(Toronto) La Ligue nationale de hockey (LNH) croyait le dossier clos. Au contraire, peut-être l’a-t-elle rendu encore plus explosif.

Après une saison marquée par la controverse entourant les Soirées de la fierté, évènements organisés en soutien à la communauté LGBTQ+, la LNH a ranimé la grogne en interdisant formellement aux joueurs de mettre du ruban adhésif aux couleurs de l’arc-en-ciel sur leur bâton. C’est le blogue Outsports, qui traite des enjeux LGBTQ+ dans le monde du sport, qui a révélé l’existence de cette nouvelle politique.

Consultez le blogue Outsports (en anglais)

La saison dernière, les Soirées de la fierté ont fait les manchettes après que des joueurs eurent refusé de porter des chandails multicolores pendant la séance d’échauffement de leur équipe respective.

Certains ont invoqué des convictions religieuses ; d’autres, principalement d’origine russe, des questions de sécurité, en lien avec le climat politique dans leur pays natal. Du même coup, des clubs ont pris sur eux de retirer le port d’un maillot spécial de la programmation de leur Soirée.

À la fin de la dernière saison, le commissaire du circuit, Gary Bettman, avait annoncé que les équipes ne porteraient plus de chandails thématiques du tout, peu importe la cause soutenue, afin d’éliminer les « distractions » qu’ils avaient entraînées. Une précision récemment envoyée aux équipes va toutefois plus loin et interdit désormais aux joueurs de mettre du ruban arc-en-ciel sur leur bâton, une pratique en vigueur depuis longtemps dans la ligue.

Cette nouvelle a causé un tollé dans le petit monde du hockey. « Dégoûté », le très influent agent Allan Walsh a par exemple écrit sur le réseau social X que Bettman avait « une nouvelle fois échoué ». « Cela contrevient à l’essence du ‟hockey pour tous” », a-t-il écrit mardi, en référence à Hockey Is For Everyone, nom du programme d’inclusion de la ligue.

Bill Daly, commissaire adjoint de la LNH, a confirmé à La Presse la fin du ruban multicolore. Dans une note fournie au site Daily Faceoff, il a ajouté que cette restriction n’empêchait pas les joueurs de s’impliquer autrement en faveur d’une cause ou d’une autre. « Nous ne voulons simplement pas mettre d’autres joueurs dans une position inconfortable parce qu’ils ne souhaitent pas s’y joindre. »

Les Leafs solidaires

Depuis des années, Morgan Rielly, des Maple Leafs de Toronto, est l’un des défenseurs les plus loquaces du mouvement LGBTQ+ dans la LNH. Plus d’une fois, il a pris part au défilé de la Fierté dans la Ville Reine au nom de son équipe.

Mardi, il n’a pas mâché ses mots. Sans commenter directement la directive de la ligue, qu’il n’avait pas encore lue lui-même, il a qualifié la situation de « malheureuse » et a assuré, en mêlée de presse, qu’il demeurait un « allié ».

PHOTO NATHAN DENETTE, ARCHIVES LA PRESSE CANADIENNE

Morgan Rielly

« Je vais continuer à soutenir [les membres de la communauté LGBTQ+] et la cause. Je crois qu’ils en ont besoin », a-t-il dit.

Interrogé par La Presse sur ses attentes à l’égard de ses coéquipiers, il a exprimé le souhait que ceux-ci « s’ouvrent à toutes sortes de choses », mais qu’en définitive, la décision revenait à chacun d’eux.

« D’autres personnes décideront de suivre, ça va se passer naturellement », a-t-il prédit.

Le directeur général Brad Treliving a pour sa part rappelé que les Leafs avaient « toujours soutenu la communauté LGBTQ+ ». « Rien ne va changer, a-t-il martelé. Nous allons rester fidèles à ce en quoi nous avons toujours cru. »

Sur X, l’organisme Pride Tape, qui promeut la diversité et l’inclusion par l’entremise du ruban multicolore dans différents sports, s’est dit « extrêmement déçu » de la décision de la LNH.

« Depuis six ans, la LNH et ses équipes ont amplifié l’influence de Pride Tape auprès de joueurs, parents, arbitres et partisans à tous les niveaux dans plus de 40 pays. […] Nous espérons que la ligue et les équipes vont continuer à exprimer leur engagement envers ce symbole important de la lutte contre l’homophobie. »

La note n’a pas circulé à Montréal

À Montréal, dans le vestiaire du Canadien, les deux joueurs que La Presse a abordés sur le sujet n’étaient visiblement pas au fait de la nouvelle directive.

Johnathan Kovacevic s’est poliment excusé de retenir ses commentaires, car il souhaitait d’abord prendre connaissance de la directive et de ce qui a mené la LNH à la décréter.

Son collègue à la ligne bleue Jordan Harris n’était pas plus « au courant » de l’histoire. L’Américain, originaire du Massachusetts, a toutefois ajouté que « dans ce vestiaire, on veut être un environnement ouvert pour tout le monde ».

Tant que tu es une bonne personne et un bon coéquipier, on accepte tout le monde.

Jordan Harris

Harris s’était fait remarquer, par le passé, en déplorant dans nos pages que le hockey ne soit pas réellement « pour tous ».

Lisez « Jordan Harris : transcender le hockeyeur »

« Je ne peux pas dire pourquoi cette décision [de bannir le ruban adhésif arc-en-ciel] serait prise. Mais je sais que nous, dans ce vestiaire, dans cette organisation, on est super inclusifs. On veut juste que tous se sentent bienvenus de jouer au hockey. Ou de le regarder, car ce n’est pas tout le monde qui joue ! »

Le Canadien travaille depuis des années en collaboration avec des organismes LGBTQ+ de la métropole. Cette saison, sa Soirée de la fierté aura lieu le 15 janvier prochain. L’an dernier, l’évènement s’était déroulé sans anicroche.

Quelques heures avant sa présentation, on avait toutefois appris que Denis Gurianov ne participerait pas à la période d’échauffement, car il préférait ne pas porter de chandail multicolore. Tous ses coéquipiers ont toutefois affiché ce symbole sur la glace, certains d’entre eux prenant même la parole publiquement pour livrer un message basé sur le respect et l’inclusion.

Avec Guillaume Lefrançois, La Presse