Allen en deuxième période. Le tandem torontois pourrait donner des maux de tête aux adversaires cette saison…

Plus ça change…

Les blessures sont toujours un risque au camp d’entraînement et le Canadien n’y échappe pas. Lundi matin, avant que le Tricolore file vers Toronto, l’équipe a annoncé que les attaquants Joel Armia et Alex Newhook, de même que le défenseur Gustav Lindström, étaient blessés au haut du corps. Aucun autre détail n’a été dévoilé. Armia et Lindström étaient en uniforme vendredi, tandis que Newhook a disputé le match de samedi. La durée de leur absence demeure inconnue, mais la situation sera à suivre, car si des joueurs amorcent la campagne sur la liste des blessés, Kent Hughes aura forcément moins de joueurs à soumettre au ballottage, du moins en début de saison. Ces trois blessures nous rappellent par ailleurs que la nouvelle équipe médicale du Canadien n’est pas arrivée avec une baguette magique. Des joueurs fragiles, comme Armia, demeurent visiblement à risque.

En hausse 

Sean Monahan

Il termine le match avec deux passes, dont une magique à Kirby Dach pour préparer le deuxième but du CH. Il a aussi remporté 81 % de ses mises au jeu. Il compte quatre points en trois matchs. Le vétéran est prêt.

En baisse 

Tanner Pearson

Quelques bons jeux défensifs, mais en zone adverse, il n’a guère été visible.

Le chiffre du match

23 min 02 s

C’est le temps d’utilisation de Jordan Harris, le joueur le plus utilisé du camp montréalais. Habile patineur, il a même été désigné pour amorcer la prolongation. De belles marques de confiance.