(Mont-Tremblant) Les joueurs recrues ont reçu tellement de responsabilités la saison dernière, chez le Canadien, qu’il devenait difficile d’évaluer leur travail avec efficacité.

Maintenant que le groupe est en santé et qu’une nouvelle campagne s’amorce, l’occasion est belle pour s’intéresser plus spécifiquement à certains d’entre eux. Notamment Arber Xhekaj.

Il y a un an, le défenseur est instantanément devenu un favori du public. Jamais repêché, il a suscité l’admiration en atteignant la LNH à force de travail et de patience. Et certains éléments de son jeu, notamment sa robustesse et son flair offensif, en ont fait un habitué des compilations de faits saillants.

Or, alors que pas moins de neuf défenseurs en santé sont toujours au camp d’entraînement du Tricolore, où Xhekaj se place-t-il dans la hiérarchie à sa position ? Le départ de Joel Edmundson lui donnera-t-il plus de temps de glace sur le flanc gauche ? Le mutera-t-on du côté droit, l’une des faiblesses du club ? Ou devra-t-il se contenter du rôle de septième défenseur et sauter son tour de temps à autre ?

Car aussi bien le nommer froidement, le personnel d’entraîneurs a protégé Xhekaj en le soustrayant aux missions défensives les plus complexes. Malgré cela, il n’a pas offert de performances particulièrement inspirées dans sa zone.

Pour y voir plus clair, La Presse s’est intéressée aux attaquants que les neuf principaux défenseurs du Canadien ont affrontés le plus souvent en 2022-2023 à cinq contre cinq. Sans surprise, David Savard et Mike Matheson se sont partagé la tâche la plus ingrate. Pas moins de 9 des 10 attaquants qui ont passé le plus de temps sur la glace contre Savard ont fait partie des 50 meilleurs pointeurs du circuit. Et 7 sur 10 pour Matheson.

L’attaquant qu’a dû contrer Kaiden Guhle le plus longtemps ? Sidney Crosby. Ça en dit long sur le baptême auquel il a eu droit à sa première année sur le circuit.

Et Xhekaj ? Son opposant le plus assidu a été Blake Coleman. Après lui : Anthony Cirelli, Wyatt Johnston et Pat Maroon. Des joueurs qui évoluent sur le troisième, voire sur le quatrième trio de leur équipe.

PHOTO OLIVIER JEAN, ARCHIVES LA PRESSE

Il y a un an, Arber Xhekaj est instantanément devenu un favori du public. Jamais repêché, il a suscité l’admiration en atteignant la LNH à force de travail et de patience.

Joueurs de soutien

Nous avons aussi quantifié la production offensive totale du groupe de 10 attaquants associé à chaque défenseur du CH. Le résultat, exprimé en moyenne de points par match, est éloquent.

Les 10 attaquants qu’a affrontés David Savard le plus souvent à cinq contre cinq la saison dernière ont produit, au total de la saison, à un rythme supérieur à un point par match. Parmi eux : Sidney Crosby, Tim Stützle, Brayden Point, Auston Matthews… Matheson et Edmundson ont affronté une opposition légèrement inférieure, quoique comparable.

Chez les recrues, c’est bien sûr Guhle qui a écopé des affectations les plus corsées. Jordan Harris apparaît assez tôt dans ce classement, preuve de la confiance qu’il a lui aussi su acquérir.

  • David Savard : 1,05
  • Mike Matheson : 1,00
  • Joel Edmundson : 0,97
  • Kaiden Guhle : 0,91
  • Jordan Harris : 0,80
  • Justin Barron : 0,74
  • Jonathan Kovacevic : 0,62
  • Arber Xhekaj : 0,50
  • Chris Wideman : 0,38

Loin derrière, il y a Xhekaj. Souvent jumelé à Chris Wideman, défenseur le plus protégé du club, il a essentiellement affronté des joueurs de soutien… avec plus ou moins de succès. Malgré cette opposition plus faible, son équipe a obtenu seulement 42 % des buts attendus lorsqu’il était sur la glace à cinq contre cinq, et à peine 39 % des chances de marquer de qualité, selon le site spécialisé Natural Stat Trick. À titre comparatif, ces indicateurs sont de 47 % et de 46 % pour Harris, qui affrontait pourtant de meilleurs joueurs.

Wideman, Justin Barron et Xhekaj sont par ailleurs les trois seuls arrières de la formation qui ont été employés sur davantage de mises en jeu en zone offensive qu’en territoire défensif à forces égales. Xhekaj, en outre, n’a à peu près pas joué en désavantage numérique.

PHOTO DOMINICK GRAVEL, ARCHIVES LA PRESSE

« Je dois être un défenseur fiable, a affirmé Arber Xhekaj, jeudi matin. Chaque fois qu’ils feront appel à moi, les entraîneurs doivent savoir que je peux fermer le jeu et que je ne ferai pas de jeu risqué. Je veux être un gars digne de confiance. »

Attentes

Revenons donc à notre questionnement de base : que peut-on, ou doit-on, attendre d’Arber Xhekaj en 2023-2024 ?

« Je dois être un défenseur fiable, a simplement affirmé le jeune homme, jeudi matin, après l’entraînement des siens. Chaque fois qu’ils feront appel à moi, les entraîneurs doivent savoir que je peux fermer le jeu et que je ne ferai pas de jeu risqué. Je veux être un gars digne de confiance. »

Plus précisément, il avoue que son jeu défensif, surtout dans sa zone, est sa priorité du camp. Il ne doit pas, par exemple, chercher à appliquer une mise en échec à chacune de ses présences.

« Si je force le jeu physique, je me mets dans le trouble, reconnaît-il. Pour un gros bonhomme comme moi, les mises en échec vont venir. »

À l’évidence, la conversation à ce sujet a eu lieu avec Martin St-Louis et n’a pas laissé de place à l’ambiguïté. Les deux ont, séparément, tenu le même discours à peu près mot pour mot.

« On sait qu’Arber est bon offensivement, a noté l’entraîneur-chef du CH. En zone adverse, il est dangereux. Mais pour jouer à cette position-là, il faut être capable de défendre. Il faut qu’il continue de travailler sa game défensive. »

Comme pour tous les jeunes joueurs, le plus grand défi est d’acquérir de la constance. De bien faire les choses pas seulement un match sur deux ou une présence sur deux.

« Quand tu es une recrue, c’est difficile d’amener de la constance, a reconnu St-Louis. Surtout à cette position-là. Mais à un moment donné, il faut que la constance commence à rentrer. Et c’est là que les responsabilités commencent à augmenter aussi. »

Aussi bien dire que Xhekaj, aussi étincelant puisse-t-il être, doit encore faire la preuve qu’il est prêt à affronter, avec régularité, les meilleurs joueurs adverses.

La direction du club a dit s’attendre de tous ses joueurs qu’ils affichent une progression au cours des prochains mois. Si le géant au numéro 72 se retrouve sur la glace contre Crosby, Kucherov ou Matthews au cours de l’hiver, il pourra considérer qu’il a, au moins partiellement, atteint son objectif.